Investiture solennelle à Impfondo
Sous un soleil généreux, la place publique d’Impfondo a revêtu ses plus beaux atours le 10 octobre. Musique militaire, vibrato de tam-tams et banderoles multicolores ont accueilli Jean Pascal Koumba, officiellement installé préfet de la Likouala par le ministre de l’Intérieur, Raymond Zéphyrin Mboulou.
Le rituel institutionnel a suivi chaque étape : lecture du décret présidentiel n°2025/97, remise de l’écharpe, puis transmission du drapeau tricolore. Aux premières notes de l’hymne, la foule a repris en chœur les paroles, tandis que les autorités locales saluaient l’instant d’unité nationale.
Les symboles du pouvoir déconcentré
Le drapeau, confié aux mains du nouveau préfet, résume la mission d’incarner l’État jusque dans les confins forestiers. « Je mesure la responsabilité de protéger ces couleurs », a confié Jean Pascal Koumba, rappelant que la préfectorale constitue le maillon de proximité entre Brazzaville et le citoyen de Likouala.
Le défilé des forces de l’ordre, impeccable, a matérialisé la chaîne hiérarchique qui veille à la sécurité. Pour beaucoup d’habitants, voir la gendarmerie et la police défiler côte à côte rassure, après des années où l’immensité du territoire compliquait parfois les patrouilles.
Jean Pascal Koumba, un parcours polyvalent
Lue par le secrétaire général Servais Kiba, la biographie du préfet retrace un itinéraire mêlant finances publiques et administration territoriale. Passé par l’École nationale d’administration, il a dirigé plusieurs inspections départementales avant de coordonner le fonds de développement local en Cuvette-Ouest.
Cette polyvalence, alliée à une réputation d’écoute, a convaincu les autorités de le propulser à la tête de la Likouala, vaste territoire à la frontière de la République démocratique du Congo et de la Centrafrique, où la gestion des flux et la protection de l’écosystème exigent doigté.
Priorités affichées pour la Likouala
Dans son premier discours, le préfet a listé trois urgences : sécuriser les axes fluviaux, améliorer l’accès aux services sociaux de base et encourager l’entrepreneuriat local. « La Likouala est riche ; ensemble, transformons ce potentiel en emplois pérennes », a-t-il lancé devant élus, chefs traditionnels et jeunes connectés.
Il a également évoqué la modernisation des administrations à travers la dématérialisation des actes civils. Objectif : réduire la distance administrative entre Impfondo et les districts enclavés, souvent tributaires des pirogues ou des pistes sablonneuses pour signaler une naissance ou obtenir un permis.
Réactions de la population locale
Au sortir de la cérémonie, Mireille, étudiante à l’Institut supérieur d’Impfondo, se dit « motivée par le projet numérique » ; elle rêve d’un cybercentre public pour réviser en ligne. Le pêcheur Basile, lui, espère « plus de contrôles sur le fleuve pour lutter contre la pêche illégale ».
Les notables ont salué un « fils du Nord » finalement promu dans leur zone. « Son accent nous est familier, cela crée un lien », souligne le chef Batanga Théophile. Pour ces communautés cosmopolites, sentir que l’administration parle leur langage constitue un gage d’efficacité.
Un département aux défis multiples
La Likouala s’étend sur plus de 66 000 km² de forêts et de marécages. Les routes, rares, dépendent souvent des saisons. Les inondations régulières mettent sous pression écoles et centres de santé. Les habitants misent donc sur les projets de résilience que le préfet souhaite accélérer.
L’économie locale repose sur le bois, la pêche, le cacao et un début de tourisme de nature. Les associations de femmes transformant le poisson fumé voudraient un appui logistique pour écouler leurs produits vers Brazzaville et Pointe-Noire, des chantiers que l’équipe préfectorale promet de soutenir.
Le rôle du préfet dans la décentralisation
Depuis la réforme de 2003, le préfet assure la coordination des services de l’État et l’accompagnement des collectivités. Pour l’expert en gouvernance locale François Moussavou, « la réussite de la décentralisation passe par un dialogue permanent entre administration et population ; la Likouala peut devenir un laboratoire ».
Jean Pascal Koumba s’inscrit dans cette logique : « Chaque maire, chaque chef de village aura ma porte ouverte », assure-t-il. Il compte instaurer des tournées trimestrielles, smartphone en main, pour transmettre en temps réel les données de terrain aux ministères concernés.
Perspectives de coopération et de développement
La frontière fluviale avec la RDC ouvre des opportunités de commerce transfrontalier. Sous l’égide du ministère des Affaires étrangères, des discussions sont en cours pour créer un poste de contrôle juxtaposé d’ici fin 2026, afin de sécuriser les échanges et attirer les investisseurs.
Parallèlement, plusieurs ONG environnementales souhaitent collaborer sur la protection du parc national de Nouabalé-Ndoki. « La présence d’un préfet sensibilisé aux enjeux climatiques est un signal positif », estime l’écologue Rosine Makoua. L’administration départementale envisage un forum vert réunissant ONG, communautés et bailleurs au premier semestre 2027.
En clôture de l’investiture, la fanfare a repris un ndombolo entraînant, signe d’une cérémonie à la fois institutionnelle et populaire. Riche de promesses, la nouvelle page qui s’ouvre pour la Likouala sera scrutée par les jeunes, connectés plus que jamais, prêts à relayer chaque avancée sur les réseaux.