Jeu éducatif science Congo
Dans une salle animée du centre culturel Makélékélé, des dizaines d’enfants manipulent pipettes, colorants naturels et lunettes de protection. Au cœur de cette effervescence se trouve Mwana Science, concept ludique imaginé par la start-up congolaise tsaka, qui entame sa deuxième édition estivale.
Pensé pour démystifier la science et susciter des vocations, le jeu propose une immersion directe dans les gestes du laboratoire. Les organisateurs veulent convaincre les plus jeunes que les équations, molécules et circuits ne sont pas réservés à une élite mais accessibles par l’expérience partagée.
Start-up tsaka: innovation made in Brazza
Kombo Ronick, ingénieur formé à l’Université Marien-Ngouabi, dirige l’équipe tsaka. Il affirme que l’approche par le jeu nourrit la créativité tout en ancrant les connaissances. « Nous voulons prouver que l’on peut apprendre sérieusement sans se prendre au sérieux », explique-t-il, sourire entendu.
La jeune pousse, incubée dans l’écosystème local Congo-Tech, a déjà commercialisé des jeux de société centrés sur les mathématiques ou la gestion de projet. Mwana Science reste pourtant son produit phare, conçu en collaboration avec des pédagogues, biologistes, physiciens et designers congolais.
De la théorie à la pratique ludique
Chaque séance associe un rappel des notions vues en classe et un protocole simplifié. Les enfants formulent une hypothèse, manipulent, observent la réaction et interprètent le résultat. Cette démarche scientifique miniature renforce la confiance, l’esprit critique et l’autonomie, trois compétences recherchées sur le marché futur.
Le psychologue scolaire Félix Ngoma souligne que « le jeu place l’enfant en position d’acteur, non de simple auditeur ». Selon lui, la répétition d’expériences sensoriellement marquantes ancre plus durablement la connaissance qu’un cours magistral. Ses observations rejoignent celles de l’UNESCO sur l’apprentissage actif.
Vacances apprenantes à Brazzaville 2024
Pour la saison 2024, le programme s’étale de juillet à septembre, période où les parents recherchent des activités extra-scolaires constructives. Les ateliers se tiendront dans plusieurs arrondissements, du Plateau des 15 au quartier Mfilou, afin de toucher des publics aux réalités diverses.
Chaque samedi après-midi baptisé « samedi science » accueille une trentaine d’inscrits. Les frais, volontairement modérés, couvrent le matériel recyclable et la collation. Des places gratuites sont réservées aux écoles publiques partenaires, un geste salué par plusieurs directeurs d’établissements qui plaident pour la pérennisation.
Renew: sensibiliser à l’urgence océanique
La nouveauté de l’année se nomme Renew, jeu collaboratif créé avec l’ONG Renature Congo. Les participants doivent reconstituer un écosystème marin en danger, espèce après espèce, tout en gérant des ressources limitées. L’objectif pédagogique est de relier sciences naturelles, citoyenneté environnementale et esprit d’équipe.
Cette approche rencontre un écho particulier depuis la forte médiatisation de la pollution plastique sur le fleuve Congo. « En liant manipulation scientifique et protection des océans, nous montrons que le laboratoire n’est pas coupé du quotidien », insiste Vanessa Louamba, biologiste au laboratoire national d’océanographie.
Paroles de parents et jeunesse motivée
Dans le hall, Serge, jeune père, observe son fils fabriquer un volcan miniature. « L’école donne la théorie, ici il vit la chimie », confie-t-il. Plusieurs parents interrogés saluent la sécurité du dispositif et la patience des animateurs, souvent étudiants en master scientifique.
Côté participants, l’enthousiasme se lit dans les cahiers qu’ils emportent chez eux avec les résultats de leurs tests. Marlène, 12 ans, raconte qu’elle « rêve désormais de devenir ingénieure environnementaliste pour dépolluer les rivières ». L’effet d’auto-projection constitue, selon les chercheurs, un puissant moteur.
Vers une filière scientifique inclusive
Le ministère de l’Enseignement primaire, secondaire et de l’Alphabétisation voit d’un bon œil l’initiative, considérant qu’elle complète la réforme des programmes STEM engagée depuis 2022. Un protocole d’entente est à l’étude pour intégrer Mwana Science dans les clubs scientifiques de 40 établissements pilotes.
Les observateurs notent aussi une opportunité économique. La production des kits, jusqu’ici sous-traitée en Asie, pourrait être relocalisée à Pointe-Noire afin de créer des emplois qualifiés. Tsaka dit examiner des partenariats industriels et salue « l’appui institutionnel propice à l’émergence d’une filière locale ».
Cap sur demain: impulser la passion durable
À l’issue de chaque session, les enfants reçoivent un carnet où noter de futures expériences à domicile. Le suivi ne s’arrête donc pas à la porte du centre. Tsaka mise sur cette continuité pour transformer l’étincelle de la découverte en passion durable.
Sur le long terme, la start-up ambitionne de développer une plateforme numérique complémentaire, avec vidéos des protocoles et défis mensuels. Les jeunes adultes qui ont connu la première édition pourraient devenir mentors, bouclant ainsi la boucle de la transmission intergénérationnelle autour des STEM.
Si l’édition 2024 tient ses promesses, Mwana Science pourrait s’exporter vers les pays voisins. En attendant, chaque samedi brazzavillois offre déjà un aperçu d’un avenir où nos futurs ingénieurs, médecins ou data scientists auront découvert l’équation fondamentale : apprendre peut rimer avec plaisir.
Pour les universitaires, cette méthode participative peut également nourrir la recherche en didactique des sciences. Les données anonymisées sur les questions posées par les enfants aideront à ajuster les curricula et à développer des supports encore plus inclusifs, alignés sur les standards internationaux.
