Genève sous les projecteurs de la diplomatie numérique congolaise
Durant le forum sur la gouvernance francophone du numérique et de l’intelligence artificielle, organisé en marge du Sommet mondial de la société de l’information, la délégation congolaise a choisi la salle d’apparat des Nations unies pour dévoiler sa carte maîtresse : la candidature de Luc Missidimbazi au poste de secrétaire général de l’Union Africaine des Télécommunications (UAT) pour le mandat 2026-2030. En présence de ministres, d’experts et de représentants d’organisations internationales, Brazzaville a fait entendre une voix qui se veut à la fois pragmatique et ambitieuse, rappelant que l’accès équitable aux réseaux est désormais un déterminant majeur de souveraineté et de croissance.
Un candidat forgé dans l’écosystème tech de Brazzaville
Ingénieur de formation et conseiller spécial du Premier ministre en charge des postes et des communications électroniques, Luc Missidimbazi est surtout connu du grand public pour avoir fondé le Salon Osiane, rendez-vous tech qui attire chaque année à Brazzaville la fine fleur de l’innovation africaine. « Notre capitale n’est plus seulement un carrefour pétrolier, elle devient un hub digital », souligne un analyste basé à Kinshasa. L’expérience cumulée au sein des politiques publiques, du secteur privé et de la société civile confère au candidat un profil hybride que plusieurs délégations africaines jugent apte à rapprocher les agendas nationaux disparates.
Les enjeux géopolitiques d’une transformation numérique inclusive
Au-delà d’une simple course à la présidence d’une agence panafricaine, l’élection de 2025 cristallisera des équilibres plus vastes. La connectivité universelle, l’harmonisation réglementaire et la défense des données se situent désormais à la croisée de la sécurité et de la diplomatie. Dans sa lettre d’intention, le candidat congolais plaide pour « une organisation plus agile, capable de faire entendre la voix africaine dans toutes les enceintes internationales ». Un ancien négociateur de l’Union africaine rappelle que les prochaines négociations sur la 6G et la gestion des orbites satellitaires pourraient conditionner la capacité du continent à peser face aux blocs américain et asiatique.
La jeunesse congolaise et africaine au cœur du programme
Près de 60 % de la population africaine est âgée de moins de 25 ans. Pour cette cohorte hyper-connectée, l’enjeu n’est plus seulement l’accès, mais la création de contenus locaux et la sécurisation des espaces d’expression. Luc Missidimbazi promet de placer l’éducation numérique et l’entrepreneuriat des jeunes en priorité, notamment via le renforcement des réseaux d’incubateurs et un fonds d’investissement continental dédié aux start-ups. « Nous voulons que la prochaine licorne naisse à Pointe-Noire ou à Ouagadougou, pas uniquement à Nairobi ou au Cap », confie-t-il en aparté. Une vision qui résonne avec les aspirations d’une génération prête à coder son avenir.
Soutiens régionaux, équilibres internationaux
Officiellement, la zone Afrique centrale se range déjà derrière la candidature congolaise, une posture saluée par plusieurs chancelleries qui y voient un signe d’unité rare. Reste que le scrutin se jouera au consensus, l’UAT fonctionnant sur le principe d’une rotation géographique tacite. Des diplomates ouest-africains évoquent en privé une « fenêtre historique » pour équilibrer la représentation continentale, tandis que des partenaires extra-africains scrutent l’émergence d’un bloc négociateur soudé. « L’Afrique ne peut gagner qu’unifiée », martèle le candidat, qui multiplie les rencontres bilatérales afin d’asseoir un socle de votes décisifs.
Perspectives pour 2026-2030 : scénarios de leadership africain
Si Brazzaville obtient les rênes de l’UAT, la période 2026-2030 pourrait voir l’accélération de projets emblématiques tels que le backbone fibre optique transsahélien et la mutualisation des centres de données régionaux. Des économistes estiment qu’une hausse d’un point de pénétration d’internet pourrait ajouter 0,25 point de PIB annuel aux économies subsahariennes, un argument massue pour les ministres des finances. Dans une Afrique traversée par des reconfigurations géopolitiques, la maîtrise du numérique devient un levier de stabilité, d’emploi et de rayonnement culturel. En misant sur Luc Missidimbazi, le Congo-Brazzaville espère démontrer qu’il est possible, depuis les rives de l’Alima, d’infléchir la trajectoire digitale de tout un continent.
