La solidarité prend forme à Pointe-Noire
Samedi 21 juin, au centre Polio de Pointe-Noire, la Caritas diocésaine a lancé une campagne trimestrielle qui promet de distribuer, tous les trois mois, des kits alimentaires aux personnes vulnérables de la capitale économique. Plus de cent bénéficiaires ont reçu un premier lot de denrées.
Derrière ce geste, l’archevêque Mgr Abel Liluala veut instaurer un rendez-vous régulier de solidarité, afin de répondre concrètement aux défis d’insécurité alimentaire aggravés par l’inflation et la pandémie. L’initiative s’inscrit dans la stratégie humanitaire globale de l’archidiocèse.
Dans une ville où les indicateurs sociaux restent contrastés, cette opération apporte un souffle d’espoir sans distinction de confession ou de quartier. Les paroisses jouent un rôle clé, identifiant les personnes âgées isolées, les ménages précaires et les femmes cheffes de famille menacées de pénurie.
Une organisation rodée et transparente
La distribution repose sur une logistique rigoureuse. Les dix paroisses urbaines reçoivent des quotas fixés selon le nombre de dossiers validés. Chaque kit contient notamment riz, huile, poisson salé et savon, l’idée étant de couvrir quatorze jours d’alimentation de base.
Une équipe de vingt bénévoles recense, empaquette puis remet les colis, sous l’œil d’observateurs indépendants issus de la commission sociale diocésaine. « Nous voulons garantir traçabilité et équité », explique l’abbé Steve Mayala, directeur de la Caritas, insistant sur la transparence budgétaire.
Avant chaque échéance, les stocks sont négociés localement auprès de grossistes afin de soutenir l’économie ponto-noirienne. Cette approche circulaire, souligne l’économiste Pascal Ngouabi, « réinjecte du pouvoir d’achat dans les marchés périphériques et limite l’empreinte carbone des convois ».
Partenariats public-privé au service de l’humain
La Société nationale des pétroles du Congo et sa fondation financent une part essentielle de l’opération, confirmant l’émergence d’un modèle où entreprises et structures ecclésiales conjuguent leurs moyens. Pour cette première vague, la SNPC a fourni l’huile et assuré le transport des cargaisons.
« Notre responsabilité sociétale dépasse la production d’hydrocarbures », rappelle un responsable communication de la SNPC. Selon lui, l’appui à la Caritas répond aux objectifs de développement durable adoptés par le gouvernement, notamment la sécurité alimentaire et l’inclusion des seniors.
Le partenariat illustre un terrain d’entente où foi et entreprise s’alignent sur la même cause. Les autorités locales, invitées à la cérémonie, ont salué un « bel exemple de coopération », soulignant la complémentarité avec les programmes sociaux déjà conduits par l’État et les collectivités.
Des bénéficiaires racontent
Assise sous un manguier, Eveline Makosso, 67 ans, inspecte son sac de riz de cinq kilos. « Cela va tenir quinze jours », confie-t-elle, sourire timide. Pour cette retraitée, dont la pension couvre à peine le loyer, le colis constitue « un vrai soulagement mental ».
À quelques mètres, Jean-Claude, ancien docker victime d’une lésion lombaire, raconte avoir dû réduire ses repas à un par jour. « Recevoir du poisson salé, c’est précieux, parce que la protéine est souvent hors de prix », explique-t-il, montrant le sachet soigneusement rangé.
Les bénévoles, eux, repartent avec la sensation d’avoir créé un lien. « Ce n’est pas seulement de la nourriture, c’est de l’écoute », témoigne Grâce Loubaki, étudiante en géographie. Elle dit avoir découvert la réalité du « vieillissement urbain », phénomène encore peu exploré par la recherche locale.
La jeunesse congolaise, maillon décisif
Le projet mobilise fortement les 20-35 ans, nombreux à vouloir conjuguer engagement citoyen et compétences professionnelles. Certains développent des applications de suivi de stock, d’autres animent des sessions d’éducation nutritionnelle pour amplifier l’impact. L’organisation espère ainsi convertir la solidarité en laboratoire d’innovations sociales exportables.
Chez les étudiants, l’expérience compte désormais sur les CV, preuve que l’humanitaire peut devenir un atout de carrière. « Recruter des profils impliqués socialement rassure les employeurs », observe la sociologue Mireille Abessolo, pour qui la Caritas contribue indirectement à l’employabilité des jeunes en quête de sens.
Prochain rendez-vous et défis
La deuxième distribution est fixée à septembre, après analyse des retours terrain. Les organisateurs prévoient d’étendre la couverture aux quartiers périphériques de Hinda et Vindoulou, où l’insécurité alimentaire reste aiguë, selon le dernier rapport de la direction départementale des affaires sociales.
Maintenir l’effort sur la durée représente toutefois un défi logistique et financier. La Caritas réfléchit à un « ticket solidaire » que les ménages aisés pourraient acheter dans les supermarchés partenaires pour financer un kit. Le concept serait testé durant la campagne de fin d’année.
En parallèle, les responsables discutent avec des nutritionnistes pour enrichir les paniers en légumineuses locales et diversifier les apports. Une manière, selon Mgr Liluala, « d’allier urgence et prévention ». La volonté, rappelle-t-il, est de « redonner confiance, pas d’installer la dépendance ».
Au-delà du calendrier immédiat, l’opération nourrit une réflexion plus large sur la résilience urbaine au Congo-Brazzaville. Pointe-Noire, poumon économique, teste ici un mécanisme de solidarité qui pourrait inspirer d’autres diocèses ou collectivités, à l’heure où les crises climatiques multiplient les situations de vulnérabilité.
Le suivi sera assuré par une plateforme numérique ouverte, où bénéficiaires et donateurs pourront consulter en temps réel les statistiques d’approvisionnement.