Une session stratégique au cœur de Brazzaville
Dans la touffeur matinale du 9 juillet, les principaux artisans de l’intégration régionale se sont réunis au sein du ministère de l’Économie, du Plan et de l’Intégration régionale. Sous la présidence de Sylvain Lekaka, directeur de cabinet, la 7ᵉ session du comité des points focaux s’est ouverte avec le souci affiché de traduire en résultats tangibles les ambitions partagées par les États d’Afrique centrale. Le cérémonial n’a pas occulté la dimension éminemment technique de la rencontre : évaluer sans complaisance, mais avec méthode, l’avancement réel des projets dits « intégrateurs » et, surtout, mesurer leurs retombées concrètes sur le quotidien des populations.
Un impératif de cohérence et de complémentarité
« Il nous appartient de bâtir des passerelles entre les politiques publiques et les projets intégrateurs », a rappelé Sylvain Lekaka d’une voix posée mais ferme. Cette phrase résume le cœur de l’exercice : faire de la coordination interministérielle non plus un vœu pieux, mais un levier opérationnel. Car l’intégration régionale ne se décrète pas ; elle se construit, kilomètre après kilomètre, texte budgétaire après texte budgétaire, dans une logique où l’expertise technique rejoint la vision politique. À cette fin, les représentants d’une vingtaine de départements ministériels, du Transport aux Finances en passant par l’Environnement, ont confronté leurs feuilles de route respectives afin de lever les goulots d’étranglement identifiés lors de la précédente session.
Des corridors stratégiques encore à mi-parcours
Éric Mbéndé, directeur général de l’Intégration régionale, a dressé un état des lieux précis. Le corridor 13 Brazzaville-Bangui-N’Djamena, le corridor 5 Brazzaville-Libreville et le corridor 29 Brazzaville-Yaoundé – véritables artères continentales – demeurent en phase 2 d’exécution. Sur certains tronçons, le terrassement est achevé ; sur d’autres, les défis géotechniques ou climatiques ralentissent les entreprises de travaux publics. Nonobstant ces retards, les financements sont globalement sécurisés, grâce à un panachage entre ressources propres, Banque africaine de développement et Fonds pour le climat. Les participants ont réaffirmé une cible consensuelle : ouvrir dans les trois ans au moins 70 % des linéaires prévus, condition nécessaire à la fluidité des échanges intrarégionaux.
Au-delà du bitume, la promesse d’une croissance inclusive
Les discussions n’ont pas porté uniquement sur l’ingénierie routière. « Un corridor, c’est aussi un fil d’Ariane pour la jeunesse entrepreneuriale, le tourisme de voisinage et la modernisation agricole », souligne un haut cadre du ministère du Commerce. La baisse des coûts logistiques attendue pourrait, selon les modèles de la CEMAC, ajouter à terme 1,5 point de croissance annuelle supplémentaire au PIB congolais. Pour les jeunes adultes, en particulier, la perspective d’une mobilité inter-capitale simplifiée ouvre l’horizon des stages, des incubateurs régionaux et de l’exportation de produits culturels – du fashion urbain aux beats afropop. Ce potentiel, discret aujourd’hui, mérite d’être capitalisé dans les futures politiques de l’emploi.
Renforcer la gouvernance des projets pour rassurer les partenaires
Les partenaires techniques et financiers, eux, scrutent la gouvernance au millimètre. À cet égard, la session a mis l’accent sur des tableaux de bord unifiés, mis à jour trimestriellement, et sur la numérisation des marchés publics. Une telle transparence, ont reconnu plusieurs directeurs de projets, consolide la crédibilité du Congo et de l’ensemble de la sous-région. Elle répond aussi aux recommandations du Plan stratégique indicatif à moyen terme de la CEEAC, lequel insiste sur la traçabilité des décaissements et la participation citoyenne. L’idée n’est plus seulement de terminer des infrastructures, mais de démontrer qu’elles peuvent être entretenues et rentabilisées sur plusieurs décennies.
Cap sur 2063, entre réalisme et ambition
L’Agenda 2063 de l’Union africaine sert de toile de fond à toutes ces initiatives. Sur cet horizon, les intervenants ont préféré un optimisme mesuré, conscient des volatilités macroéconomiques et des aléas sanitaires récents. Toutefois, le Congo mise sur la résilience de ses institutions et la montée en compétences de sa jeunesse pour accélérer le calendrier. La feuille de route propose de lier plus étroitement les universités et les écoles d’ingénieurs aux chantiers, afin de transformer les vastes corridors en laboratoires vivants de formation et d’innovation. « C’est en associant le capital humain à l’ouvrage physique que l’intégration deviendra palpable », conclut un économiste invité.
Un rendez-vous annuel devenu baromètre de la coopération
En définitive, la 7ᵉ session des points focaux rappelle que l’intégration n’est pas uniquement une architecture de discours ou de conventions. Elle se mesure à l’aune des kilomètres d’asphalte posés, des heures gagnées par les transporteurs et des opportunités créées pour les start-ups régionales. Dans l’attente de la 8ᵉ session, les regards resteront braqués sur les équipes techniques appelées à faire converger leurs expertises. Les jeunes adultes, nombreux sur les réseaux sociaux à suivre l’actualité économique, auront tout loisir de jauger la progression des travaux et d’y voir, au fil des mois, la matérialisation d’un rêve panafricain longtemps effleuré. À chacun désormais, institution comme citoyen, de transformer l’élan du comité en une dynamique irréversible sur le terrain.