Une capture nocturne hors norme
Il est 22 h, le 8 septembre, lorsque la pirogue de Jean-Baptiste et son équipage ressent un choc brutal à une dizaine de milles de Pointe-Noire. Le filet remonte une raie aux allures de cerf-volant, dont la largeur dépasse largement celle de l’embarcation.
L’animal pèse entre 150 et 200 kg. Trop lourd pour être hissé d’un seul geste, il sera tracté plus d’une heure avant d’atteindre la rive. « Nous avons cru perdre nos filets », confie un pêcheur, soulagé mais encore incrédule devant la taille du spécimen.
Identification d’une raie diamant géante
Le Centre de Recherches Océanologiques de Pointe-Noire soupçonne une raie diamant, espèce réputée pacifique mais munie d’un dard venimeux capable de défendre l’animal en cas de menace. Les nageoires pectorales en forme d’ailes et la chair gris-noir de son dos confortent ce diagnostic provisoire.
Le biologiste marin Armand Mabiala précise que ce type de raie peut vivre plus de vingt ans et fréquente les eaux tempérées du golfe de Guinée. « Sa présence indique une zone encore relativement riche en plancton et petits poissons, sa nourriture favorite », explique-t-il.
La plage de Songolo s’embrase
Le 19 septembre, la raie est exposée vivante mais affaiblie sur le sable de Songolo, dans le quartier Mvou-Mvou. En quelques minutes, la nouvelle se propage sur WhatsApp : vendeuses de poissons, joggeurs matinaux et curieux accourent smartphones levés pour immortaliser la scène.
Les vidéos virales montrent des enfants bouche bée et des pêcheurs fiers de leur « monstre ». « Je n’avais vu ça que dans les documentaires », s’étonne Mireille, étudiante en communication venue de Tié-Tié. Les images circulent à grande vitesse sur TikTok, cumulant déjà des milliers de vues.
Pourquoi les raies sont vitales pour l’écosystème
Les raies jouent un rôle clé dans le maintien de l’équilibre marin : leurs déplacements remuent le fond sableux, oxygènent les sédiments et favorisent la biodiversité benthique. Elles régulent aussi les populations de mollusques et de crustacés, évitant la prolifération d’espèces invasives.
« Quand une raie disparaît, toute la chaîne alimentaire se désorganise », rappelle la chercheuse Grâce Ngoma. Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature, un tiers des espèces de raies est aujourd’hui menacé par la surpêche, la pollution et la destruction des habitats côtiers.
Les actions officielles pour une pêche durable
Le ministère de l’Économie maritime salue la vigilance des pêcheurs qui ont signalé leur prise aux autorités avant la mise en vente. « Nous encourageons la collecte de données, indispensable au suivi des espèces protégées », souligne le directeur départemental de la pêche, Vincent Massamba.
Depuis 2022, Pointe-Noire expérimente des zones marines protégées pilotes où les engins destructeurs, comme les filets maillants dérivants, sont interdits. Des patrouilles mixtes, soutenues par la marine nationale, contrôlent la traçabilité des captures et sensibilisent à la remise à l’eau des raies gestantes.
Conseils de sécurité pour les baigneurs
Bien que non agressives, les raies peuvent piquer si l’on marche sur leur queue pourvue d’un aiguillon. Les sauveteurs recommandent de fouler le sable en traînant les pieds afin de prévenir l’animal de sa présence. En cas de blessure, un nettoyage rapide et une consultation médicale sont indispensables.
Le docteur Irène Bemba, urgentiste au Centre hospitalier de Loandjili, rappelle que le venin provoque une douleur intense mais rarement mortelle. Un bain d’eau chaude neutralise partiellement la toxine avant la prise en charge hospitalière. « Le vrai danger, c’est l’infection secondaire », prévient-elle.
Que va devenir la raie géante ?
Face à l’engouement populaire, l’association Océan Bleu a suggéré de relâcher l’animal après balisage satellite. Cette solution, coûteuse, nécessite un suivi scientifique prolongé. Les pêcheurs, eux, plaident pour la vendre afin de compenser la perte de matériel occasionnée durant la capture.
Un compromis se dessine : la raie pourrait être confiée à l’aquarium pédagogique en projet sur le front de mer, annoncé par la mairie pour 2026. « Nous étudions la faisabilité technique et sanitaire », indique un porte-parole municipal, estimant qu’une telle pièce maîtresse stimulerait l’écotourisme local.