Mossendjo affiche des caniveaux exemplaires
À 743 kilomètres de Brazzaville, Mossendjo surprend les nouveaux visiteurs. Les caniveaux qui bordent l’avenue Colonel Badinga et les ruelles adjacentes sont dégagés, sans sacs plastiques ni canettes abandonnées. L’eau de pluie circule librement, même après les averses diluviennes qui rythment la saison.
Cette vision tranche avec les images qui circulent souvent sur les réseaux sociaux, montrant des caniveaux obstrués dans d’autres communes. Ici, l’ouvrage d’art a gardé sa vocation première : drainer les eaux de ruissellement pour protéger la chaussée et limiter l’érosion du sol.
Un esprit civique solidement ancré
Les habitants revendiquent une conscience écologique forgée par l’expérience. « Nous avons vu les dégâts provoqués par les inondations il y a dix ans », rappelle Nadège, commerçante au marché central. Depuis, jeter un sachet dans la rigole est devenu socialement inacceptable.
La sensibilisation se poursuit lors des cultes dominicaux, dans les écoles et à travers des causeries citoyennes diffusées sur Radio Niari. Le message est simple : chaque déchet abandonné peut boucher le système d’évacuation et faire remonter l’eau jusque dans les maisons.
Coordination mairie–population gagnante
Cette discipline collective s’appuie aussi sur un dispositif municipal. La mairie organise mensuellement des journées salubrité. Les brigades vertes, dotées de gilets fluorescents, patrouillent et rappellent les règles. Les contrevenants risquent une amende symbolique de 2 000 francs CFA, immédiatement réinvestie dans l’entretien des caniveaux locaux proprement.
Le maire, Jean-Marie Kifounga, insiste sur le partenariat. « Nous donnons les outils, les citoyens donnent le geste ». Cette approche co-construction réduit les coûts de collecte et renforce la confiance entre administration et riverains, souvent mise à rude épreuve ailleurs dans la sous-région.
Impact direct sur la santé et l’environnement
En gardant les caniveaux libres, la ville limite la stagnation d’eau, terrain idéal pour les moustiques Anopheles responsables du paludisme. Le docteur Mavoungou note une baisse de 18 % des cas enregistrés au centre de santé urbain depuis le lancement des campagnes de nettoyage il y a.
Environnementalistes et enseignants relèvent aussi l’effet positif sur la biodiversité. Les cours d’eau proches, comme la rivière Louessi, reçoivent moins de débris plastiques et conservent ainsi leurs poissons, ressource alimentaire et économique importante pour les villages riverains du district de Mossendjo et Londéla-Kayes proches.
Brazzaville peut s’inspirer de Mossendjo
Dans la capitale Brazzaville, les autorités communales multiplient déjà les annonces pour reverser cette tendance. L’exemple mossendjois sert d’argument. Des délégations techniques se sont rendues sur place en juin pour observer la méthode et envisager son adaptation aux quartiers Talangaï, Makélékélé et Poto-Poto urbains.
À la différence de Mossendjo, la densité de population et la production quotidienne de déchets à Brazzaville exigent un dispositif logistique lourd. Toutefois, la sensibilisation de proximité, couplée à une fermeté douce, pourrait commencer dans les rues pilotes choisies par la municipalité.
Avantages économiques mesurables
Un caniveau fonctionnel prolonge la durée de vie de la chaussée. Selon l’ingénieur routier Raphaël Ondongo, chaque franc investi dans l’assainissement économise jusqu’à trois francs de réfection. Pour Mossendjo, cela a signifié plus de 15 km de voirie préservée depuis 2019 selon les données municipales actualisées récemment.
Les commerçants profitent également d’un cadre plus attractif. Les taxis-bush ne rechignent plus à desservir le centre-ville en saison des pluies, stimulant ainsi les ventes. Le Fonds local de développement recense une hausse de 12 % des recettes de marchés sur l’année écoulée malgré la crise.
Témoignages et regards d’experts
« Le déclic est avant tout culturel », analyse la sociologue Clarisse Tchicaya, rencontrée lors d’un forum de la jeunesse. Elle estime que la diffusion de vidéos TikTok montrant des caniveaux propres a renforcé la fierté locale et la volonté d’appartenance communautaire chez les adolescents connectés.
L’ingénieur environnemental Patrick Samba, consultant pour l’Agence congolaise de l’assainissement, rappelle cependant que la réussite passe aussi par une gestion efficace des décharges. « Un caniveau vide ne suffit pas si l’ordure recueillie n’est pas triée et traitée suivant les normes », souligne-t-il dans les villes en croissance.
Vers un modèle national d’assainissement durable
Le ministère de l’Environnement élabore actuellement une feuille de route nationale d’assainissement urbain, incluant la valorisation des biodéchets en compost et la collecte sélective du plastique. Mossendjo a été cité comme site pilote afin de tester des micro-unités de broyage financées par des partenariats publics-privés innovants.
Les observateurs voient dans cette stratégie l’opportunité d’unir toutes les communes autour d’un même slogan : « Le caniveau n’est pas une poubelle ». Les campagnes pourraient s’appuyer sur la Coupe d’Afrique de football 2025 pour sensibiliser, profitant du pic d’audience télé et mobile chez les supporters nationaux.
Les réseaux sociaux comme amplificateurs
D’ici là, les pages Facebook de la mairie de Mossendjo et des associations Jeunesse Verte continuent de diffuser des tutoriels de nettoyage minute. Souvent likés, ces contenus rappellent qu’un geste simple protège la ville, la santé et l’économie, et renforce la fierté collective de tous.