Un dialogue transatlantique forgé par l’histoire
Aux premières heures de juillet, la signature solennelle du jumelage entre la Pointe-Noire congolaise et son homonyme guadeloupéenne a résonné comme une réminiscence des routes atlantiques qui, jadis, ont entremêlé les destins africains et caribéens. Séparées par plus de 6 000 kilomètres, les deux cités partagent un toponyme qui conte déjà, à lui seul, l’enchevêtrement culturel né de la période coloniale. La démarche actuelle entend dépasser la simple curiosité toponymique pour transformer cette coïncidence historique en moteur de coopération structurée.
En accueillant la délégation antillaise, le président du Sénat Pierre Ngolo a rappelé que « la diplomatie parlementaire est un relais indispensable aux ambitions municipales ». Loin d’être un acte symbolique isolé, l’accord s’inscrit dans la stratégie d’ouverture promue par les autorités congolaises, désireuses de diversifier leurs partenariats tout en entretenant la mémoire partagée des diasporas africaines.
Diplomatie culturelle Sud-Sud et rayonnement local
Le jumelage, scellé en présence des maires Evelyne Tchichelle et Camille Elisabeth, s’érige en vitrine d’une diplomatie culturelle Sud-Sud que Brazzaville encourage de longue date. En conjuguant les compétences des collectivités territoriales, les deux municipalités entendent mutualiser savoir-faire et expériences de gouvernance adaptables à l’échelle locale. L’exercice illustre la volonté gouvernementale de conforter le maillage international des villes congolaises sans passer exclusivement par des capitales occidentales, ouvrant ainsi des couloirs de coopération moins hiérarchiques et davantage horizontaux.
Ce choix de partenaires témoigne également d’un repositionnement où les affinités culturelles deviennent levier d’influence. Les élus guadeloupéens valorisent leur appartenance aux Outre-mer français tout en revendiquant une identité afro-descendante. Pointe-Noire, locomotive pétro-portuaire du Congo, y voit l’occasion de consolider son image de hub tourné vers l’Atlantique ainsi que de diversifier ses échanges au-delà de l’axe traditionnel Europe-Asie.
Tourisme mémoriel et économie créative en ligne de mire
Sur le plan économique, le tourisme mémoriel fait figure de fil rouge. « Nous voulons reconnecter nos jeunes à leurs racines, redécouvrir des savoir-faire oubliés et en faire des opportunités d’emploi », a insisté le maire guadeloupéen. Les cases patrimoniales de Loango, les récits de l’ancien chemin de fer Congo-Océan ou encore les sites d’embarquement des captifs figurent parmi les atouts susceptibles d’attirer une clientèle caribéenne avide de quêtes identitaires. À l’inverse, la Guadeloupe propose ses musées de l’esclavage, ses festivals et son expertise en circuits thématiques, autant de plateformes prêtes à accueillir les Congolais désireux de décrypter la mémoire afro-caribéenne.
L’artisanat se positionne comme second pilier du partenariat. Tisserands de M’bote, sculpteurs de palissandre, céramistes de la côte et créateurs de madras créole pourront croiser leurs procédés, stimuler la création de coopératives mixtes et accéder à de nouveaux marchés. Dans un contexte où les industries culturelles congolaises cherchent à formaliser leurs chaînes de valeur, l’échange de techniques et la coproduction d’événements pourraient générer des revenus complémentaires tout en renforçant l’employabilité des jeunes diplômés.
Jeunesses afro-descendantes : identité partagée, ambitions convergentes
Le volet jeunesse revêt une importance cardinale. Les municipalités envisagent des stages croisés, des programmes de volontariat et des résidences artistiques afin d’ancrer le jumelage dans le quotidien des 20-35 ans. Les universités Marien-Ngouabi et des Antilles explorent déjà la création de chaires communes en histoire atlantique et en management des industries créatives. Une telle dynamique nourrit les aspirations d’une génération congolaise connectée, qui souhaite conjuguer héritage et innovation pour structurer son avenir professionnel dans un environnement mondialisé.
Sociologues et anthropologues saluent une démarche jugée inclusive, capable de renforcer l’estime de soi des jeunes afro-descendants en leur offrant des récits valorisants. Les autorités congolaises voient également dans cette effervescence culturelle un vecteur d’unité nationale et de cohésion, autant d’objectifs alignés avec les politiques publiques visant l’émergence à l’horizon 2030.
Ancrage institutionnel et feuilles de route partagées
Sur le plan protocolaire, la présentation de l’accord devant le Sénat brazzavillois confère au jumelage une légitimité institutionnelle qui dépasse la sphère municipale. Les commissions des Affaires étrangères et des Lois locales devraient examiner prochainement un ensemble de dispositions facilitant les échanges de personnels, la reconnaissance des conventions de stage et la circulation des produits artisanaux labellisés dans l’espace CEMAC.
D’ores et déjà, un comité mixte de suivi, coprésidé par les deux maires, élabore une feuille de route triennale assortie d’indicateurs de performance. Des forums économiques bisannuels, l’installation d’un espace culturel antillais dans la future médiathèque de Pointe-Noire et l’organisation d’une « Quinzaine des Afriques caribéennes » figurent parmi les projets phares. Tous misent sur la stabilité politique congolaise et l’engagement constant des institutions pour garantir la pérennité de ce lien transatlantique qui, de l’avis des partenaires, aura vocation à « s’étendre à d’autres collectivités africaines désireuses de conjuguer mémoire et développement ».
