Brazzaville sous haute surveillance
Brazzaville, Makélékélé ou Talangaï voient depuis quelques semaines un ballet inhabituel de bérets rouges et d’uniformes vert olive. L’opération spéciale déclenchée contre les redoutés « bébés noirs » vient de franchir un nouveau palier, placé sous la supervision directe de la DGSP.
Cette présence sécuritaire accrue fait suite aux clarifications livrées par le ministre de la Communication et des Médias, Thierry Lézin Moungalla, durant la dernière Quinzaine du gouvernement. Pour lui, il s’agit d’« éviter que les gangs deviennent plus forts que l’État ».
Pourquoi la menace bébés noirs persiste
Nés dans les années 2010 des marges urbaines de Pointe-Noire puis Brazzaville, les « bébés noirs » se sont structurés autour de petits chefs, appelés kulunas, maniant machettes et réseaux sociaux pour gagner territoires, réputation et butin.
La police avait déjà mené plusieurs coups de filet, mais les observateurs estiment que la dispersion des groupes et leur mobilité rendaient toute action durable compliquée. Des vidéos les montrant brandissant des armes blanches ont choqué l’opinion et accéléré la mobilisation officielle.
Selon le criminologue Serge Mampouya, « ces bandes recrutent dès 12 ans, exploitant la promesse d’argent facile ». Il note toutefois que la majorité des jeunes des quartiers sud « refuse la violence et demande simplement des opportunités ». Son analyse rejoint les rapports académiques de l’Université Marien-Ngouabi.
DGSP, un appui jugé décisif
Le décret n°2025-390 du 18 septembre 2025 intègre la Direction générale de la sécurité présidentielle dans la Force publique. Elle peut ainsi mener, en appui à la police, des missions de protection des populations sur tout le territoire.
Thierry Lézin Moungalla rappelle que la DGSP dispose d’unités formées à la contre-guérilla urbaine, atout précieux face à des bandes très mobiles. « Il était temps pour le chef suprême des armées de prévenir un point de bascule », a-t-il souligné devant la presse.
Réactions de la société civile congolaise
Quelques organisations de défense des droits humains ont exprimé leurs inquiétudes, redoutant des bavures. Le porte-parole du gouvernement répond que « le respect de la légalité républicaine est non négociable » et que tout abus serait sanctionné conformément aux textes.
L’Association des habitants de Talangaï se dit pour sa part satisfaite. Son vice-président, Rodrigue Nzonzi, témoigne : « Les rafles nocturnes ont réduit les agressions de moitié depuis deux semaines. Nous pouvons enfin rentrer tard du travail sans crainte ».
Dans les rues, premier bilan chiffré
Selon les chiffres communiqués par la police centrale, près de 280 présumés kulunas ont été interpellés en trois semaines, dont 60 récidivistes recherchés pour vols aggravés. Trente-deux machettes, dix fusils artisanaux et plusieurs téléphones volés ont été saisis.
À Bacongo, les mototaxis notent déjà un regain de fréquentation des artères commerçantes du marché Total. « Avant 19 heures, on levait le camp. Aujourd’hui, on roule jusqu’à 22 heures », confie le conducteur Junior Mabiala, visiblement soulagé.
Le cadre légal renouvelé
Outre le décret de 2025, le Code de procédure pénale révisé l’an dernier introduit des comparutions immédiates pour flagrant délit de violences armées. Le ministère de la Justice assure que les mineurs bénéficient d’un accompagnement social pour éviter la récidive.
Le sociologue Irène Obambi insiste pourtant sur la nécessité d’un volet prévention. Elle plaide pour « des ateliers de réinsertion, l’accès au sport et à la culture », jugeant la répression seule insuffisante à long terme. Le gouvernement évoque un plan global en élaboration.
Impact sur la jeunesse et l’emploi
Dans les quartiers populaires, plusieurs collectifs ont lancé des sessions de formation rapide au numérique et à la mécanique deux-roues, avec le soutien de partenaires privés. Objectif : détourner les plus vulnérables de la tentation kuluna et créer des revenus alternatifs.
La start-up brazzavilloise Yekola Digital propose même des bourses de codage de trois mois. Son cofondateur, Patrick Ibara, explique que « sur vingt stagiaires, trois étaient d’anciens membres de gangs et souhaitent désormais ouvrir leur cybercafé ». Un exemple qui inspire.
Quel futur pour la sécurité urbaine
Le ministère de l’Intérieur prévoit d’étendre la vidéosurveillance à dix carrefours supplémentaires de la capitale. Les images seront couplées à une salle d’analyse en temps réel, tandis que la police de proximité sera renforcée par 500 nouvelles recrues issues d’écoles nationales.
Pour l’expert en gouvernance Jean-Luc Makosso, « la cohésion entre forces de défense et population reste la clé ». Il estime que la dynamique actuelle inverse le sentiment d’impunité : « Les jeunes voient que l’État a les moyens de protéger et d’écouter ».
Une opération très suivie sur les réseaux
Sur TikTok, le hashtag #StopBébésNoirs cumule déjà un million de vues. Des influenceurs comme Mima LaStreet relayent en temps réel les patrouilles et encouragent les signalements. Le gouvernement s’appuie sur ce relais numérique pour diffuser des messages de prévention.
Les observateurs soulignent la communication transparente de la Quinzaine du gouvernement, devenue rendez-vous incontournable des internautes. Prochain épisode attendu : un état des lieux détaillé des arrestations et l’annonce des financements pour le volet réinsertion, preuve que la stratégie se veut complète.
