Une nomination stratégique pour le Congo
Le 13 août, au ministère des Affaires étrangères, Jean Claude Gakosso a officiellement accueilli Mariavittoria Ballotta, nouvelle représentante de l’Unicef au Congo. Derrière la poignée de main, une question traverse les couloirs : comment cette diplomate italienne peut-elle accélérer les engagements en faveur des enfants congolais ?
Pour la plupart des observateurs, cette nomination intervient à un moment charnière. Le pays s’est engagé dans un nouveau Plan national de développement 2022-2026 où l’investissement humain figure en bonne place. L’Unicef, partenaire historique, est appelée à traduire ces ambitions en résultats mesurables.
Mariavittoria Ballotta, forte de missions réussies à Dakar et Sao Tomé, arrive avec un credo : « Les politiques publiques prennent vie lorsque les données parlent, et que les jeunes se sentent impliqués. » Son expérience en suivi-évaluation sera donc scrutée de près par les équipes nationales.
Diplomatie et droits de l’enfant
Le tête-à-tête entre le chef de la diplomatie congolaise et la nouvelle représentante s’inscrit dans la continuité des relations positives qui lient Brazzaville et l’Unicef depuis 1977. Les parties expliquent vouloir conjuguer diplomatie et action sociale pour accélérer la réalisation de la Convention relative aux droits de l’enfant.
Devant la presse, Jean Claude Gakosso a salué « l’expertise mondialement reconnue » de l’agence onusienne. Il estime que « la diplomatie, c’est aussi protéger l’avenir, donc nos enfants ». Un message qui résonne chez une jeunesse de plus en plus attentive aux questions de gouvernance sociale.
De son côté, Mariavittoria Ballotta a rappelé que près d’un enfant sur trois au Congo vit encore sous le seuil de pauvreté monétaire selon l’enquête MICS 2019. « Nous devons concentrer nos ressources sur les plus vulnérables, sinon les inégalités risquent de s’enraciner », a-t-elle prévenu.
Le ministère compte s’appuyer sur l’Unicef pour affiner la diplomatie sanitaire, un concept mis en avant pendant la pandémie de Covid-19. La vaccination de routine stagne autour de 55 %, loin du seuil de 90 % requis pour l’immunité collective, rappelle la dernière revue du Programme élargi de vaccination.
Priorités clés : santé, éducation et données
Au-delà de la santé, l’éducation inclusive figure parmi les priorités communes. Le ministère de l’Enseignement primaire prévoit d’ouvrir 1 000 salles de classe d’ici 2025. L’Unicef entend apporter un appui technique pour l’architecture scolaire, la formation pédagogique et la digitalisation des contenus destinés aux enseignants ruraux.
Le numérique sera un fil rouge. Brazzaville développe actuellement un portail open data sur les indicateurs sociaux, projet piloté par le ministère du Plan. Le savoir-faire de Ballotta en matière de gestion de données devrait faciliter l’interopérabilité de ce portail avec la plate-forme mondiale Data for Children.
L’Unicef compte également soutenir la mise à jour du fichier social unique, indispensable pour cibler les transferts monétaires. Cette base de données, lancée en 2020, couvre 50 000 ménages. Le gouvernement envisage de la porter à 200 000 bénéficiaires, à condition de sécuriser les flux financiers.
Dans cette perspective, la Banque mondiale étudie un financement complémentaire, tandis que des start-up congolaises proposent des solutions de paiement mobile. « L’écosystème tech local veut contribuer à l’impact social », assure Ravy Malonga, président de l’Association des entrepreneurs du numérique, rencontré à l’incubateur Pefaco Digital Academy.
Partenariats jeunesse, secteur privé et tech
Les organisations de jeunesse, souvent proches des campus universitaires, saluent ce nouveau chapitre. Pour Ghislaine Oba, présidente du collectif Génération Fille, « la présence d’une femme à la tête de l’Unicef envoie un signal positif sur l’égalité des chances ». Elle réclame déjà un dialogue régulier avec l’agence.
Le secteur privé est, lui aussi, interpellé. La Société nationale des pétroles du Congo a récemment signé un mémorandum avec l’Unicef pour financer l’accès à l’eau potable dans les zones d’exploitation. La nouvelle cheffe de bureau souhaite élargir ce modèle de responsabilité sociétale à d’autres entreprises extractives.
Perspectives pour la génération 2030
Sur le long terme, l’Unicef et le gouvernement se projettent déjà vers 2030, horizon des Objectifs de développement durable. Le taux de malnutrition chronique est tombé sous les 19 % en 2022, mais l’indice doit descendre à 10 % pour atteindre la cible internationale.
La scolarisation des filles au secondaire reste, elle aussi, au cœur des discussions. Actuellement à 41 %, ce taux devrait être porté à 60 % selon le plan sectoriel de l’éducation. Mariavittoria Ballotta veut miser sur des bourses STEM et l’extension du réseau des clubs scientifiques.
Dans l’immédiat, la nouvelle représentante doit conduire l’évaluation conjointe du programme de coopération 2019-2023. Les conclusions, attendues début 2024, orienteront la feuille de route suivante. « Nous visons des résultats concrets, et la jeunesse les jugera sur pièces », confie un conseiller du ministre.
Le rendez-vous du 13 août marque donc un point de départ plutôt qu’une formalité protocolaire. Sur ses épaules, Mariavittoria Ballotta porte l’espoir de voir se resserrer l’alliance entre diplomatie et action sociale. Les prochains mois diront si cette synergie profitera pleinement aux enfants du Congo.
