Une voix attendue du football congolais
Depuis sa maison d’Orléans, Jean-Paul Pila observe chaque journée de Ligue 1 congolaise sur son ordinateur. L’ancien patron des Diables Rouges dames, 65 ans, n’avait jamais accordé d’interview depuis son départ du pays en 2011. Sa prise de parole réchauffe déjà les groupes WhatsApp de supporters partout connectés.
Il a invité Splash News à retracer son parcours, de Kotoko de Mfoa aux bancs d’Equatoriale, en passant par l’Étoile du Congo et le CARA. Le coach rappelle que si la passion alimente l’envie, seul un soutien structuré permet de briller durablement à l’international pour les clubs nationaux.
Un palmarès forgé sur les terrains locaux
À l’Étoile du Congo, Pila empile trois titres de champion en 1999, 2001 et 2002, plus deux Coupes du Congo. Les statistiques sont bavardes : sur 90 rencontres officielles, son équipe s’incline seulement dix fois. Un ratio qui, selon lui, « prouve l’importance d’une préparation scientifique » et très rigoureuse aussi.
Le technicien avait déjà goûté au succès avec Kotoko de Mfoa, champion de Brazzaville en 1989, et plus tard avec Saint-Michel d’Ouenzé, La Mancha ou le Patronage. Chaque vestiaire, dit-il, « m’a appris à composer avec les talents du quartier et les rêves des dirigeants » dans chaque projet différent.
Expérience internationale et bagage académique
Quittant Brazzaville pour Orléans, Pila encadre de 2011 à 2013 les U18 locaux avant un détour remarqué par le Nzalang national dames de Guinée équatoriale. Vice-champion d’Afrique en 2010, il mesure alors la valeur d’un encadrement étatique solide, saluant « l’organisation médico-logistique exemplaire » du pays hôte à cette époque.
Son armoire à trophées s’accompagne d’un mur de diplômes. Licence A allemande obtenue à Sportshule Hennef, stages Futuro II et III de la FIFA, sessions CAF à Pointe-Noire, Libreville ou Johannesburg : le technicien se revendique « éternel étudiant », persuadé que la science sportive n’attend aucun répit ni frontières géographiques.
Parmi ses mentors, il cite les regrettés Gaston Tchiangana et Roger Malonga, mais aussi l’expert allemand Joachim Fickert rencontré en 1994. « Ils m’ont inculqué la rigueur et le sens du détail », explique-t-il, rappelant que la formation des formateurs conditionne l’essor du football congolais dès les catégories de base.
Le regard critique sur le championnat actuel
Depuis la France, Pila suit les affiches Diables Noirs-Étoile en streaming, parfois tard dans la nuit. Il se réjouit du talent brut des jeunes mais s’alarme des pelouses irrégulières et des programmes de récupération « trop légers ». Il redoute que les blessures freinent des carrières prometteuses au pays actuel.
Le technicien estime pourtant que la Ligue 1 congolaise dispose d’atouts uniques : proximité des supporters, vivier urbain dense, identité de jeu axial. « Nous devons capitaliser sur cette authenticité plutôt que la copier-coller d’ailleurs », martèle-t-il, évoquant les publics bouillants de Massamba-Débat ou de Pointe-Noire les week-ends de grand choc.
À sa demande, nous passons en revue la dernière campagne continentale des clubs nationaux. L’importance de la gestion mentale avant les déplacements est, selon lui, sous-estimée. « Le voyage complique la récupération. Sans suivi psychologique, le joueur s’effrite plus vite que le jeu collectif », détaille-t-il avec une voix grave.
Son plaidoyer pour plus de moyens
Au-delà du terrain, Pila pointe la question budgétaire. « Un coach sans matériel, c’est un chirurgien sans bistouri », résume-t-il. Il encourage les partenariats publics-privés pour doter les équipes d’outils modernes, des GPS vestimentaires aux logiciels d’analyse vidéo, incontournables selon lui pour rivaliser au niveau africain et faire rayonner Brazzaville.
Le technicien salue néanmoins les avancées fédérales récentes, notamment les séances de formation continue organisées à Kintélé. Il estime que la prochaine étape consistera à instaurer des contrats-types protégeant entraîneurs et joueurs, afin de stabiliser les carrières et de rassurer les investisseurs potentiels locaux et étrangers à venir.
Il évoque aussi la création, à moyen terme, d’un centre d’excellence pour gardiens et préparateurs physiques financé par des anciens internationaux. « Chacun peut apporter une brique », insiste Pila, persuadé que la diaspora détient une part du levier financier et du savoir-faire que réclame le football national actuellement encore.
Prochaines étapes et message aux jeunes
Interrogé sur son avenir, il sourit : « Je reste ouvert à un retour au pays si un projet clair se présente ». Pila confie qu’il suit des cours en ligne sur la gestion de la performance sportive, désireux d’actualiser ses connaissances avant toute nouvelle aventure au bord des terrains locaux.
Aux jeunes entraîneurs, il recommande la curiosité permanente : « Abonnez-vous aux revues, regardez les webinaires, notez tout ». Pour les joueurs, il prône la discipline alimentaire et le sommeil réparateur. Il rappelle que les plus grands succès commencent toujours dans l’ombre d’une routine exigeante mais gratifiante au fil des saisons.
Avant de raccrocher, Pila adresse un clin d’œil à la génération smartphone : « Filmez vos matches, partagez vos gestes techniques, créez votre vitrine ». Convaincu que l’exposition numérique accélère les carrières, il espère voir bientôt un championnat congolais diffuseur de stories Instagram virales pour séduire scouts et fans du monde.