Une plénière animée sous le sceau des urgences climatiques
Dans l’hémicycle de la Chambre haute, la pluie battante qui cinglait Brazzaville semblait donner un écho symbolique aux priorités inscrites à l’ordre du jour. Le président du Sénat, Pierre Ngolo, a ouvert la séance en rappelant que les fortes précipitations du 14 juin avaient rappelé la vulnérabilité de la capitale face à l’érosion et aux inondations. S’adressant au Gouvernement, il a martelé la nécessité d’« actions durables pour que l’eau cesse d’être synonyme de désolation ».
Répondant en premier lieu à la détresse des sinistrés, le Premier ministre Anatole Collinet Makosso a présenté les condoléances officielles et détaillé un plan d’assistance humanitaire s’articulant autour de relocalisations temporaires, du traitement de sites à risque et d’une cartographie actualisée des zones les plus exposées. Il a insisté sur la « responsabilité partagée entre État, collectivités, propriétaires fonciers et habitants », expliquant que la prolifération de lotissements illégaux dans les talwegs exacerbe la fragilité des sols.
Cap sur l’assainissement des finances publiques et la relance
Le sénateur Gaspard Kaya-Magame, dans une intervention nourrie de chiffres, a brossé un tableau sombre de la trésorerie nationale, pointant la dette à 116,4 % du PIB en 2021 et dénonçant des « fuites de recettes » liées à la corruption. Reconnaissant la gravité de la situation, le chef du Gouvernement a rappelé que la conjoncture pétrolière mondiale, depuis 2014, a amputé les ressources du pays et imposé une réduction de 40 % des dépenses de fonctionnement en une décennie.
Avec prudence, il a toutefois souligné que la masse salariale reste un filet social essentiel et a promis de poursuivre les réformes budgétaires en partenariat avec les institutions financières régionales, tout en encourageant l’émergence de filières non extractives capables de diversifier les recettes. « La crédibilité d’un État se mesure aussi à sa capacité à honorer ses engagements vis-à-vis de ses agents », a-t-il insisté, évoquant la reprise progressive des allocations familiales suspendues, après vérification des dossiers litigieux.
Pénurie de carburant et sécurité alimentaire : pistes gouvernementales
Les files interminables devant les stations-service de Brazzaville et Pointe-Noire ont occupé le devant de la scène. Le ministre Bruno Jean Richard Itoua a reconnu un « déséquilibre structurel » entre la capacité actuelle de la raffinerie et la demande croissante, notamment dans les transports urbains. Pour y remédier, il a évoqué la construction programmée d’une seconde raffinerie dans la zone économique spéciale de Pointe-Indienne et la création d’un oléoduc permettant de sécuriser l’acheminement des dérivés pétroliers jusqu’aux centres de consommation.
Sur le volet alimentaire, le ministre d’État Alphonse Claude N’Silou a présenté un ensemble de mesures destinées à assurer l’hygiène du pain, produit de base de la table congolaise. Un protocole obligeant boulangers et transporteurs à respecter la chaîne du froid, la chloration de l’eau et un conditionnement sous film biodégradable entrera en vigueur dès le prochain trimestre. Le Sénat a salué l’initiative, considérant qu’elle répond aux attentes sanitaires des jeunes urbains de plus en plus sensibles à la qualité nutritionnelle.
Passeports et diplomatie : la coopération congolo-américaine confirmée
Au cœur des échanges, l’annonce par Washington d’un durcissement des conditions d’entrée pour douze pays africains, dont le Congo, a suscité des interrogations. Anatole Collinet Makosso a assuré que « le Congo continue d’entretenir d’excellentes relations avec les États-Unis » et que les discussions techniques se poursuivent pour renforcer la sécurité des documents de voyage. Dans cette perspective, un système biométrique de suivi des passeports sera déployé avec l’appui de partenaires américains et onusiens.
Cette clarification a été accueillie avec satisfaction par les sénateurs, soucieux de rassurer une jeunesse attirée par les programmes de bourses et d’échanges universitaires nord-américains. Selon les données du ministère des Affaires étrangères, plus de 1 200 étudiants congolais ont rejoint les campus américains au cours des cinq dernières années, un chiffre que Brazzaville souhaite voir progresser grâce à une diplomatie académique plus offensive.
Engagement parlementaire pour une gouvernance de proximité
En filigrane, la question du transfert effectif de compétences et de ressources aux collectivités a irrigué les débats. Plusieurs sénateurs ont plaidé pour que la décentralisation accélère la mise en œuvre d’infrastructures de drainage, l’entretien des voiries secondaires et le financement de micro-projets agricoles. Le Premier ministre a confirmé que la loi de finances à venir préparera un mécanisme d’allocation directe, assorti d’indicateurs de performance, afin d’assurer la traçabilité des fonds.
Clôturant la séance, Pierre Ngolo a exhorté le Gouvernement à maintenir un dialogue soutenu avec la représentation nationale. « La jeunesse nous observe et attend une gouvernance à son écoute. Notre responsabilité est historique », a-t-il lancé, rappelant que l’essor démographique du pays crée un impératif moral d’anticipation et d’innovation.
Regards de la jeunesse : attentes, innovations et opportunités
Au-delà des statistiques et des projections macro-économiques, la séance a laissé transparaître une préoccupation partagée : redonner confiance aux 20-35 ans. Les jeunes entrepreneurs interrogés à la sortie du Sénat disent attendre une mise en œuvre rapide des mesures annoncées, en particulier dans les filières d’économie verte et numérique susceptibles de générer des emplois durables. La perspective d’un fonds d’accès universel aux produits pétroliers est considérée comme un socle pour la mobilité et la logistique des start-ups locales.
En définitive, la plénière du 20 juin aura illustré la volonté des institutions de conjuguer urgence et prospective. Si la tâche demeure immense, l’alignement entre le Gouvernement et le Parlement sur les enjeux climatiques, financiers et diplomatiques ouvre, pour une jeunesse en quête de repères, des horizons où résilience et ambition peuvent désormais converger.