James Gassongo dévoile «Les malades en vadrouille»
Le comptable brazzavillois James Gassongo, 59 ans, continue de surprendre la scène littéraire nationale. Après avoir signé en 2021 le roman «Tuez-le-nous! Le couloir de la mort», il revient avec un recueil de nouvelles publié à Paris par les Éditions Le Lys Bleu.
Intitulé «Les malades en vadrouille», le livre réunit huit récits reliés par la même atmosphère crépusculaire. Les premiers lecteurs en France saluent une plume plus incisive, capable de conjuguer émotion brute et observation sociale, sans épargner le lecteur.
Gassongo confie vouloir «secouer les consciences» plutôt que divertir simplement. Son style, direct et sans fioritures, refuse l’euphémisme et préfère la lucidité, persuadé que la fiction peut agir comme électrochoc collectif.
Huit nouvelles pour un seul cri
Le format de la nouvelle correspond, selon l’auteur, à la fragmentation de l’existence moderne. Huit textes, donc huit angles d’attaque, mais un même cri d’alarme sur la dégradation des repères communautaires et du tissu social en milieu urbain.
Chaque histoire suit un individu broyé par son environnement : un infirmier désabusé, une mère en attente d’un diagnostic, un adolescent victime de harcèlement. Les destins se frôlent, s’entrecroisent parfois, dessinant un puzzle où la solitude le dispute à la résilience.
Pour James Gassongo, un roman unique aurait «gommé les nuances et uniformisé la douleur». À l’inverse, le kaléidoscope narratif offre des éclats multiples, montrant que la crise n’est pas un cas isolé mais un réseau de failles systémiques.
Une société malade en filigrane
Le titre joue sur l’ambiguïté entre maladie physique et maladie civique. Les protagonistes sont des «malades» autant parce qu’ils toussent que parce qu’ils doutent, dérivent, perdent confiance dans les institutions censées les protéger.
Au fil des pages, on traverse couloirs d’hôpitaux saturés, ruelles sans éclairage, bâtiments administratifs décrépis. Les structures vacillent, symbolisant l’urgence de repenser la solidarité, la prévention et l’accès aux soins dans un contexte urbain en mutation rapide.
Gassongo nuance cependant son propos : «Je n’accuse personne, je montre». Son pari réside dans la capacité du lecteur à reconnaître autour de lui ces silhouettes fatiguées et à interroger sa propre part de responsabilité dans l’inertie collective.
Sortie internationale et arrivée locale
En France, le livre est disponible depuis ce mois-ci en formats papier et numérique, via les circuits classiques et la plateforme de l’éditeur. Plusieurs clubs de lecture parisiens l’ont déjà sélectionné pour leurs rencontres automnales.
Au Congo, il faudra patienter jusqu’en décembre 2025, délai dû à la synchronisation logistique et au choix stratégique d’un lancement accompagné de séances de dédicaces à Brazzaville, Pointe-Noire et Oyo. L’auteur espère également intervenir dans des lycées.
Le ministère de la Culture, par la voix d’un conseiller, se félicite de «voir nos écrivains rayonner hors des frontières avant de revenir nourrir le public national». Aucun tirage chiffré n’a été communiqué pour l’instant, mais la demande s’annonce forte.
Entre chiffres et lettres, un parcours atypique
Né dans le cinquième arrondissement de Brazzaville, James Gassongo a d’abord suivi un cursus de comptabilité. Durant trois décennies, il a tenu les colonnes de chiffres d’entreprises privées, tout en collectionnant des carnets d’histoires écrites après le travail.
Sa transition vers l’édition s’est opérée lors d’une résidence d’écriture en 2019 à Ouesso. C’est là qu’il finalise son premier roman, repéré par une maison parisienne. «Mes bilans financiers m’aident à construire une narration rigoureuse. La littérature reste, malgré tout, plus imprévisible que l’économie», sourit-il.
Aujourd’hui, il continue d’exercer à temps partiel comme consultant, considérant l’indépendance financière comme un gage de liberté créative. Son bureau alterne factures et paragraphes, prouvant que chiffres et lettres peuvent cohabiter sans s’annuler.
Scène littéraire congolaise en mouvement
La sortie de «Les malades en vadrouille» s’inscrit dans un regain d’intérêt pour les plumes congolaises. Les festivals Louango Lire et Brazza Polar, programmés respectivement en février et juillet prochains, annoncent déjà leur désir d’inviter Gassongo.
Depuis deux ans, les maisons d’édition hexagonales multiplient les signatures avec des auteurs du fleuve. Succès d’Emmanuel Dongala ou Maryse Lokossou, résidences croisées, clubs de lecture en ligne : autant de tremplins pour la visibilité d’une littérature diversifiée.
Portée par la diaspora et les réseaux sociaux, cette scène prouve que l’imaginaire congolais voyage bien au-delà du Pool. Avec «Les malades en vadrouille», James Gassongo ajoute une pièce forte à ce puzzle créatif, invitant chacun à tourner la page… pour mieux réfléchir.
