Un lancement littéraire au cœur de Brazzaville
Sous la grande verrière d’un centre culturel du centre-ville, la capitale congolaise a accueilli une cérémonie où la solennité le disputait à la ferveur. Césaire Baltazar Obambi, commandant de la police nationale mais aussi prédicateur, y a présenté son tout premier recueil, “Des mots, de l’amour et des larmes”, publié aux éditions L’Harmattan Congo. La date du 5 juin restera pour lui celle d’un passage de l’ombre à la lumière éditoriale : « Le verbe avait besoin d’une maison, le livre la lui offre », a-t-il confié devant un auditoire mêlant étudiants, universitaires et anonymes curieux de découvrir cette voix nouvelle.
Le parcours singulier d’un homme en uniforme
Né en 1977 dans la région des Plateaux, Obambi n’a jamais dissocié la rigueur militaire de l’élan poétique. Aux premières heures des années 1990, alors qu’il n’était qu’en classe de seconde, il consignait déjà dans un cahier d’écolier des alexandrins inspirés de Senghor ou de Tchicaya U Tam’si. L’engagement professionnel dans la police, loin d’étouffer cette fibre, l’a plutôt aiguisée. « Servir implique d’abord de comprendre l’humain », répète-t-il souvent, faisant de la poésie un prolongement naturel de sa vocation de protecteur.
Une architecture poétique vouée à l’amour
L’ouvrage compte quatre-vingts pages et quarante-huit poèmes aux formats variés, allant du sonnet ramassé au long poème narratif. Le critique littéraire Rosin Loemba souligne « une mythologie personnelle où l’amour s’érige en principe organisateur du monde ». Le titre, comme la couverture arborant un arbre aux feuilles en forme de cœur, instaure d’emblée une triade sémantique : les mots comme matière vive, l’amour comme respiration, les larmes comme résidu de toute expérience affective. La langue, volontairement simple, alterne créolismes et références bibliques, dans une esthétique qui n’hésite pas à convoquer aussi bien l’héritage de Verlaine que les rythmes de la rumba urbaine.
Résonances générationnelles et pédagogiques
Si le livre parle d’amour, il parle surtout aux jeunes. La salle, majoritairement composée d’étudiants de l’université Marien-Ngouabi, a vibré lorsque l’auteur a décliné ce qu’il appelle sa « profession de foi littéraire » : « Écrire, c’est déposer une promesse sur la table d’école d’un inconnu ». Appoliange Josué Mavoungou, directeur général adjoint de L’Harmattan Congo, a saisi l’occasion pour rappeler que « le retour au livre est la clef d’un capital intellectuel durable ». Dans un pays où le numérique grignote chaque minute d’attention, cette injonction à lire prend valeur d’alarme et d’espoir.
La culture comme levier de cohésion nationale
Au-delà de la performance individuelle, l’événement a réaffirmé la nécessité d’une politique culturelle valorisant la production locale. Le professeur Prince Arnie Matoko, spécialiste de littérature orale, inscrit l’initiative dans « un mouvement de réappropriation symbolique » : l’État encourage les industries créatives, les maisons d’édition congolaises consolident leurs catalogues, et les auteurs, à l’instar d’Obambi, offrent des récits qui parlent du quotidien tout en s’élevant vers l’universel. Cette dynamique participe à l’édification d’un imaginaire collectif apaisé, condition sine qua non d’une cohésion durable.
Perspectives pour la scène littéraire congolaise
“Des mots, de l’amour et des larmes” s’achève sur une note d’espérance : l’Afrique, et le Congo en particulier, doit croire en un avenir où la beauté guide l’action publique et privée. En donnant sa voix à la poésie, le commandant-poète rejoint une tradition d’intellectuels engagés qui, de Jean-Baptiste Tati Loutard à Henri Lopes, ont contribué à façonner les consciences. La jeune génération présente à la dédicace ne s’y est pas trompée : plusieurs clubs de lecture envisagent déjà d’intégrer le recueil à leurs rencontres mensuelles, preuve qu’un livre peut encore fédérer, instruire et émouvoir.
Un élan de sensibilité pour un lendemain meilleur
En terminant la séance de signatures, Obambi a glissé ce mot aux lecteurs : « Aimer, c’est refuser la défaite ». L’aphorisme résume l’ambition de l’ouvrage : faire de l’amour un acte de résistance pacifique, accessible à chacun dans son intimité comme dans son engagement citoyen. À l’heure où la jeunesse congolaise interroge son horizon, la poésie rappelle que la construction d’une nation passe aussi par le vers, par la nuance, par la tendresse. Entre uniformes et métaphores, Césaire Obambi offre ainsi une passerelle inédite entre action concrète et rêverie, invitant ses contemporains à conjuguer futur au mode poétique.