Un débat inédit au cœur de la capitale économique
Dans la moiteur océane de Pointe-Noire, la salle du Palais des congrès a résonné, deux jours durant, d’un bruissement peu coutumier : celui d’une communauté d’acteurs décidés à réfléchir collectivement à l’avenir énergétique du Congo. Sous l’égide de la Rencontre pour la paix et les droits de l’homme, avec l’appui logistique de la mairie et l’accompagnement technique d’Energy Transition Fund, administrations publiques, opérateurs privés et organisations de la société civile ont convergé vers une même interrogation, presque vertigineuse pour un pays où l’or noir pèse plus de la moitié des recettes d’exportation : comment préparer lucidement l’après pétrole sans compromettre la trajectoire de développement impulsée ces dernières années ?
La transition énergétique : d’un slogan global à un agenda local
Si la notion de « transition énergétique » nourrit nombre de conférences internationales, elle revêt à Pointe-Noire une acuité particulière. « Nous n’avons pas l’intention de diaboliser le pétrole, mais d’anticiper l’inéluctable évolution du marché mondial », a expliqué d’emblée M. Antoine Lebala, directeur départemental de l’Énergie. L’étude présentée par le consortium technique souligne que, d’ici à 2035, la demande mondiale d’hydrocarbures pourrait stagner, voire reculer, sous l’effet de la mobilité électrique et de la fiscalité carbone accrue dans les pays importateurs. Pour le Congo, qui dispose d’un ensoleillement annuel supérieur à 3 000 heures et de multiples cours d’eau, les énergies solaire, hydraulique et, à moyen terme, l’hydrogène vert constituent d’authentiques relais de croissance, pourvu qu’un cadre incitatif clair et stable soit consolidé.
Diversifier sans se disperser : pistes d’innovation pour la jeunesse
Au-delà des mégawatts, la table ronde a placé la question de l’emploi des jeunes au centre des priorités. Mme Grâce Mavoungou, entrepreneure dans l’agritech, a rappelé que « la diversification commence par la valorisation de nos propres talents ». Les secteurs identifiés comme à fort potentiel – agriculture de précision, transformation du bois, économie numérique et services culturels – mobilisent des compétences où les 20-35 ans sont déjà surreprésentés. Le ministère de l’Enseignement supérieur a d’ailleurs annoncé la création prochaine d’un cursus « Énergies renouvelables et innovation frugale » au sein de l’Université Marien-Ngouabi, afin de préparer une main-d’œuvre locale aux futurs appels d’offres.
Des partenariats techniques pour renforcer la souveraineté économique
Le projet Papco, financé pour un an par l’ONG RPA, mise sur des synergies public-privé. Des groupes internationaux ont déjà manifesté leur intérêt. « Nous souhaitons co-construire avec le gouvernement congolais des solutions adaptées au terrain, qu’il s’agisse de micro-grids solaires en milieu rural ou de biocarburants issus des résidus forestiers », a indiqué Mme Sofia Alvarez, représentante d’Energy Transition Fund. Dans la même veine, la Chambre de commerce de Pointe-Noire a confirmé la tenue, courant 2025, d’un forum dédié à l’investissement vert, signe que le dialogue engagé dépasse le simple exercice académique pour épouser une logique de projets concrets, créateurs de valeur et d’autonomie.
Vers une pré-feuille de route inclusive et pragmatique
Au terme des échanges, un consensus s’est dégagé autour de trois piliers. Premièrement, renforcer la gouvernance énergétique par une meilleure transparence des données et une implication systématique des collectivités locales. Deuxièmement, accélérer la réforme du code des investissements pour rendre compétitifs les projets bas-carbone. Troisièmement, déployer un fonds de transition soutenant les initiatives entrepreneuriales des jeunes et des femmes. Pour M. Justin Okemba, maire de Pointe-Noire, « il s’agit d’une étape décisive : nous esquissons une feuille de route qui devra être soumise, enrichie puis validée au niveau national, dans un esprit d’unité et de responsabilité partagée ».
Quel horizon pour l’après pétrole congolais ?
La prudence analytique reste de mise : aucun pays ne se détache du pétrole du jour au lendemain. Néanmoins, la démarche participative initiée à Pointe-Noire replace l’avenir énergétique du Congo dans un registre stratégique plutôt que spéculatif. En fédérant acteurs publics, privés et associatifs, le processus conforte l’engagement des autorités à diversifier l’économie, tout en capitalisant sur les compétences de la jeunesse. Et si le Congo, à l’instar des grands producteurs que sont la Norvège ou les Émirats arabes unis, transformait la rente pétrolière présente en tremplin pour un arsenal d’industries vertes ? La question fait désormais l’objet d’un calendrier de travail, gage d’une transition maîtrisée et inclusive, parfaitement alignée avec la vision de stabilité et de progrès prônée au plus haut niveau de l’État.