Un rendez-vous matinal très attendu sur les ondes
Les auditeurs de Radio Congo se prépareront, dimanche à huit heures tapantes, à accueillir une voix familière dont les échos traversent depuis cinq décennies l’Atlantique et les deux rives du fleuve. Invité par Jean-Jacques Jarele Sika dans « Les News de Paris », Marcel Loko Massengo, que le public affectionne sous le sobriquet évocateur de « Djeskain », promet quinze minutes de confidences ciselées. L’annonce a aussitôt suscité une effervescence palpable dans les cercles de mélomanes congolais, tant la figure du Showman demeure un jalon incontournable de la mémoire collective musicale.
D’un bout du fleuve à l’autre : les racines d’un enfant de Léopoldville
Né en 1947 dans la trépidante Léopoldville – l’actuelle Kinshasa – de parents brazzavillois, Loko Massengo incarne à lui seul l’osmose culturelle entre les deux Congo. « J’ai grandi avec la rumeur du fleuve et les riffs de Franco », confiait-il récemment lors d’un échange privé dans la capitale française. Cette enfance partagée entre sermons parentaux, sonorités de la rumba naissante et effervescence urbaine a façonné une sensibilité artistique qui n’a cessé de s’aiguiser.
Trio Madjesi, Trois Frères : la fabrique d’une légende scénique
Au début des années 1970, l’association avec Pierre Bimoko Djeskain et Saak Sakoul conduit à la formation tonitruante du Trio Madjesi, rapidement hissé au zénith des hit-parades d’Afrique centrale. Le style – costumes flamboyants, chorégraphies millimétrées, harmonies vocales en cascade – bouleverse alors les canons établis de la rumba. « Nous voulions donner à la jeunesse une raison de danser sans renier nos racines », résumait Loko Massengo dans une interview d’archive. Leur dynamique fraternellement tumultueuse, portée plus tard par le groupe Trois Frères, a creusé un sillon durable dans la bande-son du continent.
Dislocations et divergences : les dessous d’une séparation
La fin du Trio Madjesi et, dans la foulée, celle des Trois Frères, ont longtemps alimenté un folklore de rumeurs. Dimanche, l’artiste compte « rétablir la chronologie exacte ». Selon des proches, la concurrence débridée sur le marché du disque, la pression des tournées internationales et quelques dissonances créatives auraient fissuré l’édifice. Consulté par nos soins, un producteur de l’époque évoque « l’usure normale des égos dans une époque où tout s’accélérait ». Loko Massengo, lui, préfère parler d’« évolution naturelle », insistant sur le fait que l’amitié, elle, est demeurée intacte.
« Beauté noire » et la danse Bloqué zingué : alchimie d’un tube intemporel
En 1983, l’album « Mille kilos de Bloqué zingué » et son titre-phare « Beauté noire » propulsent définitivement l’artiste au rang de figure planétaire. Derrière cette success-story se cachent des mois de recherches harmoniques et une volonté d’exalter la fierté identitaire panafricaine. « Je voulais que chaque femme se voie célébrée dans ses nuances d’ébène », racontera-t-il dimanche. Quant à la chorégraphie du Bloqué zingué, ce savant jeu de hanches suspendues, elle est née « d’un pas improvisé en répétition, accueilli par un éclat de rire général ». Quarante ans plus tard, clubs et mariages de Brazzaville à Pointe-Noire n’ont pas fini de la ressusciter.
Exil parisien et aventure Kékélé : l’art de se réinventer sans renoncer
Installé à Paris depuis 1986, Loko Massengo n’a jamais vécu cet éloignement comme une rupture. À la faveur des studios de la capitale française, il a rejoint l’épopée de Kékélé, super-groupe dont les harmonies polychromes ont réchauffé les scènes du monde entier aux côtés de Bumba Massa, Nyboma Mwan’dido, Wuta Mayi ou encore Syran Mbenza. Cette parenthèse ouverte a prouvé qu’un artiste peut s’ancrer ailleurs tout en demeurant enraciné. « Chaque concert était une conversation entre le tam-tam de mon enfance et la guitare jazz du présent », aimait-il à déclarer.
L’héritage d’un showman : inspirer la jeunesse congolaise
Pour les jeunes adultes congolais, la trajectoire de Loko Massengo résonne comme un appel à conjuguer audace et discipline. Le Comité national pour la promotion des industries culturelles le cite régulièrement comme exemple d’exportation réussie. De nombreux collectifs urbains s’approprient aujourd’hui ses refrains, les adaptant à l’afro-trap ou au gospel. L’artiste, lucide, salue cette filiation : « La rumba est un grand arbre, chaque génération y accroche ses fruits ». Son engagement dans des ateliers pédagogiques, tant à Brazzaville qu’à Paris, consolide cette passerelle intergénérationnelle.
Dimanche 8 h : un moment de radio pour célébrer cinq décennies de rumba
Le passage annoncé sur Radio Congo dépasse l’exercice promotionnel. Il s’inscrit dans un effort de préserver un patrimoine musical que l’UNESCO a récemment inscrit au registre immatériel. Au micro, celui que le public surnomme « Showman » reviendra sur les défis contemporains du secteur – numérisation, mutation des modes de consommation – tout en livrant des anecdotes drôles et tendres. La promesse d’une conversation dense, rythmée et instructive, en parfaite harmonie avec les ambitions de la jeunesse congolaise avide de repères créatifs. Un rendez-vous radiophonique à ne manquer sous aucun prétexte, comme le conclut l’artiste : « Que chacun branche son poste ; la rumba, elle, branchera les cœurs ».