Un patrimoine agricole en quête de renaissance
Au cœur du département de la Bouenza, la communauté urbaine de Mouyondzi jouit de sols profonds et d’un climat équatorial qui autorisent des récoltes abondantes de manioc, de maïs ou encore de fruits tropicaux. Pourtant, la contribution du secteur primaire au produit local stagne depuis plusieurs années, freinée par la dispersion des exploitations, la faible mécanisation et la volatilité des marchés. « Nos parents ont toujours cultivé, mais les revenus ne suivent plus la croissance démographique », reconnaît Aimé Ntoumba, technicien agricole installé dans la zone de Mpaka. Face à cette réalité, la municipalité veut réorienter ses priorités financières, convaincue que la terre reste la première richesse tangible pour consolider la sécurité alimentaire et créer des emplois non délocalisables pour la jeunesse.
L’approche Kabala : coopératives et chaînes de valeur
Portée par la maire Anne Marie Claudine Kabala, la nouvelle feuille de route municipale promeut la mise en réseau des producteurs au sein de groupements formels. Ce choix répond à un double impératif : mutualiser les coûts des intrants et attirer plus aisément les financements publics ou privés. « Un dossier porté par une coopérative inspire davantage confiance qu’une demande isolée », soutient l’édile, qui dit s’inspirer des réussites enregistrées dans la cuvette de la Sangha sur les filières cacao et hévéa. Concrètement, la mairie travaille avec les services de l’agriculture pour délivrer des formations en gestion, introduire des variétés résilientes face aux stress hydriques et faciliter la construction d’unités de transformation de manioc en gari ou de fruits en jus pasteurisés.
Cette stratégie vise aussi à allonger la chaîne de valeur sur place : transformer davantage avant exportation, renforcer l’attractivité des produits labellisés « Made in Mouyondzi », réduire les pertes post-récolte et améliorer le pouvoir d’achat des agriculteurs. Selon une note interne consultée par notre rédaction, un fonds rotatif devrait être opérationnel dès le prochain exercice budgétaire pour accorder des micro-crédits à taux bonifiés aux jeunes porteurs de projets agro-pastoraux.
Eau potable : la bataille silencieuse de la saison sèche
Si la pluie nourrit les cultures, son absence entre juin et septembre met la ville à rude épreuve. Les bornes-fontaines s’assèchent, obligeant certains foyers à parcourir plusieurs kilomètres. Pour inverser cette tendance, la municipalité s’appuie sur un partenariat tripartite associant une ONG néerlandaise, la Société nationale de distribution d’eau et les conseils de quartiers. Le programme prévoit la réhabilitation des forages existants, l’installation de pompes à énergie solaire et la création d’un comité citoyen chargé du suivi des ouvrages. L’ambition est claire : atteindre un taux de couverture de 80 % des ménages d’ici à 2027, contre environ 45 % aujourd’hui, un indicateur confirmé par la Direction départementale de l’hydraulique.
Au-delà de la dimension sanitaire, l’accès régulier à l’eau ouvre des perspectives agricoles nouvelles, notamment la micro-irrigation de parcelles maraîchères ou l’élevage de petits poissons en bassins. « Assurer le service de l’eau, c’est sécuriser plusieurs maillons de notre économie locale », résume la maire, qui insiste sur l’importance d’une tarification sociale pour ne pas exclure les populations vulnérables.
Jeunesse et innovation : un terreau d’opportunités
Dans une ville où plus de la moitié des habitants ont moins de 30 ans, la question de l’emploi structurel reste sensible. Les pouvoirs publics misent sur l’agro-business pour capter l’énergie créatrice des diplômés en quête de débouchés. Des hackathons thématiques, soutenus par le ministère de la jeunesse et de l’éducation civique, devraient être lancés dès la prochaine rentrée universitaire pour identifier des solutions numériques en traçabilité des récoltes, mise en relation avec les marchés urbains ou finance inclusive. L’idée, selon le conseiller municipal chargé de l’économie numérique, est de « faire de la donnée un engrais aussi précieux que le compost ».
Parallèlement, un dispositif d’incubation sera piloté dans l’enceinte du lycée technique de Mouyondzi, avec l’appui de l’Agence nationale de développement de l’entrepreneuriat congolais. Stations météo connectées, capteurs d’humidité low-cost et plateformes de vente en ligne figurent parmi les projets déjà présélectionnés pour le premier cycle d’accompagnement.
Perspectives régionales et ancrage national
Le programme municipal s’inscrit dans la Stratégie nationale de développement durable 2022-2026, qui prévoit une hausse de 35 % de la production vivrière et la réduction de moitié des pertes post-récolte. En alignant ses priorités sur ce cadre, Mouyondzi espère accéder plus rapidement aux guichets du Fonds bleu pour le Bassin du Congo ainsi qu’aux lignes de crédit vert proposées par la Banque de développement des États de l’Afrique centrale. Les observateurs du secteur notent que cette cohérence institutionnelle facilite également la mobilisation des diasporas, prêtes à investir dans des projets transparents et encadrés.
À l’échelle locale, la mairie prépare un mécanisme participatif d’évaluation afin que chaque quartier puisse suivre l’avancement des chantiers, réduire les risques de dérive financière et pérenniser les infrastructures. « La confiance du citoyen est notre première subvention », insiste Anne Marie Claudine Kabala, déterminée à prouver que la gouvernance de proximité peut accélérer la transition vers un développement inclusif et résilient.
