Une évaluation encourageante
À la veille des festivités nationales, le ministre de l’Assainissement urbain, Juste Désiré Mondélé, a sillonné Brazzaville pour juger des résultats de l’opération spéciale de nettoyage lancée début août. Verdict : une mention « assez bien », saluée mais considérée comme simple étape d’un effort au long cours.
Cette note provisoire récompense la libération des trottoirs, la remise en état des ronds-points et la fluidité retrouvée autour des marchés emblématiques comme Poto-Poto ou Moungali. Pour la première fois depuis longtemps, plusieurs artères sont demeurées dégagées pendant un week-end entier, selon des riverains interrogés.
La démarche du ministère s’inscrit dans le programme gouvernemental de modernisation urbaine, qui vise à hisser la capitale au rang de villes africaines référence à l’horizon 2030. Le passage de Juste Désiré Mondélé avait donc valeur de test, mais aussi d’encouragement auprès des équipes mobilisées.
Sur le terrain, des avancées palpables
Du boulevard Denis Sassou N’Guesso au pont du Djoué, les équipes mixtes composées d’agents municipaux, de militaires du génie et de bénévoles associatifs ont ramassé des tonnes de déchets. Les bacs roulants nouvellement déployés ont réduit les dépotoirs sauvages, source d’inondations récurrentes lors des fortes pluies.
Dans les quartiers populaires, la tonalité est à la satisfaction prudente. José, vendeur de téléphones à la Patte-d’Oie, confie que « les clients peuvent enfin circuler sans patauger dans les sacs plastique ». Mais il redoute un retour rapide des habitudes si les contrôles se relâchent.
Les observateurs notent que la campagne a innové en bannissant les méthodes brutales de déguerpissement autrefois décriées. Le dialogue préalable avec les commerçants ambulants, combiné à la mise à disposition d’emplacements formels, a limité les tensions et facilité la reconquête de l’espace public.
L’application mobile « MaRuePropre », lancée en phase pilote, permet déjà de signaler un amas d’ordures par simple photo géolocalisée. Plus de deux mille alertes ont été traitées en dix jours, démontrant l’appétence numérique de la jeunesse et l’efficacité d’une réponse en temps réel.
Le rôle clé des citoyens
Le ministre rappelle que l’objectif ultime reste l’émergence d’une « nouvelle citoyenneté » fondée sur le respect de la ville. Dans sa vision, réalisée en collaboration avec les associations de jeunesse, chaque ménage devrait consacrer quelques minutes quotidiennes à balayer son seuil et trier ses déchets.
Pour encourager cette pratique, la municipalité envisage un concours des rues les plus propres, assorti d’exonérations symboliques sur certaines taxes locales. Une brigade verte, composée en majorité d’étudiants en vacances, patrouillera pour sensibiliser, mais aussi pour répertorier les points noirs persistants dans les arrondissements.
Nathan, sociologue à l’Université Marien-Ngouabi, estime que « la participation populaire dépendra de la régularité de la collecte ». Selon lui, si les camions passent aux heures annoncées, jeter un sachet dans le caniveau deviendra socialement inacceptable, comme cela s’est produit dans plusieurs capitales voisines.
Santé publique et sécurité
Au-delà de l’esthétique, les autorités lient directement l’assainissement à la santé publique. L’Organisation mondiale de la santé rappelle que 80 % des maladies diarrhéiques sont liées à l’eau contaminée et aux ordures. Préserver les caniveaux diminue donc le risque de flambée de choléra, dont le pays a déjà souffert.
Le volet éclairage a aussi progressé. Plus de 300 lampadaires solaires ont été posés sur la corniche sud, raréfiant les zones d’ombre propices à la délinquance. Selon un officier de police, les vols à l’arraché ont chuté de 25 % depuis la réactivation de l’éclairage public.
Entrepreneuriat vert : un levier pour la jeunesse
La demande accrue de collecte sélective ouvre des perspectives économiques. La start-up GreenCycle, fondée par trois diplômés congolais, transforme déjà les plastiques en pavés écologiques. Elle a vu ses commandes doubler après la fermeture des dépotoirs sauvages, preuve qu’une politique publique peut stimuler l’innovation locale.
Des ONG partenaires interrogées souhaitent que les marchés publics réservent un quota aux entreprises vertes dirigées par des jeunes. Pour Linda Boué, analyste en développement durable, « cet alignement entre propreté et emploi pourrait changer la perception de la salubrité, perçue non plus comme corvée mais comme opportunité ».
La Banque postale du Congo vient d’annoncer une ligne de crédit verte plafonnée à dix millions de francs CFA pour les micro-entreprises spécialisées dans le recyclage. La mesure cible en priorité les porteurs de projets âgés de moins de trente-cinq ans, souvent exclus des financements classiques.
Perspectives vers la mention excellente
Le défi désormais est de transformer l’effort ponctuel en routine collective. Le ministère prépare un décret fixant des amendes graduées pour dépôts d’ordures illicites, mais aussi des primes pour les quartiers exemplaires. La consultation publique ouverte en ligne recueillera les avis des étudiants et des entrepreneurs.
Juste Désiré Mondélé promet un point d’étape trimestriel, convaincu que la transparence créera l’émulation. « La mention excellente se gagnera grâce à l’implication durable des citoyens », insiste-t-il. En attendant, le ministre encourage le selfie devant les nouvelles poubelles, symbole d’une ville qui se réinvente.
