Un atelier brazzavillois au service de l’équité médiatique
Dans la touffeur d’un après-midi brazzavillois, le 4 juillet, les murs de la Maison des Nations unies ont résonné d’un engagement inédit : celui des journalistes du secteur public comme du privé à faire de l’égalité genre un axe cardinal de leur ligne éditoriale. Après cinq journées d’échanges intensifs, ponctués d’études de cas, de projections et de mises en situation, la trentaine de participants a endossé un serment professionnel visant à « relayer de manière responsable et inclusive les messages et les valeurs défendus ».
La formation, portée par le Fonds des Nations unies pour la population sous le slogan inspirateur « Informer, c’est protéger », avait pour toile de fond l’agenda international de la Conférence du Caire ainsi que les engagements nationaux en faveur de la santé publique. Loin d’être un simple séminaire technique, l’atelier a opéré comme un laboratoire d’idées où se sont croisées expériences locales, approches comparées et récits issus du terrain.
Les médias comme catalyseurs d’une santé sexuelle et reproductive inclusive
Au cœur des discussions, la santé sexuelle et reproductive est apparue comme une fenêtre stratégique pour mesurer l’efficacité d’un discours médiatique plus attentif aux réalités des jeunes, des femmes et des minorités. Les modules dédiés ont passé au crible les mécanismes de normalisation linguistique susceptibles de réduire la stigmatisation qui entoure encore la contraception, le dépistage ou l’accès aux soins. « Un titre bien choisi peut sauver une vie », a martelé une participante, soulignant la responsabilité sociale de l’éditorialiste face aux tabous.
En filigrane, la question du financement durable des campagnes de sensibilisation a surgi : comment maintenir, au-delà de l’effet d’annonce, une production journalistique rigoureuse sur ces thématiques ? Les débats ont mis en évidence l’importance des partenariats entre rédactions, ONG et structures sanitaires, afin d’ancrer l’information dans la proximité et l’exactitude des données.
Déconstruction des stéréotypes et montée en compétence journalistique
L’atelier a proposé un détour par l’histoire des représentations sociales, rappelant que les médias congolais n’échappent pas aux biais culturels hérités de récits parfois patriarcaux. Des séances pratiques de fact-checking et de réécriture ont permis de revisiter des dépêches traitant de violences basées sur le genre pour en mesurer la charge implicite. « Il ne s’agit pas de réinventer le dictionnaire, mais de choisir chaque mot comme s’il s’agissait d’une preuve d’audience », a résumé la journaliste Marlyce Tchibinda, porte-parole des participants.
Adossée à ces exercices, une réflexion éthique a mis en évidence la fine frontière entre la recherche du sensationnel et le devoir de protection des victimes. La prise en compte de la dimension intersectionnelle — une première dans pareille formation au Congo — a conduit les stagiaires à intégrer le regard des personnes vivant avec un handicap ou avec le VIH, tout en adoptant les standards internationaux de confidentialité.
Le pouvoir performatif du langage dans la sphère publique congolaise
Saluant l’engagement collectif, la représentante résidente de l’Unfpa, Dr Agnès Kayitankore, a rappelé la portée performative des médias : « Les mots peuvent libérer ou enfermer ; ils peuvent ouvrir des passerelles ou dresser des murs ». Ses propos ont résonné comme un rappel formel du rôle prescriptif du journaliste dans la fabrique de l’opinion. En rendant visibles des trajectoires souvent minorées, la presse contribue à façonner de nouvelles normes sociales plus inclusives.
Cette dimension normatrice est d’autant plus cruciale que la jeunesse congolaise — près de 60 % de la population — bâtit désormais son référentiel via les réseaux sociaux, où l’information vérifiée se mêle parfois aux rumeurs. L’exigence d’une narration factuelle et empathique s’impose, sous peine de laisser prospérer les discours discriminatoires.
Vers un réseau durable pour une information vecteur de cohésion sociale
Clou de la formation, la constitution du réseau « Médias pour la Ssr, la Vbg et l’inclusion au Congo » ambitionne de structurer la coopération inter-rédactionnelle. Sous la houlette technique de l’Unfpa, cette plateforme se veut un centre de ressources, d’alerte et de partage de bonnes pratiques. Il ne s’agit plus seulement de produire des articles, mais de créer un écosystème où le contenu, l’image et la donnée dialoguent pour influencer favorablement les comportements.
Les statuts prévoient des réunions trimestrielles, un dispositif de mentorat pour les jeunes reporters et un observatoire de la couverture médiatique des droits humains. Plusieurs directeurs de publication ont déjà assuré qu’ils réserveraient des espaces dédiés dans leurs colonnes ou sur leurs ondes afin de suivre l’évolution des indicateurs révélateurs de progrès.
Un engagement aligné sur les priorités nationales et internationales
En inscrivant la démarche dans les Objectifs de développement durable, les organisateurs se gardent de toute approche conjoncturelle. La République du Congo a réaffirmé, lors de récents fora africains, son ambition de réduire les inégalités et de promouvoir la condition féminine. L’engagement médiatique vient s’imbriquer dans cette stratégie globale cherchant à conjuguer croissance économique, paix sociale et respect des droits fondamentaux.
Pour les jeunes journalistes, l’atelier se révèle à la fois tremplin et responsabilité. La crédibilité de la presse congolaise se jouera de plus en plus sur sa capacité à proposer des narrations nuancées, traversées par la parole des sans-voix et attentives à l’impact des politiques publiques. S’ouvre ainsi un horizon où l’enquête, la pédagogie et l’innovation éditoriale se conjuguent pour que l’information devienne, sinon un vaccin, du moins un antidote aux inégalités.