Un calendrier qui s’accélère au nord de la Sangha
Annoncée officiellement en mai 2024, la mise en exploitation du complexe minier transfrontalier Mbalam-Nabeba progresse à un rythme que les observateurs jugent remarquable. À Brazzaville, le 4 juillet dernier, le ministre d’État en charge des Industries minières, Pierre Oba, a confirmé, aux côtés de la délégation Sangha-Mining et du financier Bestway, que la première coulée de minerai est désormais attendue pour décembre. Cette avance de plusieurs mois sur le calendrier initial traduit, selon les responsables du projet, la mobilisation méthodique des équipes techniques et la fluidité des échanges entre administrations congolaise et camerounaise.
Des réserves gargantuesques et un financement décisif
Le site de Nabeba affiche, à lui seul, près d’un milliard et demi de tonnes de réserves estimées, tandis qu’Avima en compte 1,4 milliard et Badondo 679 millions. Ces chiffres, compilés par les géologues des deux États, situent l’ensemble du district minier parmi les bassins ferrifères de rang mondial. Pour transformer ce potentiel en richesse tangible, le consortium s’appuie sur Bestway-Finance, maison d’investissement à capitaux majoritairement asiatiques, qui assure le portage financier de la phase industrielle. Le montage contractuel prévoit des injections progressives de capitaux afin de sécuriser la construction du corridor ferro-portuaire et d’amortir les fluctuations du marché international du fer.
Des retombées socio-économiques attendues par une jeunesse en quête d’emplois
Les autorités congolaises estiment à quelque 20 000 le nombre total d’emplois directs et indirects qui seront créés de part et d’autre de la frontière. Les jeunes diplômés des instituts techniques de Pointe-Noire, d’Oyo ou de Ouesso scrutent déjà les avis de recrutement. « La dynamique ouvre des perspectives inédites pour l’employabilité locale, notamment dans la maintenance ferroviaire et l’ingénierie environnementale », souligne Awa Goga, directeur général des Industries minières. Des programmes de formation continue, cofinancés par l’entreprise et l’État, sont prévus afin de garantir la montée en compétence des ressources humaines, facteur déterminant dans la durabilité des activités.
Les défis logistiques du rail et du port, colonne vertébrale du projet
Si la teneur du minerai ravit déjà les métallurgistes, le véritable test se jouera sur les infrastructures. La voie ferrée Badondo-Avima-Nabeba, longue de 149 km côté congolais, doit se connecter aux 540 km de rails camerounais menant au port de Kribi. Les ingénieurs évoquent un chantier complexe, mêlant zones forestières denses, relief accidenté et nécessité de préserver la biodiversité. Les études d’impact environnemental, réévaluées en juin, intègrent des couloirs de passage pour la faune et des dispositifs de limitation des poussières. Les premiers rails sont attendus sur site avant la saison sèche afin de tirer parti de conditions climatiques plus favorables.
Vers un modèle de gouvernance concertée et durable
Porté par les chefs d’État Denis Sassou Nguesso et Paul Biya, le projet se dote d’une architecture de gouvernance binationale. Un comité stratégique, bientôt élargi aux ministères des Finances, de l’Environnement et des Transports, est chargé d’harmoniser la fiscalité, de coordonner les normes de sécurité et de suivre les engagements sociaux. Dans le même temps, les collectivités locales de la Sangha envisagent des mécanismes de suivi participatif pour garantir une redistribution équitable des redevances. Les consultations publiques, menées à Souanké et à Mbalam, témoignent d’un souci croissant d’inclure la société civile dans la prise de décision, un préalable jugé essentiel pour consolider la paix sociale.
Perspectives à court terme pour l’industrie extractive congolaise
Au-delà des frontières physiques du projet, Mbalam-Nabeba s’érige déjà en vitrine de la stratégie congolaise de valorisation de ses ressources naturelles. L’anticipation du démarrage de la production en décembre laisse entrevoir une montée en puissance graduelle des recettes d’exportation, un renforcement du solde courant et des opportunités de diversification industrielle, notamment dans la sidérurgie. Le gouvernement, prudent, souligne néanmoins l’importance de la volatilité des cours et la nécessité de constituer des fonds de stabilisation pour lisser les cycles. Dans une conjoncture régionale marquée par la relance post-pandémie, le projet apparaît comme un catalyseur de confiance pour les investisseurs et, potentiellement, comme un modèle de coopération gagnant-gagnant entre États voisins.