Un nouveau visage de l’OMS à Brazzaville
Sous le soleil de Brazzaville, le Dr Vincent Sodjinou, fraîchement nommé représentant résident de l’Organisation mondiale de la santé, franchit pour la première fois les portes du ministère de la Défense. Cette visite protocolaire scelle le point de départ d’une collaboration sanitaire jugée stratégique.
Le contexte est pressant : plusieurs foyers de choléra touchent actuellement des zones urbaines et fluviales, rappelant la sensibilité du pays aux maladies hydriques. Pour l’OMS, chaque heure compte et l’engagement rapide des forces nationales constitue un facteur déterminant de la maîtrise de l’épidémie.
« Il est nécessaire que toutes les forces soient mises à contribution », affirme le représentant onusien, insistant sur un protocole d’entente, signé en 2018, qui ouvre la voie à un partage inédit de moyens logistiques, techniques et humains entre l’organisation internationale et l’appareil de défense congolaise.
Choléra : situation épidémiologique actuelle
L’épidémie, confirmée dans plusieurs districts sanitaires, se manifeste par une recrudescence de cas de diarrhée aiguë et de déshydratation sévère. Selon les premières données remontées aux centres de coordination, la majorité des patients sont âgés de moins de trente ans, essentiellement issus des quartiers périphériques.
Les autorités sanitaires rappellent que l’accès à l’eau potable reste le maillon faible. Un plan de distribution gratuite de solutions de réhydratation orale est en cours, tandis que les communes renforcent la chloration des points d’approvisionnement. L’OMS appuie ces mesures à travers des experts en surveillance épidémiologique.
Du laboratoire national aux postes avancés, l’enjeu est double : confirmer rapidement les souches circulantes et éviter les transmissions dans les zones de forte densité. Les premiers résultats indiquent une sensibilité au protocole thérapeutique standard, un signe encourageant pour le personnel de santé mobilisé sans relâche.
Logistique militaire et riposte accélérée
La dimension militaire se révèle essentielle pour atteindre les localités enclavées, surtout pendant la saison des pluies où les pistes deviennent impraticables. Les convois des Forces armées congolaises transportent désormais kits de potabilisation, tentes sanitaires et générateurs, réduisant les délais d’intervention dans les villages riverains du fleuve.
À Brazzaville, le ministère de la Défense a activé son centre d’opérations pour coordonner les mouvements et sécuriser les stocks de vaccins oraux commandés avec l’appui de l’Alliance mondiale du vaccin. Cette transversalité civile-militaire constitue, selon plusieurs spécialistes, une innovation en matière de gestion de crise sanitaire.
Le Dr Sodjinou résume l’esprit de l’accord : « l’armée apporte la vitesse, l’OMS fournit la science ». De son côté, le général Charles Richard Mondjo souligne que la santé publique fait partie intégrante de la sécurité nationale et que cette synergie correspond aux orientations du Plan national de développement.
Partenariat stratégique Congo–Sénégal
Au-delà de l’urgence, la rencontre ministérielle a également porté sur la coopération militaire et technique avec le Sénégal, représenté par le diplomate Ousmane Diop. Les deux pays envisagent d’intensifier les échanges de formation, offrant aux jeunes officiers congolais l’accès à des académies réputées de Dakar.
L’expérience sénégalaise en logistique sanitaire, acquise lors des épidémies d’Ebola en Afrique de l’Ouest, intéresse particulièrement Brazzaville. Des ateliers conjoints sur la gestion des ressources humaines militaires et la mise en place de mutuelles de santé sont programmés, avec un accent sur la construction de logements pour soldats.
Pour les observateurs, cette double dynamique – riposte choléra et partenariat sénégalais – traduit une diplomatie de la santé assumée, où l’image du Congo se construit aussi sur sa capacité à protéger ses troupes et ses populations civiles tout en renforçant son influence sous-régionale.
Implication des jeunes et communication
La jeunesse congolaise suit ces développements avec attention, consciente que l’amélioration des services de santé et la modernisation des forces armées peuvent générer de nouveaux métiers : logisticiens, épidémiologistes de terrain, techniciens de désinfection ou encore développeurs d’applications de suivi des alertes en temps réel.
Dans les facultés de médecine comme dans les instituts polytechniques, des séminaires sont déjà organisés pour décrypter les protocoles mis en place. Les intervenants insistent sur l’importance du volontariat communautaire, élément clé des campagnes de sensibilisation qui ont permis de réduire le taux d’attaque dans certains quartiers.
À l’heure où les réseaux sociaux amplifient parfois rumeurs et fausses informations, le ministère de la Communication rejoint le dispositif pour diffuser des messages vérifiés. Des « web-influenceurs santé » sont mobilisés afin de vulgariser les gestes barrières, tandis que les radios communautaires relaient les bulletins épidémiologiques quotidiens.
Vers un financement et un modèle durable
Reste la question du financement durable. Brazzaville explore des mécanismes de partenariat public-privé pour pérenniser la veille sanitaire. Le représentant de l’OMS se dit prêt à faciliter l’accès aux instruments de la Banque mondiale et du Fonds mondial, esquissant ainsi une réponse qui dépasse le seul épisode cholérique.
Les prochains jours verront l’arrivée de nouvelles cargaisons de traitements oraux et la mise en route d’un tableau de bord numérique partagé entre l’OMS, la Défense et les communes. Si les indicateurs fléchissent, cette coordination multisectorielle pourrait devenir un modèle de réponse pour d’autres défis sanitaires.