Une solution congolaise pour l’approvisionnement B2B
Mercredi 16 juillet 2025, dans une salle comble de Pointe-Noire, SOSEP Groupe SA a levé le voile sur « Joukwa », une application mobile entièrement dédiée à l’approvisionnement inter-entreprises. Les portables brandis dans l’assistance traduisaient l’impatience d’un public jeune et connecté.
À la tribune, Abiguel Massouka, chargé des opérations, a rappelé que nombre de sociétés locales perdaient encore des semaines entre devis, douanes et transit. « Joukwa veut réduire ces délais à quelques gestes sur smartphone », a-t-il résumé, voix posée, données chiffrées à l’appui.
Fonctionnement de l’application Joukwa
Concrètement, l’application agrège une base mondiale de fournisseurs vérifiés dans des secteurs allant du BTP aux hydrocarbures. L’utilisateur renseigne son besoin, obtient un premier devis en temps réel et suit ensuite le trajet de la marchandise grâce à un tableau de bord géolocalisé.
Une passerelle intégrée avec les banques partenaires sécurise le règlement en devise, tandis qu’un algorithme compare en permanence les options de fret pour proposer le rapport coût-délai le plus favorable. Les responsables de SOSEP assurent que chaque transaction est tracée jusqu’à la livraison finale.
Enjeux économiques et ZLECAF
Le lancement intervient dans un contexte régional où la Zone de libre-échange continentale africaine promet d’accroître les flux commerciaux intra-africains de 33 % selon la CEA. Pour le Congo-Brazzaville, digitaliser les chaînes d’approvisionnement devient un levier essentiel de diversification au-delà du pétrole.
« Les jeunes cadres congolais ont besoin d’outils pour négocier à l’international sans quitter Brazzaville ou Pointe-Noire », souligne l’économiste Mouandza Makosso. Selon lui, des solutions comme Joukwa peuvent abaisser les coûts d’importation de 10 à 15 %, marge vitale pour les PME.
Opportunités pour les jeunes entrepreneurs
SOSEP met aussi en avant l’impact sur l’entrepreneuriat. Beaucoup de start-up locales se heurtent à des minima de commande élevés auprès des fournisseurs asiatiques. La plateforme propose des envois groupés, rendant accessibles des composants électroniques ou des pièces mécaniques auparavant hors de portée financière.
Marie-Stella Ngoma, fondatrice d’une boutique d’accessoires mode, teste l’application depuis avril. Elle raconte avoir divisé par deux ses frais de fret sur une gamme de sacs en cuir importés de Nairobi. « Le suivi en temps réel réduit mon stress et celui de mes clients », confie-t-elle.
Témoignages d’utilisateurs pilotes
Un premier groupe d’une quarantaine d’entreprises pilotes, parmi lesquelles des régies publiques, a validé la version bêta. Les résultats montrent une baisse moyenne de trois jours sur les formalités douanières grâce aux documents générés automatiquement et reconnus par les services des douanes congolaises.
Du côté de la sécurité informatique, SOSEP affirme s’appuyer sur des centres de données basés à Brazzaville et Paris, conformes aux normes ISO 27001. Une équipe locale de cybersécurité effectue des audits trimestriels afin de prévenir les fraudes et rassurer les investisseurs étrangers.
Perspectives d’avenir du marché digital congolais
Les développeurs envisagent d’ajouter un module de financement participatif pour permettre aux petites structures de lever rapidement des avances sur commandes. Cette fonctionnalité, attendue pour 2026, pourrait attirer les diasporas qui souhaitent soutenir l’écosystème sans passer par des circuits bancaires traditionnels.
À plus long terme, SOSEP vise une interconnexion avec les douanes de la RDC et du Gabon afin de fluidifier les corridors Pointe-Noire-Kinshasa et Owando-Libreville. Cette perspective s’inscrit dans la volonté affichée par la Commission de la CEMAC d’harmoniser les procédures logistiques régionales.
Valorisation des compétences locales
Une partie du code source a été développée par une équipe de quinze ingénieurs sortis de l’Université Denis-Sassou-Nguesso de Kintélé. Pour eux, Joukwa constitue « la preuve qu’on peut bâtir des solutions de classe mondiale depuis le Congo », soutient le lead développeur Christ Ndzaba.
Le programme prévoit également des stages rémunérés pour cinquante étudiants chaque année, financés en partie par le Fonds d’impulsion, de garantie et d’accompagnement, bras financier de l’État pour les PME. Cette synergie public-privé favorise l’inclusion professionnelle des jeunes diplômés.
Défis et pistes d’amélioration
Reste toutefois la question de la connectivité internet hors des centres urbains. Selon l’Agence de régulation des postes et communications électroniques, seulement 38 % de la population dispose d’un accès haut débit constant. SOSEP dit travailler sur une version allégée consommant moins de données.
Autre défi, la culture du paiement en ligne demeure embryonnaire pour beaucoup de gestionnaires. La Banque des États de l’Afrique centrale signale une part d’à peine 4 % des transactions commerciales effectuées par voie numérique en 2024. Des campagnes de sensibilisation sont envisagées avec les chambres de commerce.
Un marché en pleine effervescence
Le cabinet Deloitte estime que le commerce électronique B2B en Afrique subsaharienne pourrait atteindre 180 milliards de dollars d’ici 2030. Dans ce paysage, le Congo veut se positionner comme hub logistique du Golfe de Guinée, misant sur le port en eaux profondes et la fibre optique nationale.
En présentant Joukwa, SOSEP Groupe s’inscrit dans cette dynamique et fait le pari que la génération connectée du pays saura s’emparer de l’outil. Les prochains mois diront si l’application parvient à transformer l’essai et à placer l’économie congolaise sur une trajectoire plus intégrée.
