La justice française valide le rapatriement
La Cour d’appel de Paris a définitivement tranché : la dépouille de Pierre Moutouari rejoindra Brazzaville où un hommage populaire lui sera rendu. Le verdict consacre la requête de son aînée, Michaëlle Moutouari, dans un dossier suivi avec passion par les fans de rumba congolaise.
Le tribunal a considéré la volonté exprimée par le chanteur de reposer « au pays » ainsi que le poids des rites familiaux. Le juge a estimé que ces éléments l’emportaient sur les objections présentées par les quatre autres filles de l’artiste, installées en France.
Evry, premier round judiciaire
Le premier affrontement s’était tenu au tribunal d’Évry, dans l’Essonne, département où vivait l’interprète de « Aline ». Michaëlle Moutouari y avait brandi le testament moral de son père, rappelant ses dernières confidences sur un retour posthume au Congo.
La défense adverse accusait cependant l’aînée d’avoir longtemps pris ses distances avec leur père. Le juge d’Évry, convaincu par la cohérence des témoignages et par la coutume africaine de l’inhumation sur la terre natale, avait donné raison à Michaëlle.
Paris, l’ultime audience décisive
Chimène Moutouari, la sœur cadette la plus combative, avait aussitôt interjeté appel. Le dossier fut donc transféré à Paris pour un second procès sous haute tension, retranscrit par plusieurs médias culturels francophones.
En audience, les avocats des cadettes ont évoqué des « atrocités » supposées infligées au patriarche, cherchant à faire douter le tribunal. Les juges parisiens n’ont pas retenu ces accusations, jugeant qu’aucune preuve solide ne remettait en cause la demande de rapatriement.
Organisation des obsèques : rôle et calendrier
Pour favoriser l’apaisement, la Cour a confié l’organisation pratique des obsèques à Chimène Moutouari. Ce partage des tâches vise à associer toutes les filles au dernier hommage, malgré les dissensions qui persistent.
Selon les premières indications, le corps pourrait quitter la France sous dix jours, via un vol spécial affrété par la famille. À Brazzaville, un stade ou la salle du palais des congrès est pressenti pour l’exposition de la dépouille avant l’inhumation au cimetière Itatolo.
Un conflit familial qui éclabousse la scène
Derrière le différend juridique se cache une rivalité ancienne entre Michaëlle et Chimène. L’aînée revendique son statut et reproche à leur père d’avoir tardé à révéler l’existence d’un fils né d’une précédente union, qui pourrait théoriquement la devancer.
Chimène, elle, reconnaît cet enfant comme l’aîné légitime et conteste ouvertement la primauté de sa grande sœur. Les réseaux sociaux relaient depuis des semaines leurs piques, alimentant un feuilleton familial qui contraste avec l’image fédératrice que le chanteur projetait.
L’héritage culturel de Pierre Moutouari
Icône des années 1970, Pierre Moutouari a popularisé la rumba congolaise dans les salles d’Afrique centrale avant d’ouvrir des ateliers de musique à Paris. Sa voix chaude et ses chorégraphies ont influencé plusieurs générations d’artistes.
Des titres comme « Survival » ou « A page of life » continuent d’être samplés par les jeunes beatmakers de Pointe-Noire. Le futur rapatriement nourrit donc l’espoir d’un grand concert-hommage rassemblant des vedettes comme Roga Roga ou Extra Musica, prêts à revisiter son répertoire.
Réaction des fans et du monde musical
À Brazzaville, des groupes WhatsApp annoncent déjà des caravanes motorisées pour escorter le cortège funéraire. « Il faut qu’il sente notre gratitude jusque dans sa dernière demeure », clame Junior Ossa, animateur radio, convaincu que la rumba perd un de ses piliers.
Les labels indépendants envisagent aussi de rééditer ses vinyles originaux. « Cette décision relance l’intérêt pour tout son catalogue », souligne Carine Bileko, productrice basée à Paris. Elle prévoit un coffret collector dont une partie des bénéfices soutiendra la fondation musicale qu’il avait créée.
Prochaines étapes pour le rapatriement
Le certificat de non-appel a été délivré dès la lecture du verdict, ce qui ouvre la voie aux démarches administratives auprès du consulat de la République du Congo. La mairie de Paris doit également produire l’autorisation de sortie de territoire du cercueil.
Une équipe de thanatologie prépare la dépouille pour un voyage de plus de sept heures de vol. Une fois à Maya-Maya, un comité officiel accueillera la famille. Le ministère de la Culture prévoit une veillée artistique, ponctuée de chants de chorales et de témoignages.
Le rapatriement, un symbole d’unité nationale
Au-delà des tensions internes, le retour au pays de Pierre Moutouari est perçu comme un moment de communion. « Sa musique a porté l’image du Congo à l’international. Le ramener ici, c’est refermer une boucle historique », commente l’ethnomusicologue Sylvain Ngoma.
Les autorités locales entendent faire de l’événement un jalon du calendrier culturel 2024, avec expositions, masterclasses et projections d’archives. Les mélomanes espèrent que la famille saisira l’occasion pour se réconcilier, honorant ainsi l’esprit rassembleur du maestro disparu.
