Un jeu de société entièrement made in Congo
À l’heure où les jeux vidéo dominent les écrans, Lissolo 2.0 rappelle le plaisir tactile du plateau et des cartes. Pensé à Brazzaville par la créatrice Kris Brochec, ce jeu de société met à l’honneur l’histoire, les langues et les curiosités du Congo en mode ludique.
« Lissolo est une aventure familiale, collaboratrice et participative », résume Kris Brochec, qui souhaitait réunir parents, enfants et amis autour d’un support facile à transporter. Le nom même du jeu, tiré du lingala, signifie “chemin”, clin d’œil à un voyage au cœur de la diversité congolaise.
Chaque partie propose des défis sur la géographie, la musique, les proverbes ou encore la gastronomie. Les questions sont illustrées de photos de paysages, d’icônes culturelles et de QR codes renvoyant à des playlists ou à des archives sonores.
Une finale haute en couleur à Brazzaville
La première édition du Lissolo Challenge s’est tenue dans une salle comble du Centre culturel Rympa, non loin de Poto-Poto. Plus de 80 joueuses et joueurs, venus de quatre arrondissements, ont enchaîné les parties pendant huit heures dans une ambiance entre fair-play et cris de joie.
Les tables suivaient la formule « gagnant reste », de sorte qu’une équipe devait cumuler trois victoires consécutives pour passer au tour suivant. Entre deux manches, des danseurs de ndombolo ont électrisé le public tandis qu’un DJ diffusait des classiques de Bantous de la Capitale.
En finale, l’équipe baptisée Winner Premier a dominé le suspense. Roger Mankindou a aligné trois bonnes réponses d’affilée sur les débuts de la SAPE, donnant l’avantage décisif à ses coéquipiers Miveck Rhignanga, Lutther Mabiala, Davy Madassou et Amadou Samanke.
Les cinq champions racontent leur parcours
Assis en cercle après la remise des prix, les nouveaux ambassadeurs du jeu ont confié leur fierté d’avoir remporté 50 000 FCFA chacun. « Ce n’est pas juste l’argent, c’est la reconnaissance », insiste Roger, étudiant en économie, qui voit dans Lissolo un outil pédagogique accessible.
Miveck, graphiste freelance, affirme avoir révisé les fiches dès l’aube. « Je voulais prouver qu’on peut connaître sa culture en s’amusant ». Lutther, passionné d’esport, avoue qu’il découvrait pour la première fois un jeu de plateau local et qu’il a « craché » sur les questions en langue téké.
Quant à Davy et Amadou, ils ont joué la carte de la complémentarité, l’un maîtrisant la musique urbaine, l’autre les proverbes du Pool. Leur complicité a souvent déstabilisé les adversaires, notamment lors d’un tie-break houleux sur les monuments historiques.
Lissolo Days : coulisses d’un événement participatif
Le Challenge n’est que la partie visible d’une programmation plus large, les Lissolo Days, étalés sur trois week-ends. Au menu : ateliers de prototypage, séances d’initiation gratuites et tables rondes sur l’entrepreneuriat culturel, le tout soutenu par quelques sponsors locaux.
Selon le chargé de projet Hugues Wilson, l’idée est de « créer un écosystème autour du jeu congolais » en impliquant écoles, associations et influenceurs. Les organisateurs ont même prévu un concours TikTok récompensant les meilleures vidéos de parties de Lissolo 2.0 à domicile.
Le public a pu customiser des pions à l’effigie de forêts, de rivières ou de stars de rumba. Le stand le plus visité proposait une version géante du plateau imprimée sur toile, idéale pour les selfies collectifs qui ont envahi Instagram toute la journée.
Apprendre en s’amusant : l’atout de Lissolo 2.0
Pour Hugues Wilson, « Le jeu devient un pont intergénérationnel ». Chaque carte contient un QR code renvoyant à un mini podcast produit par des historiens locaux. Les joueurs passent ainsi du plateau à leur téléphone sans quitter la session.
Des enseignants de lycée présents dans le public envisagent déjà d’utiliser Lissolo en club d’histoire. Selon eux, la mécanique de questions-réponses, comparable à un trivial congolais, facilite la mémorisation des dates clés et encourage la prise de parole.
La Banque Postale du Congo a offert un lot de jeux à trois bibliothèques de quartier, une initiative saluée par les organisateurs. « L’important, c’est que la culture sorte des manuels et devienne vivante », a commenté Kris Brochec, entre deux autographes.
Une tournée nationale en préparation
Fort du buzz suscité à Brazzaville, le comité Lissolo planche sur un circuit provincial. Dolisie, Ouesso, Pointe-Noire et Owando sont pressenties pour accueillir des mini-challenges d’ici six mois, en partenariat avec les mairies et les associations de jeunesse.
« Le Congo a soif d’activités qui rassemblent », souligne Hugues Wilson, qui espère mobiliser un réseau de bénévoles formés à l’animation. Une application mobile compagnon, déjà en phase bêta, proposera un classement national et des quizz hebdomadaires.
Les cinq champions seront mis à contribution comme mentors lors des prochaines étapes. « Nous voulons passer le flambeau », assure Roger Mankindou, convaincu que Lissolo 2.0 peut devenir « un symbole d’excellence et de convivialité à la congolaise ».
