Kinshasa se prépare pour l’exposition Mobutu
Kinshasa piaffe déjà d’impatience à l’idée de voir, du 16 au 30 octobre 2025, le Musée national se transformer en capsule temporelle dédiée au Maréchal Mobutu Sese Seko. Annonce faite sur X, la nouvelle a vite inondé téléphones et groupes WhatsApp.
L’exposition, baptisée « Mobutu : Une Vie, Un Destin », promet de sortir des réserves plus d’un demi-siècle d’archives photos, d’effets personnels et de récits oraux. Les organisateurs ambitionnent une fréquentation record dans un musée inauguré seulement en 2019.
Pour Nzanga Mobutu, fils aîné du Maréchal, l’événement répond à un devoir de transmission. « La génération post-1997 ignore souvent ce pan de notre trajectoire nationale », glisse-t-il, affirmant vouloir « rendre l’histoire vivante, sans esprit de revanche mais avec lucidité ».
Mobutu, un parcours qui fascine encore
Mobutu s’empara du pouvoir le 24 novembre 1965, renversant Joseph Kasa-Vubu. Pendant trente-deux ans, il façonna un système politique centré sur le MPR, sa vision de la souveraineté et une esthétique africaine résumée par l’Abacost et la toque léopard.
Ses décisions d’« Authenticité » de 1972, imposant noms africains et interdiction de la cravate, continuent de faire débat entre historien·ne·s. Certains soulignent la recherche d’émancipation culturelle, d’autres rappellent la dérive autoritaire de la fin du régime.
Objectifs affichés par Nzanga Mobutu
Le commissariat d’exposition veut dépasser la simple nostalgie. « Nous n’encensons pas, nous contextualisons », insiste Nzanga. L’équipe prévoit des espaces thématiques sur la diplomatie, l’économie zaïroise et le rôle de Mobutu durant la guerre froide, s’appuyant sur des sources croisées.
Des ateliers pédagogiques gratuits sont annoncés pour les lycéens kinois, avec projection de documents rares et débats encadrés par des professeurs d’histoire. Un partenariat avec le ministère de la Culture de la RDC devrait faciliter la circulation d’élèves venus de provinces voisines.
Dans les réserves du Musée national
Depuis plusieurs mois, des conservateurs numérisent négatifs, réparent uniformes et reconstituent le bureau présidentiel de Gbadolite. Le musée, conçu avec l’appui de la Corée du Sud, dispose désormais de salles climatisées capables de préserver textiles fragiles et tirages argentiques.
Les équipes ont également retrouvé la canne de commandement, fabriquée en ivoire dans les ateliers d’arts appliqués de Lubumbashi. Sa présentation, sous vitrine blindée, sera l’un des temps forts annoncés, tout comme la mallette présidentielle contenant des carnets de route.
Photographies inédites et pièces cultes
Plus de trois cents clichés, dont certains réalisés par l’illustre Jean Depara, dévoileront la vie publique et privée du leader. Jeux de lumière, cartels bilingues lingala-français et audioguides en podcast veulent moderniser la visite et la rendre instagrammable.
Le public pourra comparer tenues d’apparat et Abacost portés lors des sommets de l’OUA, observer la célèbre toque en peau de léopard et écouter la bande-son d’époque, du soukous de Franco aux hymnes militaires composés pour les défilés du 30 juin.
La jeunesse congolaise face à son histoire
Beaucoup de TikTokeurs congolais prévoient déjà des vlogs et challenges autour de l’événement. Les codes QR disséminés dans le parcours permettront de partager en temps réel anecdotes historiques et filtres immersifs rappelant l’esthétique seventies zaïroise.
Pour Grâce, 22 ans, étudiante à l’Institut des Beaux-Arts, « c’est l’occasion d’interroger nos parents et de creuser au-delà des mèmes sur Mobutu diffusés en ligne ». Elle espère que l’exposition stimulera des projets créatifs inspirés du graphisme de l’époque.
Une mémoire qui questionne le présent
La perspective d’un éventuel rapatriement de la dépouille du Maréchal, décédé à Rabat en 1997, revient à la surface. Si le gouvernement n’a rien officialisé, plusieurs associations de vétérans y voient « un pas vers la réconciliation », d’autres redoutent des tensions politiques.
Le politologue Jean-Jacques Wondo rappelle que « la gestion de la mémoire collective est un défi dans toutes les jeunes démocraties ». Selon lui, l’exposition pourrait servir de laboratoire pour un récit nuancé, évitant la nostalgie béate comme l’effacement pur et simple.
Des sonorités régionales dans la programmation
En marge des cimaises, des concerts hommages réuniront des pointures telles que Werrason et Fally Ipupa. Les organisateurs veulent montrer la continuité culturelle entre l’ère Mobutu et la scène musicale contemporaine, très suivie à Brazzaville et Pointe-Noire.
Une journée spéciale invités mettra à l’honneur des créateurs de mode congolais qui revisitent l’Abacost en coupe streetwear. Des passerelles avec les maisons brazzavilloises sont à l’étude pour exposer les collections de l’autre côté du fleuve Congo.
Impact économique et touristique attendu
L’Office national du tourisme espère un afflux de visiteurs régionaux, notamment de la diaspora installée à Paris, Bruxelles ou Montréal. Hôtels, compagnies aériennes et applications de VTC se positionnent déjà avec des forfaits spéciaux, confirmant l’effet locomotive d’un événement culturel majeur.
La ville de Kinshasa compte également sur l’exposition pour dynamiser ses infrastructures. Des travaux d’embellissement autour du boulevard Triomphal sont annoncés, tandis que de nouveaux bus climatisés relieront directement l’aéroport à l’esplanade du musée durant toute la quinzaine.
Un rendez-vous déjà très scruté
À un an de l’ouverture, les billets early bird s’écoulent en ligne, alimentant un hashtag #MobutuExpo. Entre curiosité historique, marketing culturel et enjeux de mémoire, l’événement s’impose comme l’un des temps forts 2025 en Afrique centrale.