Nomination stratégique chez MTN
Le groupe panafricain MTN vient de propulser Karl Toriola, actuel directeur général de MTN Nigeria, au poste de vice-président pour l’Afrique francophone, une zone qui englobe le Congo-Brazzaville. Derrière cette annonce, un message : accélérer la croissance numérique là où la demande explose.
MTN affirme viser « une présence encore plus proche des réalités locales » pour ses filiales francophones. Les prochaines décisions de Toriola seront donc scrutées par les régulateurs, les investisseurs et, surtout, par les millions de jeunes connectés qui composent le cœur du marché congolais.
Un pari pour l’Afrique centrale et de l’Ouest
En plaçant un dirigeant aguerri de l’espace anglophone à la tête des opérations francophones, MTN opère un croisement culturel inhabituel. Selon le cabinet Deloitte Afrique, cette transversalité favorise l’échange de meilleures pratiques et pourrait augmenter de 15 % la rentabilité moyenne des filiales d’ici trois ans.
Le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Congo représentent déjà plus de 25 % des abonnés du groupe, d’après le rapport annuel 2023 de MTN. Des marges restent toutefois à libérer, notamment dans la monétisation des services fintech et des contenus audiovisuels locaux.
Portrait express de Karl Toriola
Ingénieur de formation, diplômé de l’Imperial College London, Karl Toriola a débuté chez Ericsson avant de rejoindre MTN en 2006. Il a gravi les échelons en pilotant tour à tour les filiales ghanéenne, camerounaise puis nigériane, aujourd’hui première contributrice au chiffre d’affaires du groupe.
Ses collègues saluent un management « axé sur la donnée » et une capacité à négocier avec des régulateurs exigeants. Sous sa direction, MTN Nigeria a déployé le réseau 5G dans huit grandes villes et lancé MoMo PSB, la banque de paiement mobile qui compte déjà onze millions de portefeuilles.
Enjeux pour le marché congolais
Au Congo-Brazzaville, MTN se partage le gâteau mobile avec Airtel. L’arrivée de Toriola coïncide avec les objectifs gouvernementaux inscrits dans le Plan national de développement numérique 2025, notamment l’extension de la couverture 4G à 95 % de la population et la promotion des services financiers digitaux.
Selon l’Agence de régulation des postes et communications électroniques, le taux de pénétration mobile atteint 119 %, mais l’accès haut débit reste inégal entre Brazzaville, Pointe-Noire et les zones rurales. Les analystes estiment que chaque point de couverture supplémentaire pourrait injecter 0,2 point de PIB supplémentaire.
MTN Congo compte déjà plus de deux millions d’abonnés mobile money. La nouvelle gouvernance pourrait accélérer l’interopérabilité avec les banques locales et les opérateurs rivaux, un enjeu clé pour réduire l’usage du cash et soutenir les ambitions d’inclusion financière prônées par la Banque centrale.
Ce que les jeunes attendent
Pour Pauline, 24 ans, développeuse d’applications à Talangai, « la 5G reste un rêve si les forfaits demeurent hors budget ». Elle espère que l’arrivée d’un dirigeant tourné vers l’analyse des données aboutira à des offres ciblées étudiant et à des tarifs nocturnes plus attractifs.
Dans les campus de l’Université Marien-Ngouabi, la demande concerne surtout la stabilité du réseau lors des cours en ligne. Des sondages internes révèlent que 62 % des étudiants jugent la qualité actuelle « acceptable mais perfectible », pointant la congestion aux heures de pointe.
Les créateurs de contenus sur TikTok et YouTube surveillent, eux, le coût de la data. « Nous sommes prêts à multiplier les collaborations brandées si les vidéos uploadent plus vite », confie Prince Nzeou, influenceur de 50 000 abonnés, soulignant l’impact direct sur la monétisation locale.
Perspectives pour l’industrie télécom
Le marché africain des télécoms devrait passer de 105 milliards de dollars en 2023 à 160 milliards en 2028, selon GSMA Intelligence. La croissance proviendra de la 4G rurale, de la 5G urbaine, mais aussi des services à valeur ajoutée comme le streaming et la micro-assurance mobile.
Pour rester compétitif, MTN mise sur l’IA générative afin d’anticiper la demande et de personnaliser l’expérience client. Le groupe teste déjà un assistant vocal multilingue capable de converser en lingala et en français congolais, projet dont le déploiement commercial est attendu courant 2025.
Les autorités congolaises rappellent toutefois que toute innovation doit s’accompagner d’investissements dans la cybersécurité. Le ministre des Postes, Léon Juste Ibombo, indiquait récemment que « la confiance numérique est un préalable au développement durable » et plaidait pour des audits réguliers des opérateurs.
Cap sur l’avenir numérique régional
En cumulant ses succès à Lagos et son nouveau mandat francophone, Karl Toriola devient l’un des rares dirigeants à pouvoir comparer, presque en temps réel, deux écosystèmes aux cultures régulatrices différentes. Son retour d’expérience pourrait influencer les politiques publiques régionales autour du roaming et de la fiscalité.
Pour les jeunes Congolais, l’essentiel reste palpable : un réseau plus rapide, des transactions mobiles fluides et un accès élargi aux opportunités numériques. Si le nouveau vice-président réussit son pari, il contribuera à rapprocher la sous-région de l’ambition continentale : une Afrique connectée et inclusive.
