Une icône du milieu de terrain congolais
Le 28 juillet 2025, juste après le lever du jour, la nouvelle a parcouru Brazzaville comme une déflagration : Bienvenu Kimbembé, surnommé Akim-La Wanka, s’en est allé à 71 ans. Le football congolais perd une figure tutélaire et les supporters un repère.
Dans les quartiers populaires, des maillots rouges se sont accrochés aux fenêtres en signe de deuil. Aux abords du stade Alphonse-Massamba-Débat, de jeunes fans scandaient déjà son prénom, rappelant que le numéro huit qu’il porta longtemps reste gravé dans les mémoires.
Des débuts modestes à Poto-Poto
Pourtant, rien ne laissait présager ce destin dès son enfance à Cabinda, enclave laborieuse de l’ancienne Léopoldville. Fils de chauffeur, Akim troquait la craie des cours d’école contre un ballon fait de chiffons, improvisant ses premiers dribbles sous les manguiers.
Le retour forcé de sa famille à Brazzaville, poussé par les remous politiques du début des années soixante, ouvre un nouveau chapitre. Rue Mbochis, quartier Poto-Poto, l’adolescent rejoint Benfica puis Santos FC, où il croise Ndomba Géomètre et Gambou Féli.
L’ascension fulgurante en sélection
En 1971, séduit par l’idée de passer à l’élite, il signe à la modeste Sotex-Sport de Kinsoundi. Son endurance et sa lecture du jeu captivent les recruteurs. Deux ans plus tard, Télésport lui offre un cadre idéal pour exprimer pleinement son potentiel.
Le 31 mars 1975, l’entraîneur roumain Cicérone Manoulache l’installe en sentinelle lors de Congo–Côte d’Ivoire, remporté un à zéro. À seulement vingt ans, Akim devient titulaire indiscutable auprès de Moukila et Minga. Les commentateurs parlent d’une révolution silencieuse dans l’entrejeu national.
Son intelligence de placement, sa résistance aux chocs et ses passes appuyées libèrent les ailiers. « Il anticipait deux actions à l’avance », se souvient l’ancien défenseur Christian Mbama Lapéta, ultime survivant de cette génération dorée des Diables Rouges.
Moments forts sur la scène africaine
Prêté au CARA lors des campagnes continentales 1975 et 1976, Akim découvre le tumulte des stades africains, de Lagos à Monrovia. Les foules l’adoptent vite, applaudissant sa capacité à casser les lignes adverses puis à relancer proprement sans jamais lever le regard.
En 1978, la CAN de Kumasi lui offre un retentissement mondial. Malgré l’élimination en phase de groupes, il figure dans l’équipe type établie par la presse ghanéenne. Le même été, il dispute le Tournoi de la Grande Muraille et conquiert Pékin.
Un style de jeu inégalé
Techniquement, Akim mélangeait le jeu court portugais appris dans les rues et la verticalité brésilienne admirée à la télévision. Ses crochets courts figeaient souvent trois adversaires à la fois. Sur les tribunes, les jeunes imitaient son célèbre pas de côté avant la frappe.
Le préparateur physique Élie Itoua rappelle qu’il bouclait les tests d’endurance « avec le souffle d’un demi-fondeur ». Kimbembé avalait quatre-vingt-dix minutes sans ralentir, obligeant parfois les arbitres à vérifier leur chronomètre tant son volume de jeu semblait inépuisable.
Homme de valeurs et de caractère
Hors des terrains, l’homme restait simple. Chaque dimanche, il retrouvait le marché Total pour discuter avec les vendeurs de légumes. Ni les primes, ni la renommée ne l’ont éloigné des siens. « Il disait toujours : on ne grandit que sous l’ombre du manguier familial ».
Cette fidélité s’accompagnait d’un tempérament affirmé. Les archives révèlent plusieurs passes d’armes verbales avec Michel Oba à Télésport ou Maurice Ondjolet en sélection, toujours pour défendre sa place. Mais jamais il ne quitta l’entraînement sans saluer son coach ni taper dans la main des kinés.
Héritage pour la jeunesse
Officiellement retraité en 1984, Akim refuse l’exil. Il obtient un brevet d’entraîneur et anime gratuitement des stages de vacances au stade Marchand. Plusieurs internationaux actuels, comme Prince Ibara, disent avoir découvert la rigueur professionnelle grâce à ses ateliers matinaux et ses conseils personnalisés.
Selon la sociologue Diane Nkouka, son parcours « illustre la notion de réussite enracinée ». Son exemple prouve qu’on peut briller sans quitter le pays, message précieux pour une jeunesse souvent tentée par l’aventure à tout prix. Les associations sportives relaient déjà ce credo.
Hommages et perspectives
L’annonce de sa disparition a immédiatement suscité des hommages officiels. Le ministère des Sports a promis une chapelle ardente au Complexe sportif. Des messages sont aussi venus de la CAF et de la FIFA, saluant « un ambassadeur discret du beau jeu » selon le communiqué.
Une Journée Akim, envisagée dès l’an prochain, pourrait réunir anciens coéquipiers et nouvelles générations autour d’un tournoi caritatif. Au-delà du chagrin, l’événement rappellera que la grandeur sportive repose autant sur le talent que sur la transmission, dernière passe décisive du maître disparu.
Le comité d’organisation envisage aussi de baptiser la tribune sud du stade Alphonse-Massamba-Débat à son nom, manière durable de graver son empreinte dans l’enceinte où il fit lever tant de foules.
Dans un pays résolument tourné vers la valorisation de ses héros sportifs, ces initiatives s’inscrivent dans la stratégie nationale de promotion de la cohésion, rappelant que le ballon rond demeure un langage partagé par tous les districts.
