De Brazzaville à la côte Adriatique, un parcours sinueux mais maîtrisé
À seulement vingt-six ans, Merveil Ndockyt affiche déjà un curriculum vitae qui illustre la géographie heurtée des carrières africaines contemporaines. Né à Makélékélé, quartier populaire de Brazzaville, il s’aguerrit d’abord au CNFF, au CARA puis à l’AC Léopards avant d’oser l’exil vers l’Albanie en 2016. Son éclat sous les couleurs du FK Tirana lui ouvre les portes d’une Ligue Europa disputée tambour battant en 2017, avant qu’une parenthèse espagnole – Barcelone B, Getafe puis Majorque – ne le confronte aux exigences tactiques de la péninsule ibérique. Deux saisons pleines à Osijek, suivies de trois à Gorica, complètent l’apprentissage croate de ce milieu de terrain friand d’espaces. Chaque transfert, loin de trahir l’instabilité, révèle une cohérence : monter graduellement de palier tout en restant titulaire, un luxe pour nombre d’afaricains expatriés en Europe.
Le choix Rijeka : entre ambition sportive et stabilité contractuelle
La signature officialisée ce mercredi dans les salons vitrées du stade Rujevica lie désormais Ndockyt au champion de Croatie jusqu’en juin 2027. Le club, auréolé d’un quatrième titre national acquis aux dépens du Dinamo Zagreb, a misé sur le profil hybride du Congolais, capable de coulisser entre les lignes et de presser haut. « Nous cherchions une pièce capable d’accélérer le cœur du jeu tout en ramenant de l’expérience européenne », confie le directeur sportif Ivan Kepčija, saluant « la polyvalence et l’état d’esprit professionnel » de l’ancien Léopard de Dolisie. Des sources proches du dossier évoquent une clause salariale progressive, indice d’une confiance à long terme accordée au natif de Brazzaville.
Quel rôle pour Ndockyt dans le schéma croate
Le technicien Dragan Tadić, partisan d’un 4-3-3 modulable, projette de positionner sa recrue comme relayeur avancé, à la charnière entre la sentinelle hongroise Jakov Puljić et l’attaquant ghanéen Prince Ampem. L’analyse vidéo des dernières rencontres d’Osijek montre que Ndockyt rompt les lignes balle au pied en moyenne 2,8 fois par match, tout en conservant un taux de passes réussies supérieur à 85 %. Cette capacité à déstabiliser l’entrejeu adverse séduirait Rijeka, dont le titre 2025 a reposé sur une possession exigeante mais parfois stérile. « Je viens pour apporter du volume et surtout de la verticalité », assure le Congolais, son sourire calme trahissant une détermination intacte.
Un calendrier estival déjà décisif
Avant de rêver aux lumières de la phase de groupes, Rijeka traversera un parcours lombaire. Le tirage l’envoie au deuxième tour préliminaire de la C1, prévu le 22 ou 23 juillet, contre le vainqueur de Ludogorets – Minsk. Les cinq amicaux retenus – ND Primorje, GC Oleksandriya, FK Čukarički, NK Bravo et SK Göztepe – auront valeur de laboratoire. Selon le préparateur physique Zoran Kukulj, le club a planifié un cycle foncier intensif agrémenté de séances vidéo ciblées pour insérer Ndockyt dans les automatismes locaux. La HNL reprendra dès le 2 août, et, en cas de qualification, un troisième tour de barrage (7 et 12 août) surchargera davantage l’horizon estival.
Regard du Congo : inspiration pour une génération en quête de repères
Au Congo-Brazzaville, le transfert est perçu comme un symbole de persévérance. « Merveil montre qu’un jeune de Makélékélé peut fouler la C1 sans passer par les académies françaises », souligne Patrick Loussilas, coordinateur du Centre national de formation de football (Fédération congolaise de football). Sur les réseaux, la communauté #Team243 salue un « pas de géant » et rappelle combien l’exposition en Ligue des champions accroît la visibilité des footballeurs congolais souvent cantonnés à la sphère africaine. Pour la diaspora, l’arrivée à Rijeka ravive aussi les souvenirs des épopées d’Osmane Dibaba avec le Dinamo Zagreb dans les années 1990, comme si l’Adriatique demeurait une voie discrète mais viable vers l’élite.
Entre prudence et optimisme, les mots des protagonistes
Interrogé sur le plateau de la chaîne sportive locale, Ndockyt tempère les attentes : « Mon premier objectif est de m’intégrer rapidement au vestiaire et d’apprendre le croate, car la communication reste la clef ». Son agent historique Youcef Boudjemai, qui gère également les intérêts de Sylver Ganvoula, insiste sur la maturité de son protégé : « Merveil n’a jamais brûlé les étapes. Chaque contrat signé l’a été pour jouer, pas pour collectionner les maillots ». Côté croate, le président Damir Mišković salue « un investissement réfléchi », rappelant que Rijeka ambitionne désormais d’exister en phase de groupes, non de faire de la figuration. Entre prudence budgétaire et appétit sportif, la greffe Ndockyt pourrait incarner le compromis idéal.
Vers un été charnière pour l’international congolais
À l’heure où de nombreux Congolais lorgnent l’Arabie saoudite ou la Turquie, le pari croate de Ndockyt tranche par sa sobriété stratégique. S’il franchit les tours de barrage, le milieu offensif disputera la première Ligue des champions de sa carrière, six ans après avoir découvert l’Europe avec Tirana. Dans le cas contraire, l’Europa League ou la nouvelle Conference League assureraient une exposition continentale. Quelle que soit l’issue, la trajectoire d’un garçon formé sur les terrains sablonneux de Mfilou rappelle que les rêves les plus ambitieux peuvent se nourrir de chemins de traverse, pour peu qu’ils soient arpentés avec méthode et humilité.