Décès d’un bâtisseur engagé
Paul Tsouarès De M’Poungui s’est éteint le 30 juillet 2025, à l’Hôpital Cochin de Paris, après une longue maladie. Architecte, entrepreneur et ancien conseiller à l’habitat du président Pascal Lissouba, il laisse derrière lui un parcours singulier mêlant rigueur professionnelle et passion citoyenne.
Sa dépouille rejoindra Pointe-Noire le 29 août avant un dernier voyage vers Moukosso, district de Yamba, où l’inhumation est programmée le 30 août. La famille souhaite un adieu ancré dans les rites kongo, ponctué de prières chrétiennes et de célébrations coutumières.
Un parcours d’étudiant boursier à architecte reconnu
Né en 1952 près de Mouyondzi, Paul obtient une bourse d’État au début des années 1970 pour étudier l’architecture en France. À Paris, il découvre Le Corbusier, fréquente les façades modernistes et forge sa conviction qu’un habitat digne est un droit fondamental.
Après son diplôme, il fonde une agence qui signe plusieurs immeubles sociaux en Île-de-France. Ses collègues décrivent un homme capable d’esquisser, sans règle, un plan complet sous le regard médusé de jeunes stagiaires congolais impressionnés par cette précision intuitive.
Engagement associatif et patriotique durable
Au sein de l’Association des étudiants congolais puis de la FEANF, il anime des débats sur l’autonomie économique africaine. « Nous voulions bâtir plutôt que protester », confiait-il en 2018, estimant que l’ingénierie et la culture pouvaient conjointement accélérer l’essor continental.
Dès les années 1980, il finance l’électrification de trois hameaux de Bouenza et parraine des bacheliers pour des filières scientifiques. Plusieurs bénéficiaires, aujourd’hui ingénieurs à Dolisie, soulignent que ses conseils alliaient discipline, humour et une confiance inébranlable dans le potentiel congolais.
Relations avec Pascal Lissouba et choix de carrière
En 1992, l’architecte est appelé à la présidence par Pascal Lissouba comme conseiller à l’habitat. Il planche sur un projet de lotissements à coûts maîtrisés destiné aux fonctionnaires. Faute de consensus budgétaire, l’initiative n’aboutit pas mais reste citée dans les écoles d’urbanisme.
Lissouba envisage même d’en faire un ministre, raconte-t-on au Palais du peuple. Paul décline, préférant préserver son indépendance et retourner gérer sa société en banlieue parisienne. « Je construis des maisons, pas des carrières politiques », aurait-il lancé avec son ironie coutumière.
Une diaspora mobilisée autour des adieux
La veillée parisienne du 9 août à Épinay-sur-Seine rassemble architectes, militants et nostalgiques de la FEANF. Entre deux mots de prière, on écoute Les Bantous de la capitale, groupe qu’il affectionnait. Des étudiants notent que l’homme demeurait disponible au téléphone pour relire leurs mémoires.
Sur les réseaux sociaux, le hashtag #MpounguiLegacy monte en tendance au Congo. Photos de chantiers, anecdotes humoristiques, extraits de conférences circulent. Plusieurs influenceurs saluent un aîné capable de parler BIM ou énergies renouvelables sans condescendance, preuve qu’intergénérationnel et numérique peuvent dialoguer.
Programme des obsèques et logistique
Le comité familial, dirigé par Marcel Bissila, détaille l’itinéraire: réception à l’aéroport Agostino Neto, recueillement à la morgue municipale, traversée nocturne vers Moukosso. À Tié-Tié, maison Louviza, des chants religieux alterneront avec des contes sur la sagesse des bâtisseurs kongo.
Les numéros officiels 05 520 84 78 et 06 920 84 78 restent ouverts pour les contributions matérielles. Les organisateurs insistent sur le covoiturage afin de limiter les coûts et l’empreinte carbone, rappelant l’engagement écologique du défunt, membre de l’Association Espace Vision dédiée à l’urbanisme durable.
Ce que retient la jeune génération
À Brazzaville, des étudiants de l’Institut national du bâtiment ont improvisé une table ronde. Certains retiennent son credo: « Un quartier n’est viable que si l’eau, l’école et le marché sont à dix minutes ». D’autres évoquent sa patience à décoder les normes françaises pour inspirer les standards locaux.
Pour nombre de jeunes diplômés, son parcours montre qu’il est possible d’étudier à l’étranger puis de contribuer, même à distance, au développement national. Le ministère de la Jeunesse cite déjà son exemple dans une campagne soulignant que le retour, symbolique ou physique, commence par le transfert de compétences.
À Yamba, le chef du district rappelle que la future route départementale, prévue dans le Plan national de développement, portera le nom de l’architecte. Le geste vise à ancrer durablement son héritage local et à rappeler l’importance des talents de la diaspora dans l’aménagement territorial.
Le cercueil de Paul Tsouarès De M’Poungui descendra dans la terre rouge de Moukosso, mais son œuvre, elle, demeure. Du campus de Massengo aux plateformes numériques, les hommages illustrent une idée simple: bâtir est un acte d’espérance collective, transmis de génération en génération.
Une vision pour les villes moyennes
S’il n’a pas pu achever tous ses projets, ses dossiers sur la réhabilitation de Nkayi circulent encore au ministère de la Construction. Il y proposait d’associer briques locales, panneaux solaires et coopératives de jeunesse pour faire de la cité sucrière un laboratoire d’économie circulaire.
Pour Auguste Ibata, urbaniste à l’université Marien-Ngouabi, « son approche anticipait l’Agenda 2063 de l’Union africaine ». Selon l’expert, les futures municipalités gagneraient à s’inspirer de ces plans prêts à l’emploi plutôt que de racheter des modèles importés parfois inadaptés à la réalité climatique.
L’appel final
Les cloches de Mouyondzi sonneront, et, dans leurs échos, beaucoup entendront l’appel à poursuivre les rêves inachevés.