Une artère stratégique périurbaine sous pression
Long de moins de cinq kilomètres, le segment routier reliant le quartier Ngambio au PK Mfilou assure la continuité entre le centre-ville et l’ouest brazzavillois. À chaque saison des pluies, l’axe se transforme pourtant en couloir sablonneux, rythmant la circulation au gré des ornières. Selon les relevés du service municipal de la voirie, près de douze mille déplacements motorisés y sont recensés quotidiennement, un volume considérable pour une chaussée dont le profil hydrologique reste fragile depuis sa réfection de 2014.
Le phénomène n’est pas inédit, mais il s’intensifie : le ruissellement capture le sable des plateaux surplombant la route avant de le déposer sur la couche de roulement. Sur un profil en pente douce, la moindre averse suffit à déposer plusieurs centimètres de matériau meuble, entraînant l’embourbement même des véhicules dotés de transmissions intégrales.
Dynamiques hydrologiques et défis d’entretien
La morphologie du bassin versant renforce la vulnérabilité de la chaussée. La route fonctionne comme une ligne de moindre altitude où convergent les eaux des collines de Moutabala. En l’absence de fossés profonds et d’un réseau fermé d’évacuation, la charge solide des eaux pluviales gagne inexorablement la surface goudronnée. Les techniciens de l’Agence des grands travaux soulignent que la mise en place d’exutoires calibrés et de dalots complémentaires limiterait de 60 % la sédimentation observée.
La fréquence d’intervention apparaît tout aussi déterminante. L’expérience montre qu’un curage mensuel suffit à maintenir la voie praticable ; or, faute de programmation budgétaire spécifique, ce curage reste ponctuel. La mairie du 7ᵉ arrondissement précise toutefois qu’un marché d’entretien pluriannuel est à l’étude, dans le cadre du Plan national de résilience aux changements climatiques.
Coût social pour une jeunesse mobile
Pour les 20-35 ans, tranche d’âge majoritaire parmi les usagers, la route ensablée allonge les temps de trajet et greffe des charges supplémentaires sur des budgets déjà contraints. Un étudiant en licence de droit témoigne devoir quitter Ngambio « quarante minutes plus tôt qu’en saison sèche » afin de rejoindre les amphithéâtres du centre-ville. Les conducteurs de taxi-bus, eux, évaluent une perte journalière moyenne de trois courses, soit près de 15 000 FCFA de recettes potentielles.
Au-delà de la dimension financière, l’incertitude pèse sur la ponctualité professionnelle. Un sondage réalisé par l’Observatoire des mobilités urbaines auprès de deux cents travailleurs révèle que 68 % déclarent « un stress constant lié au risque d’enlisement ». Pour les jeunes micro-entrepreneurs, la diminution de la fréquence des livraisons ralentit la rotation des stocks, impactant indirectement la vitalité commerciale des périphéries.
Résilience communautaire et initiatives spontanées
Face à l’urgence, des groupes de riverains se relaient pour dégager la chaussée. On aperçoit à l’aube de jeunes en gilets fluorescents, bêches à la main, repoussant le sable vers les bas-côtés. Jonathan Mbemba, porte-parole informel de cette brigade bénévole, explique que « le geste est solidaire, mais surtout pragmatique : le lundi matin, chacun veut pouvoir rejoindre son activité sans embûche ».
Cette mobilisation, si elle démontre la cohésion du tissu social, souligne dans le même temps la nécessité d’un accompagnement logistique. Les habitants ont sollicité un appui en carburant pour louer un compacteur manuel capable de stabiliser provisoirement le revêtement. Bien qu’encouragé, cet effort ne saurait se substituer à une solution d’ensemble, rappellent les ingénieurs routiers.
Réponses institutionnelles et cap sur la durabilité
Le ministère de l’Équipement, des Infrastructures et de l’Entretien routier réaffirme sa volonté d’« assurer la praticabilité permanente » des axes à forte densité urbaine. Une mission technique d’actualisation des plans est annoncée pour le premier semestre, incluant la modélisation numérique du drainage. Dans le même élan, la Direction générale de l’Environnement pousse à l’intégration de bassins d’orage végétalisés, solution qui conjugue limitation de la sédimentation et valorisation paysagère.
Ces démarches s’inscrivent dans la feuille de route gouvernementale visant une réduction de 25 % des coûts liés à la dégradation du réseau routier d’ici à 2030. Les bailleurs multilatéraux, notamment la Banque de développement des États d’Afrique centrale, se disent disposés à cofinancer des programmes axés sur la résilience climatique, ouvrant la voie à des partenariats public-privé innovants.
Le tronçon, laboratoire d’une citoyenneté routière
Au-delà de l’aspect strictement technique, le cas Ngambio-PK Mfilou met en lumière la relation organique qu’entretiennent les habitants avec leur territoire. L’axe sert de forum à une citoyenneté active, où l’acte de désensabler devient geste civique. Sociologues et urbanistes y voient un espace propice à l’émergence de pratiques collaboratives autour de la voirie, analogue aux journées communautaires d’assainissement déjà expérimentées dans plusieurs arrondissements.
Dans un contexte où la modernisation des infrastructures reste l’un des moteurs de la diversification économique nationale, l’implication des jeunes constitue un levier décisif. Qu’elle s’exprime par le dialogue avec les pouvoirs publics ou par l’adoption de comportements respectueux de l’environnement, cette participation renforce la cohérence des actions à long terme. En redonnant souffle à cette route, la collectivité tisse également les contours d’une mobilité plus inclusive et résiliente.