Un vent nouveau sur la mode congolaise
Le 3 septembre a marqué une étape importante pour la mode congolaise : la styliste Edouarda Diayoka, fondatrice de Louata, figure désormais parmi les nominés du concours panafricain Talents d’Or 2025. Pour la première fois, une créatrice du Congo-Brazzaville atteint ce niveau.
Depuis Brazzaville, la jeune femme a bâti une griffe qui marie coupes contemporaines et clins d’œil patrimoniaux. Ses robes fluides, souvent animées de jaunes solaires et de bleus profonds, racontent « la lumière et la confiance », confie-t-elle, revendiquant un savoir-faire local affûté.
Louata s’appuie sur des artisans de Poto-Poto et de Talangaï, valorisant pagnes tissés, broderies fines et finitions à la main. « Chaque pièce est une conversation entre générations », explique le modéliste Charles Mouanda, qui accompagne la créatrice depuis ses débuts sur les podiums locaux.
Le concours Talents d’Or 2025
Créés à Lomé il y a une décennie, les Talents d’Or assemblent chaque année une vingtaine de stylistes africains autour d’une même scène. L’édition 2025 reçoit des candidats du Togo, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Gabon et, désormais, du Congo-Brazzaville.
Le jury, composé d’acheteurs, de journalistes et de fabricants de textiles, juge les dossiers sur l’innovation, la durabilité et l’ancrage culturel. Être simplement présélectionné signifie avoir franchi une barrière très concurrentielle, rappelle la consultante togolaise Eyram Mensah, habituée du concours.
Diayoka présentera trois silhouettes mêlant chanvre, raphia et denim recyclé, un parti pris écologique salué par le magazine Ivory Style. Cette orientation verte rejoint l’agenda continental sur l’économie circulaire promu par plusieurs ministères de la Culture, dont celui du Congo, souligne le journaliste Aimé Bemba.
La stratégie de vote payant
Depuis le 3 septembre, le public est invité à voter par SMS ou portefeuille mobile, chaque voix coûtant 105 F CFA. Le montant, modeste mais symbolique, finance la logistique de l’événement tout en créant un baromètre populaire qu’aucun sponsor ne peut ignorer, selon l’organisation.
Pour mobiliser, la styliste a lancé une campagne numérique qui conjugue vidéos courtes, filtres Instagram et défis TikTok. « Un vote, un pas », répète-t-elle dans ses stories, encourageant la diaspora à convertir likes en contributions sonnantes, signe d’une génération connectée et engagée.
À Brazzaville, certains salons de coiffure installent des tablettes pour faciliter le vote des clientes, tandis que des influenceurs diffusent des tutoriels. Le sociologue Rodrigue Mabiala note que « l’acte d’envoyer 105 francs devient un geste communautaire, presque un rite d’appartenance urbaine ».
Une vitrine pour la jeunesse créative
Si Louata décroche le podium final, le concours offrira à Diayoka la possibilité de choisir le pays où défiler devant acheteurs et médias internationaux. Au-delà, l’événement pourrait ouvrir des débouchés pour d’autres créateurs congolais, estime le styliste vétéran Pathy Malonga.
Le ministère de l’Industrie culturelle suit de près l’initiative. « Une réussite d’Edouarda signalera la vitalité de notre filière créative », souligne un conseiller, rappelant les incitations fiscales déjà mises en place pour les ateliers de confection. Une telle dynamique s’intègre à la diversification économique nationale.
Dans les écoles de mode de Pointe-Noire, des étudiantes projettent déjà les croquis de Louata pendant leurs cours. « Voir quelqu’un de chez nous atteindre une plateforme panafricaine modifie nos ambitions », confie la stagiaire Mireille Gouala, qui prépare son premier défilé étudiant.
La presse africaine observe aussi le phénomène. Les sites Mode Bénin et Fashion229 évoquent un « tournant Brazzaville » capable de redistribuer les pôles créatifs du continent. Pour Bénédicte Kokolo, critique basée à Abidjan, « la touche Louata prouve que l’identité est une force exportable ».
Reste le suspense des résultats, annoncés en février. D’ici là, Diayoka renouvelle chaque semaine ses collections capsules afin d’alimenter l’intérêt des réseaux. Cette cadence témoigne d’un entrepreneuriat assumé, où la création sert aussi la visibilité et l’autofinancement, analyse l’économiste culturel Florent Nkouka.
Quel que soit l’issue du vote, la nomination elle-même marque une étape. Elle rappelle aux jeunes Congolais que les industries créatives peuvent se transformer en carrière viable, à condition de maîtriser communication digitale, production responsable et réseau professionnel, trois axes déjà intégrés dans la trajectoire Louata.
À l’heure où le continent recherche de nouveaux moteurs de croissance, l’épopée d’Edouarda Diayoka illustre la capacité de la mode à générer valeur économique, cohésion sociale et rayonnement culturel. Les prochaines semaines diront si le Congo écrira une page supplémentaire sur les podiums africains.
Perspectives régionales
Dans la sous-région, des maisons comme Pathé’O à Abidjan ou Maison ArtC à Accra ont prouvé qu’un label africain peut conquérir les marchés européens sans renoncer à son ancrage. Les analystes voient en Louata un futur chaînon de cette galaxie créative ouest-et-centre africaine.
L’entrepreneure, qui se rendra prochainement à Pointe-Noire pour un pop-up store, envisage déjà des collaborations avec des tisserands du Kouilou et des photographes de Dolisie. « La chaîne de valeur doit rester congolaise le plus possible », insiste-t-elle, soulignant l’importance d’un impact local tangible.
