Une dynamique logistique au service de la diversification économique
Si Brazzaville concentrait le débat de la cinquième Rencontre des entrepreneurs francophones, c’est bel et bien à Pointe-Noire que le projecteur s’est finalement braqué. Depuis 2009, Africa Global Logistics, opérant via sa filiale Congo Terminal, a multiplié les modernisations, transformant ce port en eau profonde en tête de pont de la compétitivité congolaise. L’annonce d’un programme d’investissements approchant le milliard d’euros pour la période 2009-2027 consacre une stratégie assumée : accompagner la diversification de l’économie nationale au-delà des hydrocarbures tout en renforçant le rôle du pays dans les échanges régionaux et intercontinentaux.
Le ministre congolais des Transports a salué « une vision cohérente avec la feuille de route gouvernementale, qui vise à positionner Pointe-Noire comme plateforme logistique de référence du Golfe de Guinée ». À l’heure où la Zone de libre-échange continentale africaine amorce son déploiement, l’atout d’un port capable d’accueillir les plus grands porte-conteneurs devient un levier majeur de réduction des coûts logistiques, donc d’attraction d’investissements productifs.
L’empreinte d’AGL : de l’amélioration des quais à la montée en puissance digitale
Entre 2009 et 2024, le trafic annuel est passé d’environ 200 000 EVP à plus d’un million, illustrant l’effet cumulatif des nouveaux portiques, des profondeurs de chenal recalibrées et de la professionnalisation des équipes. Les gains de productivité ne reposent pas uniquement sur la mécanique portuaire : la mise en place de solutions numériques de suivi documentaire en temps réel a réduit les délais de passage de la marchandise et sécurisé la chaîne de valeur.
« Nous investissons simultanément dans la technologie, la formation et l’infrastructure afin de garantir une qualité de service homogène », a rappelé Philippe Labonne, président d’AGL, devant quelque trois mille entrepreneurs francophones réunis à Brazzaville. L’entreprise a en outre renforcé ses partenariats avec les établissements d’enseignement supérieur locaux pour intégrer des modules de logistique avancée et de maintenance industrielle, préparant ainsi la main-d’œuvre congolaise aux standards internationaux du secteur.
Le Môle Est, futur hub régional dès 2027
Point d’orgue de ce programme, la construction du nouveau terminal au Môle Est affiche des caractéristiques qui replacent Pointe-Noire sur la carte des grands hubs atlantiques : 750 mètres de quai, tirant d’eau de 17 mètres, portiques de dernière génération. Cette configuration permettra l’escale des méga-navires de plus de 18 000 EVP, favorisant la massification des volumes, la fréquence des touchers et, in fine, la baisse des coûts unitaires pour les importateurs comme pour les exportateurs.
Selon les projections d’AGL, l’entrée en service du Môle Est en 2027 devrait faire grimper le trafic total à 1,5 million d’EVP, confortant le port dans son rôle de porte d’entrée naturelle pour la République centrafricaine, le nord-ouest de la RDC et une partie du Cameroun. En filigrane, c’est tout le corridor routier et ferroviaire Pointe-Noire-Brazzaville-Bangui qui verrait sa pertinence logistique renforcée.
Effets d’entraînement sur l’emploi et la formation des jeunes
Le chantier et l’exploitation du Môle Est devraient générer environ 900 emplois permanents, en plus des 1600 collaborateurs déjà employés par les trois filiales congolaises d’AGL. Les profils recherchés couvrent un spectre large, de la maintenance électromécanique à la cybersécurité portuaire, offrant des perspectives concrètes à la jeunesse diplômée du pays.
« Notre priorité est de confier 90 % des postes à des Congolaises et des Congolais », assure le directeur général de Congo Terminal. Les programmes de formation duale, menés en partenariat avec l’Institut National Polytechnique et des centres de formation professionnelle de Pointe-Noire, prévoient des modules pratiques sur simulateur, complétés par des stages rémunérés sur site. Autant d’initiatives qui s’inscrivent dans la volonté gouvernementale de lier grands projets et montée en compétences nationales.
Vers un réseau multimodal intégratif
L’investissement portuaire n’aurait toutefois qu’un impact limité sans un maillage terrestre efficace. AGL met ainsi l’accent sur la cohérence multimodale : remise à niveau du Chemin de fer Congo-Océan, développement d’unités fluviales sur le Kouilou et modernisation des plateformes routières vers le Pool. L’objectif affiché est de fluidifier le transit des conteneurs jusqu’aux zones de consommation intérieure et vers les pays de l’hinterland, réduisant les ruptures de charge et les délais.
Au-delà des volumes, cette approche intégrée répond à la demande croissante de traçabilité et de rapidité exprimée tant par les industriels que par les start-up e-commerce qui émergent à Brazzaville et Pointe-Noire. En confortant sa place de nœud logistique, le Congo consolide également son rôle de facilitateur du commerce intra-africain, conformément aux engagements pris dans le cadre de l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
Perspectives régionales et ancrage national
Le pari financier d’AGL se double d’un enjeu géopolitique. Dans un contexte où la concurrence portuaire s’intensifie sur la façade atlantique, Pointe-Noire bénéficie d’une stabilité institutionnelle appréciée des armateurs et d’une réglementation douanière en cours d’harmonisation avec les standards de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale. Cette conjonction favorise l’afflux de nouvelles lignes maritimes et la consolidation d’alliances industrielles.
Pour la jeunesse congolaise, l’équation est porteuse : des emplois qualifiés, une mobilité accrue des biens et la perspective, à moyen terme, de tarifs plus compétitifs sur les marchandises de grande consommation. En coulisses, les analystes financiers perçoivent déjà l’effet de signal positif sur l’attractivité du pays, susceptible d’ouvrir la voie à d’autres investissements structurants dans les télécommunications ou les énergies renouvelables.
