Brazzaville au diapason de la Libération rwandaise
Le hall feutré de l’hôtel Hilton des Tours Jumelles s’est transformé, le 4 juillet, en un véritable carrefour de mémoires africaines. Drapés de rouge, de vert et de bleu, les salons ont résonné des accords d’un orchestre mêlant instruments traditionnels congolais et tambours intore. Officiels, diplomates et universitaires, à l’invitation de l’ambassade du Rwanda, ont célébré le trente-et-unième anniversaire de Kwibohora, terme kinyarwanda désignant la Libération. Présent au nom du gouvernement congolais, le ministre des Affaires étrangères Jean-Claude Gakosso a salué « la profondeur historique d’un événement qui rappelle la capacité des peuples africains à se reconstruire », illustrant ainsi la convergence de vues entre Brazzaville et Kigali sur les questions de paix et de développement.
Kwibohora, un héritage façonné par la résilience
Commémorer Kwibohora revient à considérer l’itinéraire d’un pays passé de la tragédie du génocide contre les Tutsis à un projet collectif fondé sur l’unité nationale. Dans son allocution empreinte d’émotion, l’ambassadeur Parfait Busabizwa a rappelé que « la victoire militaire de 1994 n’avait de sens que par la victoire morale de la réconciliation ». Ces mots ont trouvé un écho particulier au Congo, État qui a lui-même inscrit, depuis plusieurs décennies, la culture du dialogue dans sa pratique politique. Les jeunes convives congolais, nombreux dans l’assistance, ont vu dans cette trajectoire rwandaise la preuve que la ténacité, l’éducation civique et la responsabilité sociale peuvent métamorphoser un imaginaire collectif
Les indicateurs de développement salués durant la cérémonie
Au fil de la soirée, les chiffres dévoilés ont davantage relevé du bulletin de santé macro-économique que du simple élément protocolaire. Le produit intérieur brut rwandais, évalué à près de 18 785 milliards de francs rwandais en 2024, témoigne d’un rythme de croissance qui a plus que doublé la taille de l’économie depuis 2017. De même, le revenu par habitant, désormais supérieur à mille dollars, consacre les effets d’une stratégie articulant industrialisation légère, valorisation de l’agriculture et essor des services numériques. Autre point unanimement souligné : la réduction du taux de pauvreté à 27,4 %, signe d’une redistribution ciblée, illustrée par les programmes VUP ou Girinka. Les observateurs congolais se sont montrés particulièrement intéressés par l’extension de la mutuelle de santé communautaire, dispositif couvrant aujourd’hui mille cinq cents médicaments et reconnu par plusieurs agences onusiennes.
Diplomatie culturelle et convergences congo-rwandaises
Les pas chaloupés des danseurs kongo ont répondu, sur la scène, aux bonds cadencés des intore. Au-delà du folklore, cette juxtaposition a matérialisé un double message : d’une part, la culture reste un vecteur diplomatique incontournable ; d’autre part, Brazzaville se positionne de plus en plus comme plateforme d’échanges régionaux. L’ambassadeur rwandais a salué « le soutien constant des autorités congolaises, gage d’une coopération appelée à s’intensifier ». Du côté congolais, on souligne la complémentarité : Kigali offre son expertise en matières de gouvernance numérique et de tourisme durable, tandis que Brazzaville met en avant ses atouts logistiques et son bassin artistique.
Regards d’experts congolais sur le modèle économique rwandais
Interrogée en marge de l’événement, la professeure Nadège Samba, économiste à l’Université Marien-Ngouabi, a insisté sur la « discipline budgétaire » du Rwanda, rappelant que la lutte contre la corruption y est érigée en principe cardinal. Pour le sociologue Alain-Fabrice Matoko, la réussite rwandaise s’explique aussi par un « investissement massif dans le capital humain », corroboré par la construction de vingt-deux mille salles de classe en moins d’un an et le déploiement d’un programme national de repas scolaires évalué à cent milliards de francs rwandais. Ces analyses résonnent avec les réformes entreprises par le Congo pour diversifier son économie et moderniser son système éducatif, confirmant la pertinence d’un dialogue inter-pays axé sur le partage d’expériences.
Vers une coopération sous-régionale amplifiée
Si les projecteurs étaient braqués sur le Rwanda, la soirée a simultanément célébré l’ambition commune d’une Afrique centrale pacifiée et prospère. « Nos deux nations ont choisi de s’appuyer sur des valeurs similaires : l’inclusion, la transparence et le respect mutuel », a rappelé le ministre Gakosso, évoquant les dossiers d’infrastructures transfrontalières, d’intégration numérique et de sécurité alimentaire. En écho, l’ambassadeur Busabizwa a affirmé que Kigali reste disposé à multiplier les programmes de codéveloppement, convaincu qu’une prospérité partagée renforcera la stabilité régionale. L’enthousiasme des jeunes participants, nombreux à échanger leurs contacts pour des partenariats entrepreneuriaux, a confirmé que Kwibohora n’est plus seulement un souvenir, mais l’étendard d’une coopération africaine tournée vers l’avenir.