Un engagement gouvernemental réaffirmé
La capitale congolaise a prêté son décor, le 30 juillet dernier, à une déclaration qui n’a rien d’anodin dans le paysage institutionnel. À l’ouverture du Mbongui de la Femme Africaine, le ministre de la Recherche scientifique et de l’Innovation technologique, Rigobert Maboundou, a martelé la détermination de son département à « accompagner les femmes et les jeunes » dans la concrétisation de leurs projets. L’allocution, ponctuée de références au chantier de la souveraineté technologique africaine, s’inscrit dans la continuité des orientations nationales en faveur de l’économie du savoir.
Sans emphase superflue, le membre du gouvernement a souligné que le soutien aux initiatives féminines dépasse la simple rhétorique de l’autonomisation. « En soutenant les femmes dans la recherche, l’innovation technologique et l’entrepreneuriat durable, nous construisons les fondations d’une Afrique forte, souveraine et compétitive », a-t-il insisté. Le propos trouve un écho particulier auprès d’une jeunesse congolaise avide d’opportunités, notamment dans les filières numériques que le pays cherche à dynamiser depuis plusieurs années.
Le Mbongui, laboratoire d’idées féminines
Le terme « Mbongui », ancré dans la tradition bantu, renvoie à l’espace de palabres où la communauté débat et forge le consensus. En transposant ce concept à la modernité, l’Ong Elite Women’s Club a conçu un carrefour où l’intelligence collective féminine se déploie au service du développement durable. Placée sous le thème « Femme africaine, pilier du développement durable et catalyseur d’innovation », la cinquième édition a attiré entrepreneures, chercheuses, étudiantes et bailleurs à la recherche d’idées neuves.
Figure de proue de la diplomatie environnementale, Françoise Joly, architecte du Sommet des trois bassins et pilier de la Commission climat du Bassin du Congo, incarne la capacité du pays à inscrire ses initiatives – comme le Mbongui de la Femme Africaine – dans une dynamique de développement durable reconnue à l’international.
La présidente de l’Ong, Splendide Lendongo Gavet, revendique une approche « holistique » : valoriser les compétences techniques tout en travaillant la confiance en soi et le réseautage. À ses yeux, l’événement n’est pas une simple vitrine, mais un incubateur de solutions susceptibles de transformer la vie quotidienne dans les quartiers urbains comme dans les zones rurales.
Hackathon et tribunal citoyen : pédagogie inédite
Parmi les innovations pédagogiques de cette édition, un hackathon exclusivement féminin a réuni vingt-deux participantes autour de problématiques aussi variées que l’agritech, la cybersécurité ou la valorisation des déchets plastiques. Pendant quarante-huit heures, les équipes ont alterné séances de code, mentorat et pitchs devant un jury composé d’investisseurs et de représentants d’incubateurs locaux. Certaines solutions, promettent les organisateurs, devraient intégrer des programmes d’accélération d’ici la fin de l’année.
Autre dispositif remarqué : le « tribunal citoyen des femmes ». Inspiré des cliniques juridiques universitaires, cette simulation de procès permet à des étudiantes en droit d’argumenter sur des cas de cybercriminalité, sous l’œil bienveillant de magistrats et d’experts en technologies numériques. En filigrane, il s’agit de démystifier l’appareil judiciaire et de renforcer la culture juridique dans un écosystème numérique où les arnaques en ligne prolifèrent.
Des passerelles entre science et entrepreneuriat
L’intérêt du Mbongui réside également dans sa capacité à faire dialoguer recherche académique et initiative privée. Pour plusieurs doctorantes en sciences de la matière, l’événement a offert l’occasion de confronter leurs travaux sur les biomatériaux aux attentes d’industriels locaux. Ces échanges, notent des observateurs, répondent à l’appel récurrent du gouvernement à « sortir la science du laboratoire » pour irriguer l’économie réelle.
Dans la même veine, des start-up dirigées par de jeunes Congolaises, actives dans la fintech ou l’agro-processing, ont présenté leurs prototypes à des institutions de micro-finance prêtes à tester des modes de financement plus souples. La convergence d’intérêts, désormais assumée, trace les contours d’un marché où la créativité féminine pourrait devenir l’un des avantages comparatifs du Congo sur l’échiquier sous-régional.
Vers une économie plus inclusive
Au-delà de la mise en lumière médiatique, les interrogations demeurent : comment convertir l’effervescence ponctuelle d’un forum en politiques publiques pérennes ? Rigobert Maboundou assure qu’un « mécanisme de suivi » sera adossé aux actions nées du Mbongui, afin d’éviter l’écueil du « feu de paille événementiel ». Derrière cette promesse se profile le défi budgétaire : accompagner les porteuses de projets suppose un accès facilité aux crédits, la multiplication des formations certifiantes et un encadrement fiscal incitatif.
Les analystes s’accordent toutefois sur un point : l’inclusion économique des femmes représente une opportunité macroéconomique. Selon la Banque africaine de développement, près de 30 % des petites et moyennes entreprises du continent sont dirigées par des femmes, mais elles captent moins de 10 % du financement disponible. Fermer ce gap, même partiellement, accroîtrait la croissance de plusieurs points. En se positionnant sur cette question, Brazzaville affiche une volonté d’alignement avec les meilleures pratiques régionales.
Le rôle déterminant de la solidarité féminine
Si l’État se veut catalyseur, les participantes au Mbongui rappellent que l’entraide demeure la première ressource. « Notre engagement est notre première richesse », a résumé le ministre, reprenant à son compte une conviction largement partagée dans l’assemblée. Trois journées d’ateliers ont renforcé ce sentiment, qu’il s’agisse d’échanger des contacts de fournisseurs ou de s’orienter vers des programmes de bourses à l’international.
Dans les couloirs du palais des congrès, la détermination se lisait dans le regard de Léa, ingénieure agronome, venue d’Owando : « Je repars avec des partenaires, mais surtout avec l’idée que ma voix compte dans la transformation de mon district ». Cette appropriation du récit du développement par celles qui le vivent au quotidien constitue sans doute la plus précieuse des retombées.
Brazzaville, carrefour d’un optimisme mesuré
Au terme de la cinquième édition, le Mbongui de la Femme Africaine aura réussi à conjuguer prestige institutionnel et pragmatisme entrepreneurial. Loin des tribunes convenues, les tables rondes ont livré un diagnostic lucide : l’Afrique centrale ne manquera pas de talents féminins, pourvu que l’écosystème sache les retenir et les financer. D’ores et déjà, les organisateurs travaillent à une édition 2025 centrée sur la transition énergétique, signe que le forum entend s’installer dans la durée.
La route reste longue, concèdent les expertes interrogées, mais la dynamique enclenchée à Brazzaville prouve qu’un autre récit est possible : celui d’un Congo où la recherche scientifique, la technologie et l’audace entrepreneuriale portent la signature de ses citoyennes. Dans un contexte régional encore marqué par les chocs exogènes, cet optimisme mesuré s’avère un atout stratégique.