Une figure de la diplomatie congolaise s’éteint
Dans la douceur automnale de Paris, le 28 septembre, Paul Alexandre Mapingou a fermé ses yeux pour toujours. L’ancien ambassadeur du Congo en Belgique, figure discrète de la diplomatie congolaise, s’est éteint à 69 ans des suites d’une longue maladie.
La nouvelle, annoncée au petit matin, a rapidement voyagé de Brazzaville à Pointe-Noire, avant de traverser l’Atlantique. Sur WhatsApp, Instagram et X, de jeunes professionnels ont découvert, souvent avec stupeur, qu’un artisan essentiel des relations extérieures venait de quitter la scène.
Un parcours académique entre Brazzaville et Paris
Né au sud du pays, Mapingou a grandi à Brazzaville durant les années où la ville vibrait au rythme des orchestres rumba. Très tôt, il cultive l’amour des lettres et décroche son baccalauréat avant de rejoindre l’Université Marien-Ngouabi pour des études de philosophie.
Curieux et ambitieux, il poursuit sa quête de savoir à Amiens, puis franchit la mythique porte de la rue Saint-Guillaume, à Paris, pour intégrer Sciences Po. Cette formation prestigieuse affinera son sens de la diplomatie, mais aussi son élégance, devenue presque légendaire auprès de ses pairs.
L’art d’être ambassadeur avant même le titre
Revenu au pays, l’homme est rapidement appelé aux plus hautes fonctions : secrétaire général adjoint au ministère des Affaires étrangères, puis ministre plénipotentiaire. Les couloirs d’Oyo comme ceux du palais présidentiel reconnaissaient son pas mesuré et son verbe posé, toujours tourné vers la recherche de consensus.
Dès 2002, il représente le Congo en Belgique, au cœur de l’Union européenne. Là, Mapingou orchestre la promotion culturelle, invitant régulièrement les artistes de Brazzaville pour des showcases inattendus à Bruxelles. Son bureau rue Montoyer devenait, dit-on, un carrefour où se mêlaient guitare, politique et business.
Élégance, hospitalité et citations mémorables
Sa maîtrise des nuances diplomatiques impressionne autant que son sens de l’hospitalité. Un proche se souvient encore de ces dîners « façon XVIIIe siècle », nappes immaculées et chandeliers, où le poisson fumé côtoyait le foie gras, une playlist rumba en fond, créant une atmosphère de dialogue décomplexé.
Le professeur Grégoire Léfouoba, compagnon de route, a décrit Paul Alexandre comme « une identité de l’élégance des manières ». Dans un message viral, il rappelle que chaque sourire du défunt avait la saveur d’un proverbe bantou, et que son silence valait parfois un discours à l’ONU.
Ponts avec la diaspora congolaise
Sur les réseaux, son neveu Averty Ndzoyi l’appelle « la lampe sur le chemin ». Ce surnom a touché des milliers de jeunes de la diaspora, qui voient en Mapingou un exemple d’humilité couronné de brillance. Beaucoup repostent ses phrases favorites sur les vertus du service et de l’unité.
Car au-delà des salons officiels, l’ambassadeur a participé à la création de la cellule de mobilisation de la diaspora, devenue plus tard le Département des Congolais de l’étranger. Cette plateforme, voulue par le chef de l’État, incite ingénieurs, artistes et start-upers expatriés à investir au pays.
On retrouve sa trace dans le Brazzaville Business Forum, le Talent Campus d’Oyo ou les salons Made in Congo. Discret, il négociait billets ou partenariats, préférant laisser briller la jeunesse.
Gestes discrets, héritage durable
Pour l’étudiant Guy-Marvin, « l’oncle Paul » a payé en silence sa première année d’ingénieur. D’autres racontent micro-bourses, recommandations, ou simples conseils sur Messenger, autant de gestes tissant un héritage invisible.
Si la maladie l’a progressivement éloigné des plateaux diplomatiques, Mapingou continuait d’appeler depuis sa chambre parisienne. Il tenait à féliciter la plus petite signature d’accord ou la naissance d’une association estudiantine. Pour lui, chaque réussite d’un compatriote éclairait un peu plus la bannière tricolore du Congo.
L’hommage viral des réseaux sociaux
Le hashtag #MerciMapingou est rapidement devenu tendance. En quelques heures, anecdotes, photos et mèmes sur ses costumes trois-pièces ont envahi TikTok et Instagram, symbole d’un diplomate mêlant tradition et modernité.
Le gouvernement, par la voix du ministre des Affaires étrangères Jean-Claude Gakosso, a salué « un serviteur loyal, digne représentant des valeurs d’ouverture prônées par le président Denis Sassou Nguesso ». Un livre de condoléances numérique a été mis en ligne sur le portail officiel pour recueillir messages et souvenirs.
Veillées culturelles et tribunes étudiantes
À Paris, la communauté congolaise prévoit une veillée culturelle, mêlant slam, rumba et lecture de poèmes. L’idée est de transformer la tristesse en célébration, comme l’aurait souhaité Mapingou. Le rappeur Yekima de Bel-Art a déjà promis un freestyle hommage, diffusé simultanément sur TikTok et Trace.
Dans les couloirs de l’Université Marien-Ngouabi, les étudiants de philosophie préparent une table ronde sur son concept favori : la co-reconnaissance. Ils veulent comprendre comment ce principe peut nourrir la citoyenneté active, du campus au quartier, et prolonger ainsi l’œuvre du diplomate disparu.
Un appel à l’élégance du service
Au final, la trajectoire de Paul Alexandre Mapingou rappelle qu’une nation se construit aussi dans les conversations feutrées, les bras tendus et les sourires sincères. Son absence ouvre un vide, mais surtout une invitation adressée à chaque jeune Congolais : porter haut l’élégance de servir.