Un pic d’IDE qui réveille la presse économique panafricaine
Onze virgule sept milliards de rands, soit quelque 661,5 millions de dollars à la conversion officielle du Trésor sud-africain : le chiffre publié le 26 juin par la Banque de réserve sud-africaine (SARB, 26 juin 2025) rappelle que la première puissance industrielle d’Afrique conserve une force d’attraction certaine. Le volume, inédit depuis le deuxième trimestre 2024, survient après un dernier trimestre 2024 atone, limité à 7,5 milliards de rands. Dans un contexte où la nation arc-en-ciel est davantage citée pour ses délestages électriques que pour la vitalité de son climat d’affaires, le regain a de quoi étonner.
Derrière les chiffres bruts, la mécanique des participations intragroupes
La banque centrale attribue l’essentiel de la progression au renforcement des participations en actions par les maisons mères étrangères dans leurs filiales implantées localement. Autrement dit, les sociétés mères ont préféré recapitaliser « la branche sud » plutôt que de laisser filer des parts de marché dans une économie encore sous-cotée. Cette dynamique, classique lors d’un cycle de faiblesse du rand, offre une fenêtre d’achat bon marché à des groupes déjà présents à Johannesburg ou au Cap.
Chute vertigineuse des investissements de portefeuille : la face sombre
Le revers de la médaille ne s’est pas fait attendre. Les investissements de portefeuille – ces capitaux volatils qui entrent et sortent au rythme des places boursières – ont basculé dans un rouge vif : 53,7 milliards de rands de sorties nettes, contre 33,4 milliards d’entrées trois mois plus tôt. L’explication avancée par la SARB tient en deux points : d’une part, la liquidation de titres de capital locaux par des fonds étrangers redoutant la volatilité du rand ; d’autre part, le remboursement anticipé d’une obligation internationale par une entreprise publique sud-africaine, ce qui a mécaniquement aspiré des devises hors du pays.
Un rand sous pression, mais un marché des fusions et acquisitions debout
Le rand flirtait début juillet avec 18,80 ZAR pour un dollar, un plus bas de six mois. Pourtant, plusieurs banquiers d’affaires contactés à Sandton jurent que « la décote du rand crée des opportunités de rachat d’actifs solides à prix réduits ». Ainsi, dans les télécoms, MTN a confirmé la finalisation de son partenariat stratégique avec la fintech britannique ZunaPay, opération structurée comme un apport de capital direct plutôt qu’une émission de titres de dette (communiqué MTN, 5 juillet 2025).
Les fondamentaux macroéconomiques demeurent contrastés
Le FMI prévoit une croissance sud-africaine de 1,4 % en 2025, portée par la stabilisation relative du secteur minier et la résorption partielle des coupures d’électricité. Néanmoins, le taux de chômage officiel reste planté au-delà de 32 %. Pour Dr Nomusa Khumalo, économiste à l’université de Witwatersrand, « les IDE reflètent davantage la stratégie interne des multinationales que la confiance spontanée dans les politiques publiques. L’Afrique du Sud reste une porte d’entrée, mais la compétition du Nigeria ou de l’Égypte s’intensifie ».
Résonance pour les économies d’Afrique centrale
Au Congo-Brazzaville, où les IDE se concentrent historiquement sur les hydrocarbures, la poussée sud-africaine rappelle l’urgence de diversifier les secteurs ciblés. « La manne pétrolière ne suffira pas à retenir les jeunes diplômés si nous ne simplifions pas la création de sociétés technologiques », fait valoir Joël Oba, analyste chez Congo Business Consulting à Brazzaville. Les autorités congolaises observent également la dégringolade des portefeuilles sud-africains comme un avertissement : l’excès de capitaux spéculatifs peut se muer en sortie brutale, fragilisant le marché obligataire local.
Les investisseurs arbitrent entre risque politique et potentiel de rendement
A six mois des élections municipales sud-africaines, les analystes créditent la stabilité institutionnelle mais redoutent des tensions sociales amplifiées. L’indice PMI manufacturier a stagné à 49,8 en mai, signalant un secteur sur le fil. Le passage au gaz naturel liquéfié pour atténuer la crise énergétique représente un coût budgétaire et un chantier logistique colossal que le Trésor devra absorber sans dégrader la note souveraine.
Une éclaircie conditionnelle plus qu’un nouveau cycle vertueux
Le rebond des IDE au premier trimestre 2025 offre indéniablement à Pretoria l’image d’une économie encore capable de convaincre les maisons mères. Toutefois, la fuite concomitante des capitaux de portefeuille rappelle le caractère inflammable de la confiance financière globale. Tant que les réformes structurelles – sécurisation énergétique, lutte anticorruption, modernisation logistique – ne seront pas gravées dans le marbre, l’Afrique du Sud devra composer avec des saisons d’entrées spectaculaires suivies de reflux inattendus. Les jeunes entrepreneurs du Bassin du Congo peuvent y lire une leçon : attirer l’argent est une chose, le retenir en est une autre.