Un samedi dédié à la propreté collective
Au lever du jour, le frémissement des râteaux et la rumeur des chants d’étudiants ont remplacé l’habituelle clameur sportive aux abords du stade de la Concorde. Ce premier samedi du mois, traditionnel rendez-vous d’entretien citoyen, a pris des allures de démonstration grandeur nature : une ville vivante se reconnaît à la netteté de ses artères autant qu’à la vigueur de ses compétitions. L’exécutif l’a bien compris, orchestrant une mobilisation conjointe qui a réuni responsables politiques, agents techniques, bénévoles associatifs et simples riverains dans un ballet parfaitement huilé.
L’initiative s’inscrit dans la continuité de la politique d’assainissement urbain impulsée depuis plusieurs années. Elle vise à redonner lustre et attractivité aux pôles sportifs et académiques qui irriguent la jeunesse congolaise, à commencer par le complexe de Kintélé, emblématique pour avoir accueilli les Jeux africains du cinquantenaire.
Une task force interministérielle au pas de charge
Placée sous la houlette du ministre d’État Jean-Jacques Bouya, la task force gouvernementale constitue l’épine dorsale de cette opération. Sa mission : dresser un état des lieux exhaustif des infrastructures sportives, planifier leur réhabilitation et en garantir la maintenance. « Il a plu au président de la République de demander à ce que nous nous réappropriions nos ouvrages », a rappelé Juste Désiré Mondelé, ministre de l’Assainissement urbain, déployé en première ligne pour coordonner les équipes.
Chaque portefeuille représenté – Grands Travaux, Développement local, Entretien routier, Sport, Jeunesse – a mobilisé ses cadres et techniciens, créant une synergie rarement observée sur un chantier à dominante civique. Cette approche collégiale traduit la volonté de faire de la propreté non pas la responsabilité d’une seule entité, mais le socle partagé d’une gouvernance moderne.
Le complexe de Kintélé, miroir de la jeunesse
Les gradins immaculés et les pelouses dégageant à nouveau leur éclat vert témoignent de l’efficacité de l’opération. Au-delà du symbolisme, le site représente un levier économique et social : il abrite compétitions internationales, concerts et programmes de formation sportive qui irriguent l’économie locale de centaines d’emplois directs et indirects. Laisser ces installations se dégrader reviendrait à priver les jeunes de perspectives et le pays d’un vecteur d’influence régionale.
« La Concorde symbolise l’unité et la cohésion », a insisté le ministre Mondelé, rappelant que le nom même du complexe appelle les citoyens à préserver ce patrimoine commun. La renaissance de Kintélé résonne ainsi comme un message d’optimisme destiné à une génération avide d’espaces de loisirs sûrs et stimulants.
Du stade à l’université, la même exigence de salubrité
À quelques kilomètres, les couloirs de l’École normale supérieure, composante de l’Université Marien-Ngouabi, ont également vibré au rythme des balais. Accompagné de l’ambassadrice du Venezuela, le tandem ministériel s’y est rendu pour saluer l’implication des étudiants. La transition du sport vers l’enseignement n’est pas anecdotique : elle rappelle qu’une démarche environnementale cohérente irrigue l’ensemble des lieux de vie et de savoir.
Sur le terrain, la présence de délégations étrangères souligne l’intérêt qu’inspire la stratégie congolaise de maintenance préventive des équipements publics. Elle ouvre aussi la voie à d’éventuels partenariats techniques en matière de gestion des déchets, segment où l’innovation peut accélérer la montée en gamme des services urbains.
Responsabiliser la chaîne de pré-collecte des déchets
Si la mobilisation a prouvé son efficacité, elle a également mis en lumière des dysfonctionnements persistants. Le ministre de l’Assainissement urbain n’a pas mâché ses mots à l’égard de certains pré-collecteurs accusés de déposer les ordures sur les axes fraîchement nettoyés. « Si on surprend un pousse-pousseur déposer des déchets dans la rue, il sera interpellé », a-t-il prévenu, rappelant que tolérance zéro et pédagogie ne s’excluent pas mais se complètent.
Le défi consiste à articuler le maillon informel de la collecte – chariots, pousse-pousse, tri familial – avec la capacité de traitement industrielle déployée par la nouvelle société en charge du ramassage. Un encadrement réglementaire renforcé, adossé à des campagnes de sensibilisation, devrait à terme consolider la professionnalisation du secteur et réduire l’incidence des décharges sauvages.
Vers une citoyenneté écologique durable
Alors que la planète entière se confronte à l’exigence d’un développement plus sobre, l’opération de Kintélé apparaît comme un laboratoire à ciel ouvert. Elle démontre qu’un engagement collectif, régulier et coordonné est capable de transformer durablement le visage d’une ville de deux millions d’habitants. L’idée de consacrer chaque premier samedi du mois à la propreté ne se limite pas à un slogan : elle institue un rituel fédérateur, propice à ancrer les bonnes pratiques dans les habitudes.
Brazzaville, flambant neuve sous le soleil d’août, incarne l’ambition d’un Congo qui place l’action environnementale au cœur du contrat social. En retour, la jeunesse – premier bénéficiaire des stades et des campus – se voit investie d’une responsabilité nouvelle : devenir la gardienne enthousiaste d’infrastructures conçues pour elle. S’il fallait résumer la philosophie de la journée, on retiendrait cette phrase prononcée à la volée par une étudiante en gilet fluorescent : « Quand la ville est propre, c’est notre avenir qui brille. » L’éclat retrouvé de la Concorde semble confirmer cette intuition.
