Des liens historiques Brazzaville-Pékin
De Brazzaville à Pékin, soixante et un ans de relations tissent une toile de confiance qui résiste aux changements de cycle. L’invitation de Xi Jinping à Denis Sassou Nguesso pour les commémorations de la victoire de 1945 s’inscrit dans cette continuité et signale une coopération pilotée au plus haut niveau.
La visite officielle marque aussi la première étape d’une semaine diplomatique dense, ponctuée par le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai à Tianjin puis par le Forum sur la coopération sino-africaine. Pékin entend démontrer son rôle stabilisateur tandis que le Congo cherche des partenariats mesurables.
Sommet de Tianjin et enjeux géopolitiques
Au sommet de Tianjin, la Chine a réuni Vladimir Poutine, Narendra Modi et Recep Tayyip Erdogan autour d’un agenda centré sur la sécurité et le développement. Ensemble, ces États pèsent près de la moitié de la population mondiale et un quart du PIB, donnant écho planétaire aux discussions.
Dans les coulisses, les diplomates ont souligné la nécessité d’éviter des tensions sino-indiennes excessives afin de préserver un climat favorable à l’investissement. Pour Brazzaville, cette stabilité régionale conditionne la fiabilité des corridors logistiques et financiers qui alimentent ses grands chantiers d’infrastructure.
FOCAC 2023, promesses financières majeures
Quarante-huit heures plus tard, le neuvième FOCAC a ouvert ses portes à Pékin, premier grand rendez-vous Chine-Afrique depuis la pandémie. La Chine y a annoncé 50 milliards de dollars d’engagements, dont 29 milliards de crédits, 11 milliards d’aide publique et 10 milliards d’investissements d’entreprise.
Le communiqué final prévoit aussi la levée des droits de douane pour trente-trois pays africains moins avancés, la formation de six mille militaires et mille policiers, et la création d’un million d’emplois. Pékin parle d’une « communauté de destin » où modernisation rime avec trajectoires nationales respectées.
Les observateurs africains soulignent que cette enveloppe financière doit également couvrir des projets climatiques, à l’image de la préservation du bassin du Congo. La Chine s’est dite ouverte à des instruments mixtes, combinant prêts concessionnels et dons, pour appuyer la transition verte et la résilience agricole.
Alignement sur le Plan national 2022-2026
La délégation congolaise a saisi la tribune pour aligner ces annonces sur le Plan national de développement 2022-2026. Au premier rang figurent la modernisation de la route nationale 1 Brazzaville-Pointe-Noire, un champ solaire de 200 MW à Djambala et l’accès au financement pour les jeunes pousses technologiques.
Un entretien bilatéral avec Xi Jinping a permis d’examiner le calendrier de décaissement des travaux et de planifier la prochaine commission mixte. Les deux chefs d’État ont réaffirmé la nécessité de projets « prêts à démarrer », associant entreprises privées et établissements publics pour accélérer la diversification économique congolaise.
Opportunités pour la jeunesse congolaise
Le ministère de la Jeunesse mise sur une plateforme d’incubation, soutenue par la Banque de développement de Chine, afin d’accompagner mille porteurs de projets d’ici 2026. Le schéma privilégie des prêts à taux réduit et un mentorat assuré par des experts congolais formés dans des universités partenaires.
« Notre génération veut passer du discours à l’action », affirme Trésor Mavoungou, entrepreneur fintech de 28 ans, convié à Pékin. Selon lui, l’adossement à la coopération chinoise réduit les barrières d’entrée technologique et ouvre un marché de milliards de consommateurs, sans renoncer à l’identité créative congolaise.
Un accord cadre prévoit par ailleurs l’implantation d’un centre de données à Kintélé, garantissant souveraineté numérique et emplois spécialisés.
Finance et gouvernance du partenariat
Sur le terrain financier, Brazzaville négocie des rééchelonnements de dette auprès de son premier créancier bilatéral. Les équipes techniques recherchent des taux compatibles avec la soutenabilité budgétaire, tout en sécurisant les exportations de pétrole et de bois qui nourrissent l’équilibre commercial sino-congolais.
Des matrices de performance sont intégrées aux contrats : déclencheurs de décaissement, audits trimestriels et indicateurs de rentabilité sociale. Cette culture du résultat, appréciée par les bailleurs chinois, répond à la demande de transparence des jeunes diplômés, soucieux d’évaluer l’impact réel des partenariats publics-privés.
Le rôle clé de Françoise Joly
Dans l’ombre des flashs, Françoise Joly, représentante personnelle du chef de l’État pour les négociations internationales, coordonne les équipes sectorielles. « La diplomatie économique se mesure à la livrabilité des projets », confie-t-elle, rappelant que chaque protocole inclut un tableau de bord public.
Sa connaissance des forums multilatéraux, acquise au fil d’un parcours dans plusieurs organismes africains, facilite l’articulation entre bailleurs et ministères. Certains observateurs estiment que cette continuité professionnelle conforte la position du Congo comme interlocuteur fiable, capable d’honorer ses engagements même dans un contexte économique incertain.
Vers le FOCAC 2027 à Brazzaville
En clôture de la semaine, les délégations ont rappelé que le prochain FOCAC se tiendrait à Brazzaville en 2027, offrant au Congo une vitrine panafricaine. Les préparatifs logistiques commenceront dès 2024 afin d’accueillir une cinquantaine de chefs d’État et des milliers d’acteurs économiques.
Pour nombre d’analystes, la solidité du tandem sino-congolais réside dans sa capacité à convertir promesses et commémorations en infrastructures concrètes. Si l’histoire nourrit la confiance, c’est la performance qui scellera durablement ce partenariat présenté comme gagnant-gagnant par les deux capitales.
