Un jubilé à haute intensité symbolique
Au cœur du troisième arrondissement Tié-Tié, la paroisse Saint-Esprit de Mpaka s’est offerte un singulier présent d’anniversaire : la conjonction d’un jubilé d’or et d’une ordination presbytérale célébrée le 8 juin 2025, jour de Pentecôte. Les cloches, vibrant à pleins bourdons, ont rappelé que cinquante ans plus tôt, le quartier naissant accueillait une église encore modeste. Cinq décennies plus tard, la même communauté, élargie à la diaspora et aux autorités municipales, a rempli la vaste nef, témoignant d’une croissance démographique et spirituelle qui reflète la dynamique urbaine de Pointe-Noire.
La dramaturgie liturgique de la Pentecôte revisitée
Sous la voûte de la basilique improvisée, Mgr Abel Liluala a déployé une homélie aux accents théologiques denses, ancrée dans l’exégèse de Jean 14. Le prélat a rappelé que le Paraclet se manifeste comme souffle vital, foyer missionnaire et mémoire vive du Christ. « Aujourd’hui, c’est la fête du feu, du souffle, de la naissance de l’Église », a-t-il lancé, invitant les ordinands à être plus braise que flambeau, c’est-à-dire des serviteurs ardents mais discrets. La liturgie, portée par les polyphonies kongo et les percussions, a traduit visuellement cette théologie : encens épais, étoles rouges, processions ondoyantes imitant la flamme qui se partage sans se diviser.
Moments-clé du rite, l’appel des candidats par le diacre Moïse Boungou et la présentation de leurs parcours par le père Jean De Dieu Passy ont suscité une ovation nourrie. Le silence méditatif qui a suivi l’imposition des mains puis l’onction du Saint-Chrême a, en revanche, suspendu le temps. Il a fallu l’éclat des cloches finales pour rappeler aux fidèles que la célébration se poursuivait, tant la densité spirituelle de l’instant avait figé l’assemblée.
Trois parcours d’engagement au service du Saint-Sacrement
Les nouveaux prêtres, Borjalvin Dalbertone Sila, Céti Césaire Bantsimba Moukanzan et Crisvel Guelor Koukouikila, incarnent la diversité socioculturelle d’une génération formée dans le sillage de la Congrégation du Saint-Sacrement. Le premier, ancien étudiant en génie civil, a découvert sa vocation au détour d’un service d’aumônerie universitaire. Le second, diplômé en sciences de l’éducation, s’est passionné pour la catéchèse des jeunes sourds. Le troisième, musicologue de formation, a composé plusieurs cantiques repris par des chorales de la sous-région. Tous trois ont en commun une spiritualité eucharistique nourrie par la règle de saint Pierre-Julien Eymard, que le supérieur provincial leur a rappelée : « L’autel est une école de gratuité ».
Au terme de leur formation philosophique et théologique, marquée par des stages pastoraux dans des zones rurales parfois enclavées, les jeunes prêtres disent vouloir demeurer proches des marges. « Nous sommes envoyés non pour briller, mais pour servir », a résumé le père Sila dans son allocution de gratitude, empruntant presque mot pour mot l’exhortation de l’archevêque. Ce désir de proximité résonne particulièrement auprès d’une jeunesse urbaine en quête de repères spirituels et professionnels.
Une célébration qui fédère autorités, fidèles et diaspora
Sous le chapiteau dressé à la sortie de l’église, le brassage était saisissant. On distinguait la veste galonnée d’un officier supérieur, l’écharpe tricolore du maire d’arrondissement, la soutane blanche d’un prêtre nigérian et la tenue pagne d’une délégation venue de Kinshasa. « La paroisse est un trait d’union entre Église et cité », a commenté un membre du conseil pastoral, soulignant la présence de nombreux cadres rentrés de l’étranger pour l’occasion. Leur contribution financière, remise publiquement, alimentera le chantier de la future chapelle annexe, symbole concret d’un engagement civique et ecclésial partagé.
Ce maillage entre sacré et espace public s’est également exprimé par l’offrande d’une gerbe de vivres destinée au centre de santé voisin, rappelant que le bien-être communautaire ne se limite pas aux murs de l’église. Dans les discours protocolaires, les autorités ont salué la « responsabilité sociale » de la paroisse, tandis que Mgr Miguel Ollaverri, archevêque émérite, a invité les fidèles à persévérer dans la prière pour les prêtres, une intercession discrète mais essentielle à la cohésion interne.
Cap sur les cinquante prochaines années de la communauté
Le président du conseil pastoral, ouvrant la partie festive, a esquissé les orientations stratégiques de la paroisse : achever la chapelle, renforcer la formation professionnelle des jeunes et intensifier les initiatives écologiques autour du ruisseau Mpaka. L’Église locale, a-t-il dit, « n’a pas vocation à se replier sur la sacristie, mais à irriguer la cité ». Ce projet converge avec la vision diocésaine d’une pastorale intégrale, soucieuse de l’environnement, de la santé et de l’entrepreneuriat social.
En clôture, Mgr Abel Liluala a rappelé que le jubilé n’est pas seulement mémoire mais promesse : celle d’une Église congolaise capable de conjuguer tradition et modernité, ferveur liturgique et engagement citoyen. Sous la lumière déclinante de Pointe-Noire, la foule s’est dispersée en entonnant un refrain devenu programme : « Envoie ton Esprit, Seigneur, et renouvelle la face de Mpaka ». Ainsi, la Pentecôte 2025 aura scellé un cap – résolument tourné vers l’avenir – pour une génération qui, fidèle à ses racines, se sait désormais investie d’une responsabilité créatrice.