Brazzaville au cœur de la BAD: un rôle affirmé
Depuis l’auditorium lumineux du siège de la Banque africaine de développement, le drapeau tricolore congolais a flotté haut lundi. Ludovic Ngatsé, ministre de l’Économie du Congo-Brazzaville, y présidait l’investiture du Mauritanien Dr Sidi Ould Tah, neuvième président de l’institution panafricaine.
Au-delà du protocole, la cérémonie a mis en lumière l’influence croissante de Brazzaville au sein de la BAD. Délégations, caméras et analystes saluaient l’aisance oratoire du ministre, chargé de transmettre les félicitations du président Denis Sassou Nguesso et d’ouvrir une nouvelle page de coopération continentale.
Un événement diplomatique majeur à Abidjan
L’investiture s’est tenue à Abidjan, capitale économique ivoirienne, devant un parterre de chefs d’État, dont Alassane Ouattara et Mohamed Ould Ghazouani. La présence simultanée de dirigeants d’Afrique de l’Ouest et du Centre a illustré la volonté régionale d’accélérer les financements de développement.
Après un hommage appuyé au président sortant Akinwumi Adésina, Ludovic Ngatsé a rappelé le rôle décisif joué par la BAD pendant la pandémie et les conflits récents. «Une institution forte demeure notre meilleur bouclier face aux chocs extérieurs», a-t-il commenté, soulignant la portée historique de la transition.
Le parcours de Ludovic Ngatsé, voix du Congo
Nommé président du Conseil des gouverneurs en mai, le ministre congolais s’impose progressivement comme l’un des artisans du dialogue macro-économique continental. Ancien cadre de banque, il conjugue expérience financière, sens diplomatique et proximité avec les jeunes entrepreneurs grâce à des rencontres régulières à Brazzaville.
Pour l’économiste Marien Makosso, le choix d’un Congolais à la tribune d’Abidjan « traduit la confiance placée dans la stabilité et la rigueur budgétaire observée ces dernières années ». Ses déclarations reflètent l’opinion de plusieurs analystes soulignant la discipline fiscale poursuivie par le gouvernement.
Les Quatre points cardinaux, programme d’avenir
Sous le slogan Les quatre points cardinaux, Dr Sidi Ould Tah veut amplifier l’intégration régionale, accélérer l’accès à l’énergie, renforcer la sécurité alimentaire et soutenir l’innovation numérique. Ce plan quadripolaire entend répondre simultanément aux urgences conjoncturelles et aux exigences d’une croissance durable.
Ludovic Ngatsé a salué «un cadre stratégique parfaitement aligné sur l’Agenda 2063 de l’Union africaine». Pour lui, la BAD doit devenir un catalyseur d’emplois verts en combinant financements concessionnels, garanties et fonds climatiques, afin d’ouvrir des perspectives concrètes aux millions de diplômés qui arrivent sur le marché.
Enjeux sécuritaires et climatiques pour la BAD
Le nouveau président hérite d’un continent confronté à des tensions sécuritaires persistantes au Sahel, mais aussi à des inondations et sécheresses plus fréquentes. Les experts rappellent que 15 % du portefeuille de la banque est aujourd’hui consacré au climat, un chiffre appelé à augmenter.
À Abidjan, Ludovic Ngatsé a insisté sur l’importance de financer des infrastructures résilientes. Il a cité l’exemple du port en eau profonde de Banana, en République démocratique du Congo, pour illustrer la nécessité d’œuvrer en synergie régionale afin de garantir la continuité logistique malgré les aléas climatiques.
Unité africaine et perspectives pour les jeunes
La BAD, grâce à son triple A sur les marchés, demeure un acteur clé pour mobiliser l’épargne mondiale en faveur des start-ups africaines. «Une Afrique rassemblée est invincible», a affirmé le ministre congolais, appelant les gouverneurs à parler d’une seule voix dans les négociations internationales.
À travers le continent, de nombreux jeunes développeurs s’intéressent désormais aux guichets de la BAD pour financer des applications agricoles ou de mobilité. Le programme Jobs for Youth in Africa, lancé en 2016, vise déjà à générer 25 millions d’emplois d’ici 2025, un objectif maintenu par la nouvelle équipe.
Regards d’experts congolais sur l’investiture
Pour Mireille Mika, chercheuse à l’Université Marien Ngouabi, l’événement «représente davantage qu’un passage de témoin; il confirme la place du Congo-Brazzaville comme trait d’union entre Afrique centrale et Maghreb». Elle estime que ce positionnement diplomatique pourra attirer de nouveaux projets énergétiques hybrides.
Le consultant financier Guy Loubamba signale de son côté que le Conseil des gouverneurs, conduit par Ngatsé, devra concilier prudence monétaire et ambition sociale. «L’arbitrage entre viabilité de la dette et croissance inclusive sera le test majeur des douze prochains mois», prévient-il, encourageant un dialogue constant avec la société civile.
De Abidjan à Brazzaville, attentes à court terme
Les premiers dossiers soumis au nouveau président concernent la digitalisation des paiements, la modernisation des réseaux routiers et le renforcement des capacités des banques nationales de développement. Les experts s’attendent à une revue rapide des projets afin qu’ils répondent aux indicateurs de résilience fixés par le Conseil.
Selon une source proche du ministère congolais de l’Économie, Brazzaville proposera prochainement un forum régional sur le financement des chaînes de valeur agricoles. L’idée est de fédérer investisseurs, start-ups et organisations paysannes autour de solutions de stockage et de transformation locales, afin de réduire les importations alimentaires.
Dans la capitale congolaise, étudiants en économie et jeunes professionnels suivent avec attention les nominations au sein de la BAD. Beaucoup y voient une opportunité de stages, de formations certifiantes et de futurs emplois. «Nous espérons que les guichets resteront ouverts à nos projets», confie l’étudiante Grace Kindou.