Le choc de la disparition
La nouvelle est tombée le 28 octobre depuis la France : Dieudonné Benito Amouzoud, 63 ans, s’est éteint, laissant le sport congolais orphelin d’un pionnier. A Brazzaville, l’émotion est palpable, surtout chez son ami et collaborateur Dominique Gentil Nkounkou.
De sa voix posée, le dirigeant qualifie cette disparition de « grande perte » et rappelle le travail colossal abattu pour hisser le Centre d’Études et Sport la Djiri, première académie pluridisciplinaire du pays, au rang de référence régionale.
Un passionné devenu bâtisseur
Avant d’enfiler le costume de philanthrope, Benito Amouzoud avait présidé la section football de l’Étoile du Congo, club mythique des Diables Rouges. Cette expérience le convainc qu’il faut professionnaliser la formation dès le plus jeune âge.
« Il rêvait d’un campus sportif où l’enseignement général marcherait main dans la main avec le ballon, se souvient Nkounkou. Et comme toujours, il a transformé ce rêve en chantier concret, sans jamais lésiner sur les moyens humains ou matériels ».
Les débuts du Centre d’Études et Sport la Djiri
Inauguré en 2007 sur un terrain verdoyant de la périphérie nord de Brazzaville, le CESD propose classes du primaire au lycée, internat, restauration équilibrée et plateaux multisports flambant neufs : football, basket, judo, karaté et athlétisme s’y côtoient.
Pour diriger la partie technique, l’ancien international congolais François Mayanith est recruté. Dans la foulée, Nkounkou rejoint l’aventure afin de structurer la cellule de détection et d’assurer un lien constant avec la Fédération congolaise de football.
Le pari des partenariats internationaux
Armé d’un réseau bâti lors de stages universitaires en Europe, Benito Amouzoud décroche rapidement un premier accord avec des clubs italiens. L’objectif est double : échanges d’experts pour la méthodologie d’entraînement et ouverture de passerelles pour les meilleurs pensionnaires.
L’arrivée de l’entraîneur français Vincent Rautureau, ancien directeur du centre de formation de La Roche-sur-Yon, donne aussitôt une visibilité mondiale au CESD. Sous sa houlette, l’académie participe à des tournois de prestige en France et en Afrique du Sud.
La Djiri Cup, vitrine de talents
Pour ancrer l’excellence à domicile, Benito Amouzoud lance en 2012 la Djiri Cup. Ce tournoi annuel réunit sélections des départements congolais, clubs voisins du Gabon et même équipes formatrices françaises, créant un carrefour inédit sous les tribunes colorées de Brazzaville.
Le trophée, très suivi sur les réseaux sociaux, offre aux scouts la possibilité d’observer des adolescents prometteurs sans quitter la capitale. La fédération salue régulièrement l’événement, le qualifiant de « laboratoire grandeur nature » pour la future élite nationale.
Des Diables Rouges façonnés à la Djiri
Parmi les pépites sorties du centre, le milieu relayeur Durel Avounou, l’attaquant Harvy Ossiété et le défenseur Exaucé Ngassaki ont déjà porté le maillot des Diables Rouges A. Leur trajectoire témoigne de la rigueur académique prônée par Benito Amouzoud.
En coulisses, l’équipe pédagogique suivait ces jeunes jusqu’au bac ou à une réorientation vers des filières professionnelles, gage d’une approche globale. « Il voulait former l’athlète et le citoyen, toujours », insiste Nkounkou, des trémolos dans la voix.
Un modèle de football business durable
Au-delà de la passion, le défunt croyait à un football capable de s’autofinancer. Frais d’inscription modulables, sponsoring local, recettes de la Djiri Cup : autant de leviers qui ont permis au CESD de rester indépendant sans peser sur les subventions publiques.
Cette vision inspirée du « football business » séduit désormais plusieurs académies émergentes à Pointe-Noire et Oyo, favorisant l’éclosion d’un écosystème sportif diversifié soutenu par le secteur privé.
La douleur d’une disparition, la force d’un souvenir
Au téléphone, Nkounkou répète que « la loi de la nature » n’épargne personne mais que les œuvres, elles, restent. Dans les couloirs du centre, une minute de silence a été observée, suivie d’un entraînement dédié à la mémoire du fondateur.
Le ministère des Sports a salué « un citoyen engagé » et promis de soutenir les projets de rénovation du complexe. Une cérémonie officielle d’hommage, ouverte au public, se prépare à Brazzaville avant le rapatriement de la dépouille.
Un avenir à écrire
Selon le conseil d’administration, les activités pédagogiques et sportives reprendront normalement après les obsèques. Un nouveau directeur sera nommé afin de poursuivre la mission d’éducation sportive voulue par Benito Amouzoud et de garder la Djiri Cup dans le calendrier international.
Le football congolais perd un pilier, mais ses fondations, posées sur la Djiri, demeurent solides. Pour de nombreux jeunes, le meilleur hommage sera de chausser les crampons, diplômes en poche, et de continuer à faire briller les couleurs nationales dans le monde.
Des projets éducatifs annexes
Outre les terrains, le fondateur finançait chaque année des bourses pour les filles, encore minoritaires dans le football national. Huit lauréates, inscrites en premier cycle universitaire, ont déjà confirmé qu’elles prolongeraient leur mentorat pour honorer la mémoire de leur mécène.
La diaspora en soutien
Depuis Paris, Montréal et Bruxelles, la diaspora congolaise a lancé des collectes sur WhatsApp pour aider à la rénovation du bloc administratif. En moins de 48 heures, plus de 15 000 euros ont été promis, preuve que l’œuvre de Benito Amouzoud dépasse les frontières.
Un ancien pensionnaire exilé en Ligue 1 française résume le sentiment général : « Nos victoires à l’étranger portent son empreinte. Il nous a appris à rêver grand sans oublier nos racines ». Une phrase qui résonne comme la devise officieuse du centre.
