23 milliards USD pour dynamiser l’or noir congolais
Une poignée de mains scellée en août entre les ministres Bruno Jean-Richard Itoua, Jean-Jacques Bouya et le président de Wing Wah, Xiao Lianping, a propulsé sur le devant de la scène un accord hydrocarbures chiffré à 23 milliards de dollars.
Le contrat, couvrant les permis Banga Kayo, Holmoni et Cayo, serait, selon les signataires, l’un des leviers majeurs du plan économique national et doit porter la production nationale à 200 000 barils par jour à l’horizon 2030.
Une signature à Brazzaville aux ambitions mondiales
La cérémonie officielle organisée à Brazzaville a été saluée par l’African Energy Chamber, qui y voit une démonstration de la place croissante du Congo-Brazzaville dans le concert énergétique africain et une preuve de confiance des investisseurs asiatiques dans la stabilité du pays.
Pour le ministre Itoua, l’accord « ouvre une nouvelle ère de valorisation raisonnée des ressources naturelles tout en renforçant notre souveraineté énergétique », a-t-il déclaré devant la presse, insistant sur la nécessité de concilier croissance, innovation et responsabilité environnementale.
Un bond visé à 200 000 barils par jour
Aujourd’hui, le bloc onshore Banga Kayo affiche déjà environ 45 000 barils quotidiens, issus de plus de 240 puits forés. Les ingénieurs de Wing Wah tablent sur un pic compris entre 50 000 et 80 000 barils, première étape du plan d’expansion.
Pour atteindre la barre symbolique des 200 000 barils, la société chinoise prévoit un calendrier en trois phases, mêlant optimisation des gisements existants, forage de nouvelles séquences horizontales et déploiement d’infrastructures de transport plus rapides vers les terminaux côtiers.
Le ministère rappelle que ces volumes supplémentaires permettront de maintenir la contribution pétrolière au budget de l’État tout en finançant les programmes sociaux jugés prioritaires, notamment l’entrepreneuriat des jeunes, l’électrification rurale et la numérisation des services administratifs.
Former les talents congolais, priorité déclarée
Au-delà des chiffres, l’accord consacre la création d’un centre de formation multisectoriel. L’objectif affiché est d’offrir, chaque année, à des centaines de jeunes ingénieurs, soudeurs, géologues ou data scientists, des compétences calibrées aux standards internationaux de l’industrie.
Selon un responsable technique de Wing Wah, « le contenu local ne se limite plus aux emplois de surface ; il s’étend désormais aux fonctions à forte valeur ajoutée comme l’IA appliquée à la prospection », a-t-il précisé en marge de la signature.
D’après le ministère du Travail, environ 3 000 Congolais travaillent déjà sur le projet. Ce nombre devrait grimper avec la mise en service du centre, qui proposera des modules certifiants, des bourses régionales et un incubateur dédié aux entrepreneurs locaux.
Gaz associé : vers une valorisation intégrée
L’un des volets les plus commentés concerne le traitement du gaz associé. Au lieu de torchage, le consortium prévoit des unités modulaires capables de transformer le méthane en GNL, butane et propane, répondant simultanément aux besoins domestiques et aux contrats d’exportation.
Cette stratégie s’inscrit dans l’objectif national de réduction des émissions et participe à l’Agenda 2063 de l’Union africaine. Elle ouvre aussi la porte à des opportunités dans la pétrochimie légère, créatrice d’emplois qualifiés pour la jeune population urbaine.
Retombées locales et développement durable
Des accords parallèles avec les autorités locales prévoient la mise à disposition d’excédents d’électricité issus de la centrale du champ, ainsi que la fourniture d’eau traitée aux villages riverains, mesures saluées par plusieurs chefs coutumiers de la région.
Le projet inclut également un plan de restauration des sols après exploitation et la conservation de couloirs de biodiversité. Des ONG environnementales ont été consultées, signe d’un dialogue renforcé entre industrie, État et société civile.
Cap vers 2050 : stratégies à long terme
À l’échelle macroéconomique, le gouvernement table sur plus de 1,3 milliard de barils cumulés d’ici 2050. Les recettes fiscales prévues serviront à diversifier l’économie, notamment dans l’agro-industrie, le tourisme durable et l’économie numérique en plein essor.
La Banque africaine de développement estime qu’un accroissement de la valeur ajoutée pétrolière peut générer un effet multiplicateur de 2,3 sur le PIB congolais si les revenus sont réinvestis dans les infrastructures de base et la formation professionnelle.
Cependant, des économistes rappellent la volatilité des cours mondiaux et plaident pour une transparence accrue des mécanismes de partage de production afin de sécuriser les flux financiers et rassurer les partenaires techniques et commerciaux sur la durée.
Perspectives régionales et partenariats futurs
Le modèle congolais, articulé autour de partenariats public-privé et d’une approche intégrée ressources-infrastructures-formation, attire déjà l’attention de pays voisins comme le Gabon et l’Angola, désireux d’adopter des cadres contractuels similaires pour tirer profit de leurs bassins sédimentaires respectifs.
Xiao Lianping a confirmé que Wing Wah examinait d’autres prospects onshore et offshore au Congo, mais aussi la possibilité d’installer, à moyen terme, un hub de maintenance régional capable de desservir toute la façade atlantique d’Afrique centrale.
Pour les jeunes diplômés, cette perspective élargit le marché de l’emploi au-delà des frontières nationales et stimule la création de start-up spécialisées dans l’ingénierie, la logistique ou la cybersécurité appliquée au secteur pétro-gazier.
Les premiers travaux d’extension devraient débuter début 2024, sous réserve des autorisations environnementales finales requises légalement.