Aux sources d’une mobilisation inédite
Dans la vaste salle de la mairie de Ouenzé, un parfum d’optimisme lucide flottait le 15 juin 2025. Les jeunes originaires du district de Mbon, rassemblés sous la bannière de l’Association jeunesse unie du district de Mbon pour le développement, ont décidé d’inscrire leur commune natale à l’agenda des priorités nationales. La date n’a rien d’anodin : elle marque cinq ans d’efforts discrets entre réunions virtuelles et collectes de données sur le terrain. Leur conférence, intitulée « Jeunesse du district de Mbon face aux enjeux du développement local », apparaît comme le premier acte public d’un programme plus large, nourri par le Plan national de développement 2022-2026 qui encourage les initiatives territoriales.
Redéfinir le développement local à l’aune de la jeunesse
À la tribune, César Minikoro, président de l’ADUR et coordonnateur de la CONADEC, a endossé le rôle de pédagogue. Dans un langage accessible, il a revisité la notion d’« enjeu », rappelant qu’elle désigne « ce qu’une communauté risque de perdre si elle n’agit pas ». Puis il a offert une définition exigeante du développement local : un processus participatif visant le progrès économique et social sans rompre l’équilibre environnemental. « Ce qui est en jeu, c’est le désenclavement, l’amélioration de l’économie du district et la qualité des services de santé », a-t-il martelé sous les applaudissements. Joignant la stratégie au discours, il a invité ses pairs à considérer la planification budgétaire participative comme une étape incontournable, faisant écho aux recommandations de la Banque africaine de développement sur la gouvernance territoriale.
Des atouts tangibles qui appellent audace et méthode
Mbon n’est pas une page blanche. Trois cours d’eau, le Mpama, le Nkéni et le Lékéty, irriguent des terres fertiles où manioc, maïs et arachide prospèrent encore. L’élevage extensif de porcs, cabris et bœufs demeure, certes, artisanal, mais il confère un gage de sécurité alimentaire. À ces ressources s’ajoute un potentiel touristique que soulignent les géographes : rivières poissonneuses, grottes tabulaires, savanes ponctuées d’une faune résiliente. Enfin, une couverture téléphonique Airtel et un climat tempéré achèvent de composer un tableau que nombre de districts ruraux envient. Pour autant, la route reste cahoteuse, au propre comme au figuré : l’enclavement maintient le coût de transport à des niveaux dissuasifs et ralentit l’afflux d’investissements privés.
La santé, socle discret d’une prospérité partagée
Dans l’assistance, Mme Philomène Mbata, infirmière de formation, a rappelé une équation souvent négligée : « Sans santé, pas de bras pour cultiver, ni d’esprit pour innover ». À Mbon, le centre de santé intégré fonctionne avec un effectif réduit et un plateau technique sommaire. Les jeunes entendent y apporter des consommables, des moustiquaires imprégnées et, à moyen terme, un dispositif de télémédecine supervisé depuis Brazzaville. Cet accent sur le bien-être rejoint les objectifs du Programme national de santé communautaire, démontrant que l’initiative citoyenne sait s’aligner sur les politiques publiques.
Entre diaspora et terroir, la diplomatie du retour
Le mot diaspora, dans la bouche des intervenants, n’a rien de péjoratif. Il désigne plutôt un réservoir de compétences et de capitaux. Outre la collecte de fonds, les organisateurs ambitionnent de mettre sur pied des séjours d’immersion afin que les jeunes cadres nés à Brazzaville redécouvrent la vie villageoise. « Retrouver l’amour du district et bannir la politisation des opportunités », résume Cédric Bissangou, étudiant en génie civil. L’allusion est claire : la place de Mbon dans les stratégies nationales ne sera durable que si les clivages partisans laissent le pas à l’esprit de service, valeur réaffirmée par la Charte de la jeunesse congolaise.
Vers des perspectives concrètes au-delà des clivages
Dans une ambiance fraternelle, la conférence s’est achevée sur une promesse : formaliser dès août un comité technique chargé de produire une feuille de route chiffrée, adossée à un calendrier de trois ans. Le président de l’AJUDD a salué la disponibilité des autorités locales, « partenaires naturels de tout projet sérieux », avant d’exhorter les jeunes à faire du développement leur cheval de bataille. À l’heure où la République du Congo inscrit la cohésion territoriale au rang de priorité stratégique, l’expérience de Mbon offre une leçon de volontarisme : la modernité ne vient pas seulement des capitaux, mais d’une alchimie entre vision, compétences et ancrage communautaire. L’espoir, pour une fois, ne semble pas une posture rhétorique mais une hypothèse de travail.
