La plume bleue sous les projecteurs
Le 16 septembre, le mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza a troqué son calme solennel pour l’effervescence culturelle. Sous le slogan « Chevaliers de la plume sous l’uniforme bleu », le ministère de l’Intérieur a célébré huit auteurs issus des rangs de la police et de la gendarmerie.
L’atelier-séminaire, piloté par la direction générale de la stratégie, de la coopération et de la communication, visait à faire connaître une production littéraire souvent dissimulée derrière l’image d’autorité. Exercer un métier opérationnel tout en maniant l’encre reste un pari audacieux que les participants ont relevé avec panache.
Portraits croisés des lauréats
Le général Albert Ngoto, figure de la sécurité civile, explore la mémoire nationale et la formation, enrichissant ses récits d’anecdotes issues de ses missions. À ses côtés, Michel Innocent Peya, commissaire colonel-major et docteur en gestion, défend la cause environnementale à travers essais et manifestes.
Le colonel-major Charles Nkouanga cultive la poésie de l’amour et interroge la condition humaine, tandis que Roch Cyriaque Ngalebayi, historien militaire, fait dialoguer tragédie et identité africaine. Tous puisent dans le terrain pour forger des univers littéraires authentiques.
Maurice Itous-Ibara, colonel et chercheur, propose sa « Physique à Magnons » comme réponse scientifique au réchauffement climatique. Le capitaine Charles Peter Moukala Kinzounza, également musicien, raconte les défis de la jeunesse urbaine. Athanase Moussoungou mêle ésotérisme et vers libres, et Ruphin Sognele signe une prose militante questionnant la morale face à la loi.
Entre code et métaphore : paroles du jury
Présidé par le professeur Robert Ludovic Miyouna, le jury a salué une écriture qui humanise l’uniforme. « Au-delà de votre apparente agressivité, vous offrez des fleurs et des poèmes », a-t-il confié, invitant les lauréats à investir bibliothèques, écoles et plateformes numériques.
En distinguant ces plumes, la République du Congo reconnaît la littérature comme ciment citoyen. Le ministère encourage la diffusion nationale pour que ces ouvrages deviennent compagnons de réflexion dans les quartiers, les campus et les casernes, rapprochant forces de sécurité et population.
Communication institutionnelle à l’heure du digital
En prélude à la remise des prix, un panel a débattu de « La communication institutionnelle : entre codes et libertés ». Modéré par le professeur Bienvenu Boudimbou, l’échange a exploré les défis d’une parole publique maîtrisée dans un espace médiatique démultiplié par les réseaux sociaux.
Le journaliste-consultant Joachim Mbanza a rappelé que les plaintes contre la presse passent désormais par le Conseil supérieur de la liberté de communication, signe d’un cadre juridique clarifié. « La prison n’est plus le risque par défaut pour un délit de presse », a-t-il assuré devant un auditoire attentif.
Carine Ibombo, journaliste-communicante, a précisé que la liberté de diffuser des informations n’exclut pas la responsabilité éditoriale. « Tout dire n’est pas tout montrer », a-t-elle martelé, soulignant la nécessité d’équilibrer transparence, secret d’État et confiance citoyenne.
Souveraineté numérique et sécurité partagée
Expert en technologies, Alain Ndalla a plaidé pour une appropriation endogène de l’intelligence artificielle afin de préserver la souveraineté numérique congolaise. Selon lui, la maîtrise locale des outils réduit l’exposition aux ingérences et optimise la communication de crise.
Stanislas Itoua Ikama, directeur de la communication au ministère de l’Intérieur, a évoqué l’arbitrage quotidien entre ouverture et protection. Les plateformes digitales, bien utilisées, facilitent l’alerte rapide tout en renforçant la prévention. Il a insisté sur la formation continue des communicants publics pour suivre le rythme des mutations.
Voix civiles : droit, genre et citoyenneté
Invitée du panel, Jocelyne Milandou, présidente de l’association des femmes juristes du Congo, a salué la qualité des échanges. Elle a encouragé le Conseil supérieur de la liberté de communication à intensifier la sensibilisation sur le cadre légal afin de protéger journalistes, institutions et citoyens.
Pour Milandou, la présence féminine dans ces débats garantit une lecture inclusive des enjeux de sécurité et d’information. Elle a appelé les jeunes juristes à s’emparer du numérique pour vulgariser la loi auprès des populations, renforçant ainsi la culture du droit.
Arts vivants et esprit de corps
Entre deux interventions, le poète Stan Matingou a suspendu le temps avec un texte dédié « aux cœurs battant sous le képi ». La fanfare des forces de l’ordre a ensuite enflammé la cour du mémorial, prouvant que discipline rime aussi avec tempo et mélodie.
Ces intermèdes ont rappelé qu’une cérémonie officielle peut conjuguer rigueur et créativité. Public, lauréats et cadets se sont mêlés dans un même élan, capturant des vidéos aussitôt partagées sur TikTok et WhatsApp, lieux privilégiés de la jeunesse urbaine de Brazzaville et Pointe-Noire.
Regards tournés vers la prochaine édition
En clôturant les travaux, Séraphin Ondelé, directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur, a encouragé la production d’idées neuves pour bâtir « une république où le code et la liberté se conjurent ». Il a promis un accompagnement institutionnel pour la diffusion des ouvrages primés.
Les auteurs, visiblement émus, ont signé dédicaces et selfies avec les étudiants présents. Beaucoup espèrent que leur parcours inspirera de nouvelles vocations littéraires parmi les forces de sécurité, convaincus que l’uniforme peut aussi porter un stylo qui éclaire la cité.
