Pékin ouvre ses portes aux plumes congolaises
Depuis le 11 novembre, vingt journalistes et techniciens des médias publics congolais ont déposé leurs micros à Pékin pour un séminaire intensif de trois semaines. L’événement, organisé par le Centre d’études internationales et de formation chinois, ambitionne de muscler la coopération sino-congolaise par le savoir-faire médiatique.
Installés dans les amphithéâtres high-tech du quartier olympique, les participants représentent l’Agence congolaise d’information, le Groupe national de presse La Nouvelle République et le Centre national de radio et télévision. Autant dire l’élite rédactionnelle de Brazzaville, prête à décortiquer les recettes digitales de la première puissance asiatique.
Sur les murs, d’imposantes cartes mondes rappellent l’ampleur de l’écosystème médiatique chinois, tandis que des slogans bilingues célèbrent le partage culturel. « Former, connecter, moderniser », résume Li Hengtian, directeur général adjoint du Cicg, persuadé que les Suds gagnent à mutualiser leurs expériences face aux plateformes globales.
Objectifs du séminaire médias Congo-Chine
Côté programme, le séminaire alterne cours magistraux et visites de terrain. Les Congolais découvriront les studios immersifs de la chaîne CGTN Français, mais aussi les laboratoires d’intelligence artificielle qui pilotent les flux d’info en temps réel. L’accent est mis sur la vitesse sans sacrifier l’éthique.
Au menu également, un atelier storytelling mobile. Objectif : apprendre à filmer, monter et diffuser un reportage vertical en moins d’une heure, depuis un simple smartphone 5G. Une compétence taillée pour les audiences TikTok de Pointe-Noire comme pour les plateformes internationales férues de formats snack-content vidéo.
Les intervenants chinois insistent aussi sur la monétisation. Entre placement de produits contextuel et abonnements premium, ils dévoilent leurs stratégies pour équilibrer finances et service public. De quoi inspirer les rédactions brazzavilloises soucieuses de diversifier leurs revenus face à l’érosion classique de la publicité.
Soft power et responsabilité sociale des médias
La session la plus attendue porte sur la responsabilité sociale à l’ère des infox. Experts chinois et congolais comparèrent leurs chartes éthiques, soucieux de protéger publics jeunes et vulnérables. « La crédibilité reste notre capital », martèle Marie-Paule Nganga Bigani, cheffe de délégation, sous un tonnerre d’applaudissements nourris enthousiasme.
Pour illustrer le sujet, CGTN projette un reportage sur la lutte contre la désinformation sanitaire durant la pandémie. Les stagiaires analysent la mise en scène, notant l’emploi d’animations en réalité virtuelle pour clarifier des données médicales. Une piste replicable dans les magazines santé de Télé Congo.
Les discussions débordent parfois sur le soft power. Pékin reconnaît compter sur ses médias multilingues pour diffuser une image positive de sa modernisation. Les Congolais, eux, voient une opportunité d’amplifier la culture bantoue à l’international, grâce à ces canaux capables de toucher 100 millions d’abonnés chaque mois.
Vers des rédactions congolaises 3.0
Sur le terrain, les stagiaires manipulent caméras 4K sans fil, drones et logiciels d’édition cloud. La démonstration d’un studio virtuel, où un présentateur paraît flotter devant un décor généré en temps réel, laisse bouche bée. « L’avenir du JT est immersif », juge un participant congolais ravi.
Ces outils ne resteront pas au stade du rêve. Selon Li Hengtian, une convention de prêt de matériel est en négociation avec le ministère congolais de la Communication. Les chaînes locales pourraient ainsi tester dès 2024 des unités mobiles 5G pour couvrir concerts et matchs en direct.
Outre la technique, un module finance aborde le modèle chinois des partenariats public-privé. Les rédactions congolaises y voient un moyen d’accélérer leur transformation numérique sans grever le budget de l’État. Le libre accès au haut débit reste cependant crucial pour rentabiliser ces investissements lourds futurs.
Les enseignants insistent : la technologie n’a de sens que si les contenus reflètent la société congolaise. Réseaux de jeunes créateurs, archives musicales, légendes urbaines : autant de mines narratives que les futurs diplômés promettent d’explorer, convaincus que l’authenticité booste l’engagement sur les réseaux sociaux locaux.
Après Pékin, rendez-vous à Brazzaville
Le séminaire s’achèvera le 30 novembre par la remise de certificats, mais la dynamique ne s’arrêtera pas là. Un programme de mentorat à distance est déjà prévu ; chaque expert chinois suivra deux professionnels congolais pour accompagner la mise en place des innovations testées à Pékin récemment.
À leur retour, les stagiaires devront produire une série de capsules vidéo expliquant comment le numérique peut rapprocher citoyens et institutions. Ces contenus seront diffusés sur Télé Congo et les plateformes sociales du gouvernement, avant d’être partagés avec la diaspora, toujours friande d’initiatives modernisantes locales.
D’ici là, Brazzaville bruisse déjà d’attentes. Sur WhatsApp, des étudiants en journalisme commentent les photos du séminaire publiées par l’ACI. Certains rêvent de stages en Chine, d’autres espèrent voir débarquer les fameux studios virtuels sur les campus. Les paris autour du futur JT 3D vont bon train.
En coulisses, le ministère congolais de la Communication se félicite déjà de cette montée en compétence. « Une presse forte, c’est un pays qui rayonne », glisse un conseiller. Reste à transformer les leçons pékinoises en actions durables, pour que la collaboration sino-congolaise devienne un modèle régional.
