Traité Makoko : 145 ans d’histoire revisitée
Du 9 au 13 septembre 2025, Brazzaville vibrera au rythme d’un grand rendez-vous historique : un colloque international célébrant les 145 ans du traité conclu le 10 septembre 1880 entre le roi Makoko et l’explorateur français Pierre Savorgnan de Brazza.
La rencontre, portée par le mausolée mémorial De Brazza et par la Confédération Générale Télé, réunit chercheurs, étudiants et curieux autour du thème Sur la route de l’histoire afin de revisiter l’accord qui a façonné la naissance du Congo moderne.
Belinda Ayessa, directrice du mausolée et marraine de l’initiative, a présenté le programme lors d’une conférence de presse aux côtés d’Eugénie Mouayini Opou, présidente de la Confédération, de l’universitaire Jean-Félix Yekoka et du conseiller ministériel Samuel Kidiba.
Cinq panels pour éclairer le passé congolais
Le comité scientifique a conçu cinq panels complémentaires : histoire socio-anthropologique des sociétés précoloniales, exercice du pouvoir politique et religieux, culture imaginaire et identité, savoirs endogènes et patrimoines matériels, enfin legs précolonial pour les États modernes.
Chaque session croisera les interventions d’historiens, d’anthropologues, d’archivistes mais aussi de créatifs du numérique qui proposeront des reconstitutions en réalité augmentée, histoire de capter l’attention d’un public jeune habitué aux formats courts de TikTok et aux stories Insta.
Selon Jean-Félix Yekoka, ces échanges visent à produire un corpus référencé qui pourra nourrir les programmes scolaires et universitaires dès 2026, afin d’offrir, dit-il, « une histoire écrite par nous et pour nous, sans rien occulter de nos complexités ».
Parmi les invités figurent la chercheuse camerounaise Maimouna Oumarou, spécialiste des traités coloniaux, et le professeur français Nicolas Bancel, qui partagera ses archives sur la presse parisienne de 1880, preuve de l’écho transcontinental suscité par la signature entre Makoko et De Brazza.
Royaume de Mbé, future perle UNESCO
Au-delà de Brazzaville, le projecteur sera braqué sur le royaume de Mbé, capitale historique des Téké perchée à 200 kilomètres au nord-ouest, qu’Eugénie Mouayini Opou décrit comme « un trait d’union entre passé, présent et futur congolais ».
Le ministère de la Culture plaide pour son inscription au patrimoine immatériel de l’Unesco ; une équipe d’experts dressera durant le colloque un dossier d’évaluation mêlant cartes anciennes, chants rituels et savoir-faire artisanaux encore pratiqués sur les rives de la Lefini.
Samuel Kidiba rappelle que le tourisme mémoriel représente déjà un milliard de francs CFA de retombées annuelles et pourrait doubler si Mbé rejoint la célèbre liste, ouvrant la voie à des circuits écologiques combinant parc national d’Odzala, villages Téké et plages de Loango.
Le processus d’inscription, qui nécessite la démonstration d’une valeur universelle exceptionnelle, mobilisera également les communautés locales ; chefs coutumiers, associations de femmes Téké et guides de la réserve de Léfini participeront à la rédaction d’une charte de sauvegarde mêlant protection environnementale et transmission des rites.
Storytelling digital : la jeunesse mobilisée
Pour Belinda Ayessa, « commémorer sans transmettre n’a pas de sens ». Ainsi, des ateliers destinés aux lycéens brazzavillois expliqueront le traité via des jeux de rôle, tandis qu’un concours de podcasts incitera les étudiants à interviewer leurs aînés sur la mémoire Téké.
Les organisateurs ont prévu une couverture live sur Facebook et X, avec le hashtag #Makoko145 destiné à fédérer la diaspora. Les meilleures questions posées en ligne seront relayées en salle, un format participatif salué par l’influenceur techno Loko Koya, invité en keynote.
Un filtre Snapchat géolocalisé permettra de superposer la signature du traité sur la place de la Gare, tandis qu’un défi dance – inspiré des salutations Téké – invitera les créateurs de contenus à se filmer, générant déjà des teasers viraux sur WhatsApp.
Un partenariat avec l’École nationale des Beaux-Arts permettra enfin d’exposer des affiches réinterprétant le portrait de Pierre Savorgnan de Brazza en version manga, afro-pop ou collage vintage, rappelant que l’histoire peut aussi dialoguer avec la créativité contemporaine.
Vers une édition annuelle créatrice d’emplois
L’ambition est de pérenniser l’événement. Jean-Félix Yekoka propose une rotation annuelle entre Brazzaville, Pointe-Noire et Mbé, afin de toucher chaque région et de créer des opportunités économiques durables autour de la médiation patrimoniale.
Un comité de suivi sera installé dès octobre pour capitaliser sur les recommandations, élaborer un MOOC francophone gratuit et rassembler, à terme, un fonds audiovisuel ouvert aux chercheurs comme aux créateurs de contenus désireux d’adapter ces récits sur grand écran ou streaming.
L’économiste Mireille Ntsika estime que chaque édition pourrait créer 300 emplois temporaires dans les secteurs de l’événementiel, de l’hôtellerie et de la production audiovisuelle, sans compter les retombées indirectes pour les artisans de la sculpture sur bois et les agro-transformateurs de produits forestiers.
À l’heure où les villes congolaises réinventent leur identité numérique, la commémoration des 145 ans du traité Makoko-De Brazza apparaît comme un moteur de fierté collective, un laboratoire d’idées et un passeport touristique susceptible de rayonner bien au-delà du bassin du Congo.
Infos pratiques : inscrivez-vous en ligne
Les inscriptions, gratuites mais obligatoires, se font déjà sur le portail heritage.cg ; en moins d’une semaine, deux mille personnes se sont manifestées, preuve que l’appétit pour l’histoire nationale grandit chez les millennials, désireux de mêler savoir, networking et découverte de nouveaux horizons.
