Le grand retour des séances cinéma à Pointe-Noire
Les écrans du musée Cercle africain s’étaient assoupis depuis des mois. Le 3 octobre, les fauteuils se sont à nouveau remplis pour une soirée de reprise saluée par les cinéphiles de Pointe-Noire, impatients de voir défiler des images venues d’Italie et du Congo.
Sur le tapis rouge improvisé, Lis Pascal Moussodji, directeur de cabinet de la ministre de l’Industrie culturelle, a croisé Enrico Nunziata, ambassadeur d’Italie. Autour d’eux, les équipes d’Eni Congo et les responsables du musée partageaient un même sourire : celui d’un projet enfin concrétisé.
Fare Cinema, passeport italien pour le 7e art
La soirée s’inscrit dans le festival international Fare Cinema, piloté depuis Rome par le ministère italien des Affaires étrangères. Objectif : propulser la qualité des productions transalpines hors de leurs frontières et révéler les coulisses des métiers du cinéma à un public mondial.
« Fare Cinema est né pour valoriser nos créateurs et leurs savoir-faire. Chaque projection devient une ambassade culturelle mobile », a rappelé l’ambassadeur Enrico Nunziata, soulignant l’enthousiasme des représentations diplomatiques italiennes pour ce programme annuel.
Le plan Mattei projeté sur grand écran
Pour l’Italie, le retour des séances nourrit aussi le partenariat Afrique-Italie consolidé par le récent Plan Mattei. Culture et énergie dialoguent ainsi symboliquement, l’entreprise Eni Congo soutenant la logistique des soirées. Un cocktail qui illustre la volonté de coopération gagnant-gagnant vantée par les deux pays.
Nunziata insiste : « Soutenir des films italo-congolais montre que nos liens ne sont pas seulement économiques. Le cinéma traverse les frontières et parle des défis que nous partageons ».
Les ponts culturels salués par Brazzaville
Lis Pascal Moussodji défend la même vision. Pour lui, chaque séance nourrit l’imaginaire collectif et consolide la fraternité entre nations. « Les échanges artistiques ouvrent l’esprit, élargissent l’horizon et renforcent la coexistence », assure-t-il, espérant voir la jeunesse congolaise s’approprier ces histoires.
Le responsable ministériel promet déjà un accompagnement technique pour que ces rencontres inspirent de futures coproductions et de nouvelles formations destinées aux créateurs locaux.
« Dafné », un voyage tendre et poignant
En ouverture, « Dafné » du réalisateur toscan Federico Bondi a plongé la salle dans une tranche de vie délicate. Le road-movie suit une jeune femme trisomique qui, après la disparition de sa mère, embarque son père dans le village familial pour mieux apprivoiser le deuil.
Sur la route, la relation père-fille se réinvente. Les spectateurs ont salué un jeu d’acteurs émouvant, magnifié par des paysages intimes. Certains y ont vu un clin d’œil à la force des liens familiaux, thème universel qui résonne particulièrement au Congo.
« Grave erreur 2 », thriller moral made in Congo
Place ensuite à l’adrénaline locale avec « Grave erreur 2 » de Richi Mbebelé. Le film explore la confiance brisée entre deux amis et la spirale de vengeance qui s’ensuit. Trahison, mensonge et jalousie se répondent jusqu’au basculement.
Les minutes haletantes ont fait vibrer la salle, ravie de retrouver un long-métrage tourné sur son sol. L’approche sans filtre des vices humains a déclenché des murmures complices, chacun reconnaissant un fragment de réalité dans les personnages.
Dialogue réalisateur-public, un plus très apprécié
La projection s’est conclue par un échange franc entre Richi Mbebelé et le public. Questions techniques, anecdotes de tournage et conseils aux aspirants réalisateurs ont alimenté un débat chaleureux. « Croyez en vos idées, même sans budget hollywoodien », a lancé l’artiste, déclenchant des applaudissements nourris.
Pour beaucoup d’étudiants présents, rencontrer un cinéaste local a donné corps aux rêves. « On voit qu’il est possible de tourner ici et d’exporter nos histoires », confie Maïsha, étudiante en audiovisuel.
Des vendredis soirs dédiés au 7e art
La relance ne s’arrête pas à cette unique soirée. Le musée annonce un cycle hebdomadaire : chaque vendredi à 19 h, un film italien ou congolais – parfois les deux – sera projeté. L’entrée reste gratuite pour les étudiants, tarif symbolique pour le reste du public.
Les organisateurs misent sur la régularité pour fidéliser les spectateurs, créer un rituel urbain et attirer des familles en quête de sorties culturelles accessibles.
Impacts attendus sur l’industrie locale
Au-delà du divertissement, les séances pourraient dynamiser l’écosystème cinématographique congolais. L’idée est de stimuler la demande de formations, d’encourager les coproductions et, à terme, de faire émerger un marché de distribution mieux structuré.
Eni Congo et le musée disent réfléchir à des ateliers d’écriture de scénarios et à des master-classes lumière ou montage, afin de professionnaliser la filière sans attendre.
Vers un public diversifié et connecté
Pour toucher la génération mobile-first, l’équipe communication a lancé un défi TikTok : poster sa réaction en quinze secondes après chaque projection. Les meilleurs clips seront diffusés avant le film suivant, créant un fil rouge participatif.
Sur WhatsApp et Instagram, des stories rappellent la programmation, tandis qu’un quiz hebdomadaire permet de gagner des invitations VIP. Les réseaux deviennent ainsi l’extension naturelle de la salle obscure.
Une salle, deux nations, un même projecteur
En réintroduisant ces rendez-vous, Pointe-Noire offre un espace où convergent passion, diplomatie et économie créative. Chaque séance s’érige en pont lumineux entre Bari et Brazzaville, entre Toscane et Kouilou.
Les rires, les silences et les applaudissements partagés dessinent une cartographie sensible qui dépasse les frontières, preuve que l’art reste une langue commune.
Prochain clap, nouvelles histoires
Les organisateurs promettent déjà la projection d’une comédie italienne primée et d’un documentaire congolais sur la rumba classée au patrimoine de l’UNESCO. De quoi renouveler l’enthousiasme et faire battre le cœur cinéphile de la ville tout l’automne.
Chaque fin de séance, les spectateurs repartent avec le programme à venir, prêt à être partagé sur les campus et dans les quartiers, assurant la viralité de l’événement.