Sécurité routière à Brazzaville : état des lieux
Aux heures de pointe, la vrombissante armée de moto-taxis serpente les artères de Brazzaville, offrant une mobilité imbattable mais aussi une source d’accidents de plus en plus commentée sur les réseaux.
Selon les services de santé, les traumatismes liés aux deux-roues occupent désormais une place préoccupante dans les urgences urbaines, poussant autorités et syndicats à réagir rapidement.
C’est dans ce contexte que s’est ouverte, au Centre de formation routière de la capitale, une session dédiée à plusieurs dizaines de conducteurs, première du genre organisée intra-muros après Gamboma et Pointe-Noire.
Une formation express mais dense
Le programme, ramené de quatre mois à quinze jours, répond au profil de chauffeurs déjà aguerris mais souvent autodidactes, explique l’ex-officier de police Offrans François Ofounga, cheville ouvrière de l’initiative.
Sa méthode combine échanges interactifs, rappels théoriques et mises en situation grandeur nature sur un circuit balisé voisin, le tout sous l’œil attentif de la Direction générale des transports terrestres.
Le socle juridique s’appuie toujours sur l’arrêté de 1954, encore en vigueur, mais revisité pour intégrer des préoccupations contemporaines comme la gestion du trafic mobile et le partage de vidéos pédagogiques via WhatsApp.
Les règles clés revues au guidon
Priorités à droite, distances de freinage, lecture des panneaux : chaque matin débute par un quiz chronométré qui galvanise la salle et fait monter la compétition amicale entre chauffeurs.
L’après-midi, le casque vissé, les stagiaires pratiquent la trajectoire de sécurité, apprennent à aborder un rond-point sans couper la file et mesurent, radar en main, l’impact d’une poignée de gaz trop généreuse.
« À 40 km/h, on croit aller doucement, mais la distance d’arrêt double si la chaussée est mouillée », rappelle M. Ofounga, pointeur laser à l’appui, sous les applaudissements mués en promesses de prudence.
Prise de conscience côté conducteurs
Alain Bomba, casque flambant neuf sous le bras, confesse qu’il roulait parfois « en claquettes » pour gagner du temps, avant de découvrir l’importance d’une chaussure fermée face à l’asphalte brûlant.
Il jure désormais de ne plus embarquer un passager sans gilet réfléchissant, conscient qu’un simple morceau de tissu fluorescent peut sauver deux vies à la tombée de la nuit.
Son ressenti fait écho aux chiffres communiqués en coulisses par la préfecture : plus de 60 % des collisions impliquant des moto-taxis surviennent entre 18 h et 22 h, créneau où visibilité et fatigue se croisent.
Le syndicat pousse la professionnalisation
Pour Rodrigue Sha, secrétaire général du syndicat des conducteurs, cette formation est « un passeport vers la reconnaissance » : il espère qu’elle ouvrira la porte à une assurance groupe et à un tarif unifié.
Le syndicat négocie déjà avec des partenaires techniques pour équiper ses membres de traceurs GPS subventionnés, afin de pouvoir prouver, en cas d’accident, la vitesse réelle et ainsi faciliter les indemnisations.
« Plus nous serons formés, moins nous serons perçus comme un danger public », insiste-t-il, invitant ses collègues à s’inscrire à la prochaine cohorte prévue dans le cinquième arrondissement.
Un partenariat public-privé porteur
La Direction générale des transports terrestres finance les supports pédagogiques, tandis que des assureurs locaux offrent des casques homologués en échange d’une visibilité sur les vestes des stagiaires.
L’Université Marien-Ngouabi, de son côté, met à disposition deux étudiants en communication qui filment les sessions pour alimenter une capsule TikTok et sensibiliser un public plus large.
À terme, les organisateurs envisagent une base de données numérique référençant les chauffeurs formés, consultable par les usagers via QR code, pour instaurer une culture de la confiance dans le transport urbain.
Impact attendu sur les routes
Si les précédentes vagues à Gamboma ont déjà montré une baisse de 25 % des accidents impliquant des deux-roues, les autorités espèrent un effet similaire, voire supérieur, dans la capitale où le trafic est plus dense.
La police annonce des contrôles ciblés dès la fin de la session, non pas pour sanctionner mais pour accompagner, en distribuant des rappels écrits et des casques de remplacement financés par un programme de responsabilité sociétale.
Le regard des passagers
Sur les réseaux, de nombreux habitants saluent déjà l’initiative, certains racontant avoir refusé un chauffeur non casqué avant d’être convaincus par les gilets fluorescents arborés par les stagiaires.
Pour Grâce Mavoungou, étudiante à Talangaï, cette visibilité nouvelle « change le rapport de confiance » et pourrait encourager plus de clientes à opter pour la moto-taxi en toute sérénité.
Cap sur la prochaine étape
Les formateurs envisagent déjà d’intégrer un module de secourisme de base, histoire que chaque conducteur sache poser un garrot ou stabiliser une victime avant l’arrivée des ambulances.
La création d’une application mobile référençant les parkings officiels, les tarifs recommandés et les numéros d’urgence est également à l’étude, en partenariat avec de jeunes développeurs de Makelekele.
À Brazzaville, la route se partage mieux lorsque les guidons sont formés : c’est le pari collectif lancé cette semaine, et beaucoup espèrent qu’il deviendra vite une évidence nationale.
