Un miroir tendu à la génération montante
À première vue, l’ouvrage de 112 pages signé par le banquier central Cédric Jovial Ondaye-Ebauh pourrait passer pour une énième synthèse théorique sur la conduite des organisations. Pourtant, dès les premiers chapitres, l’auteur prend le parti de parler à voix haute aux jeunes cadres congolais, trop souvent ballottés entre prescriptions académiques et urgences quotidiennes. Sa plume précise, nourrie d’un vécu de direction au sein des institutions financières d’Afrique centrale, construit un récit où l’expérience s’entrelace aux concepts. « Le management n’est pas une béatitude », écrit-il, rappelant que l’acte de diriger est d’abord un engagement personnel susceptible de laisser une empreinte durable.
Entre héritages classiques et ruptures digitales
Peter Drucker, Henri Fayol ou encore Frederick Taylor hantent les couloirs de l’ouvrage, non comme des reliques intouchables, mais comme des points d’appui sur lesquels tester la solidité des pratiques actuelles. Face à la fragmentation des marchés, à la volatilité des talents et à la cyber-dépendance croissante des entreprises, l’auteur refuse d’opposer dogmatiquement « ancien » et « nouveau ». Il plaide plutôt pour une hybridation éclairée : conserver le sens de la planification méthodique de Fayol tout en y injectant l’agilité prônée par les start-up. Cette posture de dialogue intergénérationnel résonne particulièrement à Brazzaville, où nombreuses PME jonglent entre structures hiérarchiques héritées du secteur public et aspirations collaboratives des millennials.
La conscience éthique comme boussole opérationnelle
Dans les pages consacrées à la gouvernance, Ondaye-Ebauh insiste sur la responsabilité qui incombe au dirigeant africain de l’ère post-pandémique : arbitrer une croissance inclusive sans sacrifier la transparence. Selon lui, l’autorité ne se légitime plus uniquement par l’expertise technique, mais par la capacité à incarner une forme de probité qui protège autant les parties prenantes que la réputation nationale. L’argument fait écho aux récentes réformes de contrôle interne impulsées par la Banque des États de l’Afrique centrale, où la confiance de la jeunesse dans les institutions se construit désormais à l’épreuve des actes.
Le manager agile face au choc des incertitudes
Dans un chapitre particulièrement dense, l’auteur déploie la métaphore du funambule pour évoquer la gestion des crises. Qu’il s’agisse d’une panne de chaîne logistique ou d’une polémique virale sur les réseaux sociaux, le dirigeant se tient « sur un fil », sommé d’équilibrer empathie et réactivité. Loin de prôner l’improvisation, Ondaye-Ebauh suggère un entraînement continu à la projection de scénarios et au feedback fréquent. Cette gymnastique mentale rejoint les pratiques d’apprentissage rapide privilégiées par la diaspora congolaise dans les secteurs du numérique, où la remise en question permanente est devenue la norme.
Des enseignements pour l’écosystème entrepreneurial local
Ce qui confère à l’essai sa dimension singulière, c’est la sollicitude manifestée envers le tissu entrepreneurial naissant du Congo-Brazzaville. L’auteur y voit un laboratoire grandeur nature pour tester des organisations plus plates, favoriser la créativité et, surtout, ancrer la valeur ajoutée sur le territoire. Il exhorte les jeunes chefs d’entreprise à conjuguer audace et patience, rappelant que la conquête des marchés s’accompagne d’un apprentissage continu des réalités sociales. En ce sens, « Problématiques et souvenirs de management » ressemble à un manuel de navigation destiné à celles et ceux qui souhaitent franchir le fleuve Congo des idées vers la rive concrète du développement.
Une pierre de plus à la littérature africaine de gestion
À 52 ans, marié et père de famille, détenteur d’un MBA et d’un EMBA, Cédric Jovial Ondaye-Ebauh fait partie de cette minorité de praticiens capables de théoriser sans jargonner. Sa voix rejoint un courant encore trop discret de publications africaines qui entendent parler de management à partir de l’Afrique, pour l’Afrique et bien au-delà. L’essai trouve ainsi sa place aux côtés des travaux récents sur le leadership inclusif et la transformation digitale du continent, offrant aux lectrices et lecteurs congolais l’occasion de se situer dans un débat global tout en mesurant l’épaisseur de leur propre réalité. En somme, il s’agit d’un appel courtois, mais pressant, à saisir la direction d’équipes, de projets et même de vies professionnelles avec lucidité et responsabilité.
Vers un futur managérial façonné par la jeunesse
Au terme de l’ouvrage, l’auteur se fait plus confidentiel : il confie espérer que chaque lectrice ou lecteur refermera le livre « avec l’envie de redéfinir son périmètre d’influence ». Pour les jeunes adultes du Congo-Brazzaville, cette invitation peut signifier inventer des réseaux d’entraide, investir le secteur numérique ou encore insuffler une culture du résultat dans l’administration. Là réside sans doute la portée la plus stimulante de l’essai : rappeler que le management est moins un grade qu’un artisanat, et que le futur de nos organisations se façonnera à la mesure des rêves et des efforts de la nouvelle génération.