Un geste d’entraide sportive à Mossendjo
Dans la touffeur début d’après-midi à Oubouesse, un pick-up s’est immobilisé devant la petite place du marché, rempli de maillots rouge et vert, de crampons neufs et de ballons chatoyants. Au volant, le professeur Jean de Dieu Bolzer Nzila, visage radieux, saluait chaque enfant.
L’enseignant-chercheur, connu sur les bancs de l’Université Marien-Ngouabi pour ses articles sur la biochimie, tient aussi une réputation d’engagement social. Cette livraison de matériel, valorisée à près d’un million de francs CFA selon ses proches, s’ajoute à plusieurs initiatives menées depuis 2019.
Football, levier d’inclusion pour la jeunesse
À Mossendjo comme ailleurs, le football n’est pas seulement un loisir. C’est un espace de rencontres où se tissent réseaux, projets et confiance en soi. « Quand je joue, j’oublie la pression de l’examen », sourit Léa, 22 ans, milieu défensive du club local.
Les sociologues du sport soulignent que l’accès à un équipement adapté réduit les risques d’abandon scolaire et renforce la santé (Université Marien-Ngouabi, 2022). Le don de Oubouesse s’inscrit donc dans une stratégie plus large d’orientation des jeunes vers des pratiques saines et collaboratives.
Hommage à l’histoire du village Oubouesse
La cérémonie, organisée près du chantier de la pierre tombale du chef des terres Piolé, liait passé et présent. Née en 1907, cette autorité traditionnelle avait façonné la cohésion des clans environnants. Son petit-fils, le professeur Nzila, veut prolonger cette philosophie d’union.
« Le souvenir de mon père anime chaque pas, explique-t-il d’une voix posée. J’ai appris de lui que le bien-être collectif commence par un ballon partagé. » Des anciens, assis sur des bancs en teck, acquiesçaient, témoignant du respect que conserve le lignage Nzila.
Une donation saluée par les bénéficiaires
Les cris de joie ont jailli dès la distribution. Les plus jeunes frappaient la pelouse sableuse, testant l’élasticité des nouveaux ballons. Selon l’adjoint au chef de village, plus de 120 équipements ont été remis, couvrant deux équipes féminines et trois masculines des catégories junior.
Pour Patrice Koula, 25 ans, capitaine de l’équipe Espoir d’Oubouesse, l’appui est stratégique : « Nous jouerons désormais sans emprunter des maillots aux voisins. Cela renforce notre identité et notre capacité à attirer des recruteurs régionaux. » Son discours a suscité des applaudissements nourris.
Le service départemental de la Jeunesse et des Sports, représenté par un inspecteur, a salué un « partenariat exemplaire entre la recherche universitaire et la base populaire ». Il a assuré que les équipements seraient intégrés au calendrier officiel des tournois inter-villages prévu après la saison des pluies.
L’économie locale pourrait aussi profiter. Les artisans qui entretiennent les terrains espèrent davantage de matchs, donc plus de ventes de snacks et de boissons. Un commerçant de la route Nationale 1 anticipe une hausse de 15 % de son chiffre d’affaires durant les week-ends bénis du football.
Perspectives pour le district de Moutamba
Au-delà d’Oubouesse, le district de Moutamba compte 27 villages et une population majoritairement âgée de moins de 30 ans. Les autorités essaient de canaliser cette démographie dynamique vers des activités productives. Le sport figure parmi les axes privilégiés du récent Plan local de développement.
Interrogé, le directeur départemental des Sports évoque la construction progressive de mini-stades synthétiques et la mise en réseau d’entraîneurs bénévoles. Le don du professeur Nzila arrive comme un catalyseur susceptible d’inspirer d’autres cadres, entreprises et anciens élèves à contribuer matériellement.
Une étude menée par l’ONG Play4Africa en 2021 montre que chaque franc investi dans le sport communautaire génère jusqu’à trois francs de retombées sociales, notamment en réduction des actes d’incivilité. Les décideurs y voient un argument pour mobiliser davantage de budgets.
De son côté, le donateur refuse toute personnalisation excessive. « Mon geste n’a valeur que s’il incite les jeunes à se dépasser et à rester solidaires », affirme-t-il, rappelant que plusieurs anciens bénéficiaires de ses actions poursuivent désormais des études à Pointe-Noire et Brazzaville.
Les jeunes promettent, en retour, un suivi rigoureux. Un comité d’entretien, composé de huit volontaires, enregistrera l’état des maillots et ballons après chaque séance. Les premiers comptes rendus seront transmis par WhatsApp au donateur et à la sous-préfecture, gage de transparence.
Si les ambitions se concrétisent, Oubouesse pourrait accueillir, d’ici deux ans, le tournoi intercommunal initié par la Ligue du Niari. Le village gagnerait ainsi en visibilité, tandis que ses joueurs gagneraient en expérience face à des adversaires venus de Kibangou ou Louvakou.
En fin d’après-midi, lorsque le soleil s’est incliné derrière les manguiers, les nouveaux équipements avaient déjà servi pour un premier match improvisé. Les sourires, capturés par les smartphones, ont envahi les réseaux sociaux locaux, rappelant que parfois un simple coup de pied ouvre l’avenir.